Sollicitus : 18/20 | Tout fan de Nightwish, quelles que soient ses préférences attendait ce nouvel opus. On se pose donc de nombreuses questions avant de mettre le CD dans le lecteur. Est-ce que Nightwish confirme ce changement débuté avec Once, développé avec Dark Passion Play, à savoir un style plus heavy et plus symphonique ? A-t-on réellement droit à une bande originale de film ? Anette arrive-t-elle à nous faire oublier le débat constant? De nombreuses questions auxquelles je vais essayer de vous répondre. Tout d’abord, je vous propose ma vision de l’album dans un track by track, puis je m’attarderai sur cet aspect bande-originale.
Taikatalvi : On remonte une boîte musique qui se lance, peu de temps après rejointe par Marco au chant, sur une douce mélodie en finnois. Très folklorique comme morceau, on retrouve un petit côté AFF, avec présence d’orchestre et de chœur, très discret, et une mélodie de piano tout aussi douce. Cette petite berceuse nous invite à fermer les yeux dès les premières notes, pour plonger dans le monde onirique de l’Imaginaerum … Les chœurs prennent de la consistance et nous voilà à …
Storytime : Premier single de ce nouvel album, ou l’on retrouve tous les classiques de Nightwish, des chœurs qui ne sont pas sans rappeler ceux de The Beauty of the Beast sur Century Child, avec un style classique beaucoup plus poussé, un refrain efficace. Le morceau commence sur une intro au piano avec des cordes en soutien, j’ai envie de dire, un grand classique. Dès lors, on sent un style à la Danny Elfman. Puis interviennent la guitare et la batterie sur un riff plutôt très efficace. On arrive alors au premier couplet, sans guitare sur la première partie du couplet, puis elle fait son entrée, renforçant la bête. Le chant, quant à lui, est à mi-chemin entre l’enfantin et le flippant. On sent que les compos sont faites pour Anette, qui maîtrise davantage sa voix que sur Dark Passion Play, ce qui n’est pas pour déplaire. Un morceau direct, efficace, calibré single et intro de cOncert. Premier constat: on est loin du single Amaranth … et ça se confirme avec Ghost River, la suivante. J’ai d’abord envie de dire « ce riff » … J’en perds mon français. C’est une grosse claque, un morceau un peu plus abouti que Storytime. On est dans un morceau beaucoup moins classique. Le chant d’Anette joue sur les dissonances à certains instants, ce qui fait qu’à la première écoute je ne suis pas rentré tout de suite dedans. Mais à force d’écoutes, c’est, selon moi, l’une des pièces majeures de l’album. Un morceau très heavy. Bon, c’est sur ce morceau qu’on attend la première grosse présence de l’orchestre. La chorale d’enfant est du plus bel effet, Marco d’un diabolique surprenant, et on a une Anette qui paraît mille fois plus à l’aise que sur DPP. Première grosse tuerie de l’album, mais ce n’est pas fini. Arrive Slow, Love, Slow première ballade de l’album, dans un registre … déroutant. Et oui, c’est ici un morceau de Jazz, donc pas seulement influencé par … On pourrait s’attendre à un morceau décousu du reste, genre « oh tiens du jazz, mais WTF ? ! » mais pas du tout. On commence avec un sample d’eau qui coule, rentre ensuite piano (sublime) puis batterie et basse et … le chant … Là ça se passe de commentaires et dans le bon sens. Bienvenue dans un piano bar des années folles. Ce n’est pas tant cliché que ça, Marco est présent mais discret, tout en finesse. L’orchestre, qu’on pourrait croire pompeux sur au moins une des ballades, bah c’est pas le cas. Et un solo de gratte, magistral, annoncé par un pont à la trompette. Je vous jure, on se croirait réellement dans les années 30 dans un cabaret enfumé. Un morceau sensuel et délicat qui se termine sur le balancier d’une horloge … Et c’est l’annOnce de la seconde tuerie de l’album, I Want My Tears Back, pour ceux qui avaient écouté DPP, vous vous souvenez sans doute de Last Of The Wilds, et bien là c’est puissance dix. Quelques accords de gratte et le titre scandé par Marco et Anette … ça fait bien live ça. Le morceau est très classique dans sa structure, mais fait avec beaucoup de talent, c’est très dansant et ça semble idéal pour du live … Bilan des premiers morceaux: d’une berceuse folklorique on passe à un univers burtonien avant de voyager dans le temps jusqu’aux années 30 au sein d’un piano bar, avant de faire un saut dans une taverne irlandaise. Je l’ai déjà dit mais j’insiste, tout s’enchaîne tellement bien qu’on n'a pas l’impression que quelque chose soit décousu du reste.
Petit pont cauchemardesque … bienvenue dans le doublon de l’album … Cloche et piano nous invitent dans l’univers Burton/Elfman sans honte ni plagiat, des enfants, des cordes inquiétantes, des chœurs. Et une mélodie qui fait très Nightmare Before Christmas. Avant d’entendre des cordes très rapides, et, une fois de plus, du plus bel effet. Scaretale que je qualifierais de première pièce maîtresse de l’album. On est dans un morceau de musique de film, avec peu de paroles, et c’est bien dommage. C’est là que je râle enfin. Et oui, même si ce morceau est une tuerie délirante, surtout sur le pont, ou inquiétante, si on s'enferme dans le noir avec les volets clos et un plancher qui grince éclairé à la bougie, on est dans quelque chose d’un peu sous-exploité à mon goût, la fin aurait pu être plus longue et les parties chantées plus variées. Ah oui, et les cordes que l’on entend au début du morceau, à 1min03, gardez-les en tête pour plus tard. A part ça, on est dans du Nightwish de haute voltige, on retrouve les codes du groupes, mais avec un talent qui se cachait depuis Oceanborn. Les chants d’Anette et de Marco sont très surