DREAM THEATER
TRAIN OF THOUGHT (Album)
2003, Elektra Records / Atlantic Records


1. As I Am 07:48
2. This Dying Soul 11:27
3. Endless Sacrifice 11:24
4. Honor Thy Father 10:14
5. Vacant 02:57
6. Stream of Consciousness 11:16
7. In the Name of God 14:15

Total playing time 1:09:21


joKeR : 19/20
Un beau jour, les joyeux drilles de Dream Theater se retrouvèrent à un concert de Pantera, groupe connu pour sa finesse naturelle... Et en sortant de ce concert, leurs premiers mots furent "Et si on faisait un album plus violent, comme Pantera ?"

Quelques temps après, "Train of Thought" pointe le bout de son boitier plastique transparent, laissant apparaître une pochette noire et sobre. Mais qu'ont-ils fait ?!! Eh bien, mesdames et messieurs, ils nous ont produit un album metal, très metal, différent de leur rock progressif habituel. Et lorsque vous prenez des monstres sacrés tels que Petrucci ou Portnoy et que vous leur faites faire du metal, c'est forcément bon.

"Train of Thought" est une pure bombe sonique de qualité irréprochable, contenant 7 chansons, et autant de missiles totalement déments. De "As I Am" qui ouvre la galette jusqu'à "In The Name Of God" qui la ferme sans pitié, c'est du très grand spectacle, et c'est immensément musical, bien au-dessus techniquement de tout ce que vous pourrez trouver dans le metal. D'emblée, "As I Am" introduit quelques lignes harmoniques, puis un son lourd et gras saturé comme il le faut, et en quelques mesures, Dream Theater lance le train de leurs pensées à grande vitesse, locomotive fumante et furieuse, dégageant tout sur son passage. Mais c'est énorme ! Vient "This Dying Soul", dans la lignée du titre précédent, avec un niveau technique extra-terrestre. L'intro dure une bonne minute, et Petrucci se lâche... Un carnage ! Des plans sortis d'on ne sait où, des riffs putain-qu'est-ce-que-c'est-bon-de-jouer-à-un-doigt, et en plus c'est net et sans bavures... "Endless Sacrifice" semble calmer le jeu, mais c'est mal connaître les cinq comparses. Et à environ 5 minutes, le groupe tombe dans un riff ultra noir qui, pour le coup, nous rapproche des groupes de gros heavy, mais avec la Dream Touch en plus... A 6 minutes 30, on a un délire électronique, qui annonce une fois de plus un chorus de Petrucci à se rouler par terre. Gratteux, attention ! Ce disque est mauvais pour votre santé musicale. Vous pourriez avoir besoin de remettre toute votre expérience musicale en question tant vous vous sentirez ridicule... Et on continue le show. A 8 minutes, Dream accélère encore, c'est une tuerie, c'est une boucherie, c'est un carnage... M'enfin, je ne vais pas non plus tout vous raconter, il faut écouter la perle...

"Honor Thy Father" est introduit par un Portnoy en grande forme, puis on attaque sec sur la chanson la plus rapide du disque. C'est gras, ça speede, c'est énorme. Rien à dire, sinon un grand coup de chapeau à ces monstres, et un grand coup de pied au cul pour toi, ami musicien qui croyais que le metal, c'était deux accords et demi. Quand tu vois ce que fait Petrucci de tes préjugés sur le metal, tu reconsidères toute ta philosophie métalleuse... Et ce n'est certainement pas "Vacant" qui va aller à l'encontre de ces remarques. Chanson acoustique, piano/synthé/voix, les plans sont impeccables et la mise en place irréprochable... Chanson la plus courte de l'album (sur 7 chansons, 5 dépassent les 10 minutes, et il n'y en a qu'une qui fait moins de 7 minutes...), elle prépare à l'apogée de la galette. Tout d'abord, "Stream of Consciousness"... Que dire de cette perle ? D'une part qu'elle est instrumentale ; pas de voix pour couvrir la créativité des musiciens donc. D'autre part qu'elle dure également plus de 10 minutes, et que 10 minutes d'instru avec des plans complètement différents qui s'enchaînent pourtant à merveille, c'est long, mais c'est un bonheur incroyable. Et enfin... Si vous restiez encore froid devant la maîtrise technique des musiciens (ce qui est fortement impossible), vous serez ici cloué au siège. Guitare, batterie, basse, synthé, ils sont tous aberrants de technique, c'est gigantesque. Et pour finir, "In The Name Of God", qui conclut en bouquet final un album dantesque et achève de combler un auditeur déjà assommé.

Musicien, amateur de metal, fan de Dream Theater, ou tout simplement curieux, cet album est destiné à tout le monde, et élève le genre dans une sphère dans laquelle il n'avait que très peu voyagé jusque là. Rien à dire, c'est du grand, du très grand. Chapeau bas, messieurs...

2005-07-21 00:00:00


Alfael

2009-10-28 00:00:00


cacaman : 7/20
Alors voyons voir… par où commencer?
Le début des années 2000 marque un tournant dans l'histoire de Dream Theater. En effet, après leur mirifique album Scenes from a Memory, les deux têtes pensantes du groupe, Portnoy & Petrucci, décident de développer le côté métallique du groupe. Etait-ce vraiment nécessaire ? C'est une question que je me pose lorsque j'écoute des morceaux tels que Caught in a Web, Fatal Tragedy, ou encore Beyond This Life… bref, passons, ce fut leur choix. Malheureusement, la méthode employée fut désastreuse.

Les joyeux drilles trouvèrent formidable l'idée d'apporter quelques disques avec eux pour leurs séances de composition (méthode d'ailleurs partiellement utilisée dans le passé, mais de manière beaucoup plus discrète). Dans leurs bagages du Metallica old school, du Pantera, ainsi que des albums de Tool, Muse, Radiohead ou je ne sais quoi d'autre, et allons-y gaiement. Ce que Portnoy appelle l' "inspiration corner" était officiellement devenue la principale source de composition du groupe. Tiens, il est pas mal ce riff de Pantera, et si on le modifiait un chouia comme ça… et hop! Un riff tout neuf! Certains se foutent de ce genre de "détails". Mais moi, ça me pose un gros problème.
Evidemment, rien n'est pleinement et entièrement original. Nous sommes tous des sommes d'individualités, de personnalités qui ont marqué notre existence, tant au niveau moral (les valeurs, les schémas de pensée) que physique (la tenue vestimentaire, la coupe de cheveux, etc). En gros, personne ne se fait tout seul. C'est aussi valable pour la musique. On pourrait, après tout, dire que toute musique a été influencée par les premiers rythmes créés par les hommes des cavernes en leur temps.
Donc la notion d' "inspiration" n'est pas en soi un problème puisqu'elle est inévitable, quoi que l'on fasse.

MAIS. Il y a un "mais", et de taille. Il y a une ligne de démarcation entre l'inspiration, naturelle, honnête, et la repompe éhontée. Parfois, on ne sait pas trop si la ligne a été franchie ou pas, et Dream Theater (puisque c'est d'eux qu'on parle) nous avait déjà plus ou moins habitués à nous interroger. On peut penser à l'intro de "Home" décalquée sur "46 & 2" de Tool, au final de "Innocence Faded" sucé sur le "Red Barchetta" de Rush, au break de "Trial Of Tears" sentant Allan Holdsworth à plein nez, au refrain de "Anna Lee" pompant celui de "I'll Be Over You" de Toto, à "Lifting Shadows Off A Dream" qui semble appartenir au répertoire de U2, au final de "Peruvian Skies" jouant avec des riffs à la Metallica. Alors était-ce conscient ou pas? Pour certains j'en mets ma main à couper que oui, mais je n'en ai pas fait toute une affaire puisque cela semblait marginal.
Maintenant c'est différent. L' "inspiration corner" (même ce nom sent l'arnaque) est une réalité. Nos zozos écoutent des disques, singent les riffs qui leur plaisent, les modifient à coups de contretemps pour noyer le poisson et casent des breaks remplis de cascades de notes jouées pied au plancher ; le tour est joué. Ici, la ligne séparant l'inspiration saine de l'inspiration malhonnête a été allègrement franchie (je défie quiconque de me prouver le contraire), et ce modus operandi se répète depuis maintenant 2002.

Donc je me demande sincèrement quel est l'intérêt de chroniquer un disque qui a été en partie délibérément, consciemment, pompé sur d'autres œuvres. Mais ayant promis de m'y atteler, je respire un grand coup et je m'en vais m'immerger dans cet album une fois de plus. Rien que de taper ça sur mon clavier, je commence à regretter.


Loin de moi l'idée selon laquelle l'album serait entièrement mauvais. Le premier titre, As I Am, s'écoute très bien, notamment grâce au riff de couplet particulièrement efficace. On peut toutefois signaler la présence de défauts qui malheureusement s'amplifieront au fil de l'album d'une manière générale. Tout d'abord cette irritante manière qu'a LaBrie de vouloir absolument caser des mimiques Hetfieldiennes à la fin de chaque refrain, et ensuite un solo de guitare qui flirte avec l'abscons, très peu mélodique.

Le début du second morceau, This Dying Soul, fait office de superbe leurre. Du Dream Theater puissant et mélodique, digne des albums pré-6 Degrees. Le fan que je suis se prend alors à rêver d'un titre en bonne et due forme, même lorsque la tension chute un peu lors du couplet. Je suis en phase d'attente. Pas de bol, je vais le rester tout le long de cet épuisant périple, m'enfonçant de plus en plus dans mon fauteuil. Une atroce voix saturée me coupe d'abord les pattes, et ce qui succède au refrain devient tout simplement abominable. Les contretemps ne rattrapent rien, au contraire, ils rendent ce mallcore encore plus pénible à supporter. La suite n'est qu'un ramassis de notes et de contretemps stériles, jusqu'à ce que LaBrie joue à "toi aussi chante comme James Hetfield" (7'15") et soudain tout bascule de l'insipide vers le ridicule. Mon rictus de stupeur se transforme en rire nerveux.
Dream Theater a voulu s'essayer au thrash technique, ils en ont bien sûr le niveau, mais pas l'esprit. Là où Coroner, Mekong Delta ou WatchTower sont passés maîtres, DT ne propose qu'une mélasse de riffs où tout s'enchaîne maladroitement. C'est brouillon, bourré de palm-muting joués sur une épuisette, c'est un véritable supplice. A oublier.

Le troisième titre s'amorce sur quelque chose de plus musical. C'est lent, mais au moins c'est agréable. On ne peut pas tout avoir, on dirait… Endless Sacrifice renoue avec le Dream Theater que je connais et que j'apprécie, même si je tique à chaque refrain, tant son riff semble calqué sur celui de "5 Minutes Alone", à savoir gros "mutes" ponctués d'harmoniques. Les nappes de clavier qui s'ensuivent sont carrément bien vues par contre. Le break sonne typiquement DT, ce qui fait du bien aux oreilles, même si j'aurais aimé des solos plus mélodiques (ce qui ne veut pas dire "plus lents"), heureusement sauvés par une synchro guitare/clavier finale certes classique mais de toute beauté. Les thèmes mélodiques s'enchaînant ensuite ainsi que la reprise du chant sont franchement bien bandants. Ce groupe montre qu'il en a encore sous le capot et c'est rassurant. Mais mon côté indécrottable pessimiste me souffle que ce sera le seul titre à sauver ici…

EDIT : eh bien non, même pas, puisque j'ai appris, ô surprise, que la mélodie d'intro est un pur suçage de celle de Give In To Me de... Michael Jackson. Vous en doutez? Preuve : http://www.youtube.com/watch?v=g-CcqOe9WWU. N'étant absolument pas fan du petit homme gris, j'avoue humblement que ça m'avait échappé. Honte à moi! BOOOH!
Vous me permettrez donc de rectifier la note à la baisse, ainsi que la conclusion de cette chronique. Merci.

La suite lui donne tristement raison. L'intro de Honor Thy Father est tout simplement celle de Damage Inc de Metallica. J'ai peur… Cependant, la suite s'avère sympatoche, et je me surprends à baisser ma garde lorsque surgit à 1'58" un épouvantable rap qui plombe tout. LaBrie, casquette de travers, crache sa haine dans le mike. J'hallucine… Ce morceau est définitivement frustrant. De bonnes idées viennent ça et là, mais sont régulièrement dégagées par des parpaings bruyants et insupportables. A 6'30", ouf, ça s'arrange un peu avec l'arrivée salvatrice du clavier, bientôt rejoint par la guitare dans un thème ma foi bien ficelé.
Ça fait quand même du bien quand ça s'arrête.

Quelle idée de génie d'intercaler Vacant, titre calme, en cinquième position, pour ceux qui auraient eu la pensée saugrenue de tout avaler d'une traite. Je me le réécouterais bien quatre fois d'affilée histoire de me remettre la tête à l'endroit. Mais, premièrement, Vacant n'est pas bon à ce point et, deuxièmement, le devoir m'appelle et je suis pressé d'en finir.

Sixième morceau, intitulé Orion. Allons-y…
Bon d'accord, je suis de mauvaise foi, ce n'est pas du note à note, sinon l'armée d'avocats des 4 horsemen aurait été sur les dents. Mais le procédé de composition n'en reste pas moins minable. Comment peut-on cautionner un tel recyclage? C'est quand même dingue. Dans n'importe quel groupe X ou Y normalement constitué, si l'un des membres se radine avec des CDs pour en aspirer les idées et les recracher dans le désordre, il se fait jeter… au moins une première fois par les autres membres, et sinon par la presse… et là, que dalle… Il faut croire que DT jouit d'un statut à part. Pour moi, il n'en sera rien. Je ne supporte pas ce titre parce qu'il n'a pas été écrit dans les règles. Passé le thème principal, cela ressemble plus à quelque chose de personnel, pas désagréable, jusqu'au solo de Petrucci joué à 240 à l'heure. On hausse juste les épaules… Le titre tombe ensuite dans une attente léthargique, attente "récompensée" par la reprise du riff initial, dont les différentes variations et autres fioritures ne changent pas grand-chose à l'affaire. Outro toujours sur le même thème. C'est bon, on a pigé!

In The Name Of God. Youpi, encore un titre superbement "épique" à se mettre sous la dent. L'ouverture est similaire à celle d'As I Am (peut-être de manière intentionnelle, cela dit), et tout ce dont je me souviens ensuite, c'est que le refrain tombe comme un cheveu sur la soupe. Heureusement qu'il est pas mal… La suite s'avère sans surprise, complètement téléphonée, puis refrain, break à la première partie calme, à la seconde convenue, où l'on admire un DT en plein pilotage automatique, nous servant un énième déluge de notes totalement indigeste. Trop de shred tue le shred, définitivement. Retour sur le refrain au moyen d'un ralentissement agrémenté de roulements à tout rompre, classique mais efficace.


Conclusion, Train of Thought n'est pas une affligeante daube, mais sait parfois s'en rapprocher dangereusement. Nous avons de bonnes idées disséminées ici ou là, deux morceaux corrects (Vacant & As I Am), et un festival de création au rabais, alliant pur DT, pure repompe, chiasses de sextolets, influences nu-metal en pagaille (Mudvayne en tête) et chant agaçant.

Dream Theater est décidément un groupe étrange. Après avoir créé des albums somme toute personnels aux influences bien gérées et digérées, accusant toutefois quelques écarts "plagiesques", il renverse complètement le rapport et fait désormais mumuse à la manière d'un tribute band, les morceaux personnels devenant, eux, marginaux. Et, double ambiguïté, ils étaient souvent taxés à l'aube des années 90 de machines sans âme, déroulant solos et breaks en se fichant de la mélodie (on se souvient des inepties de Christopher Thorn à l'écoute de Pull Me Under)… alors que maintenant, leur popularité ne cesse de croître.

Le plus incroyable reste à mes yeux que la plupart des métalleux acquiescent sans broncher, niant les évidences, attaquant furieusement les détracteurs, pourvu qu'ils aient leur came, puissance et vitesse, et ce, quel qu'en soit le prix. Le fait, irréfutable, que les mecs de DT soient des performers hors-pair ne devrait pas les autoriser à resucer de la sorte. Cet album (ainsi que tous ceux sortis depuis 2002) me pose un problème éthique, un problème d'intégrité. Je me doute que l'intégrité peut en partie se désintégrer dans le monde de la musique (qui est principalement axé sur le business, faut bien bouffer), mais il y a un minimum syndical à respecter en-deçà duquel un groupe ne devrait pas être reconnu en tant qu'honnête. Et ce minimum-là, Dream Theater ne le respecte malheureusement plus.

2009-04-08 00:00:00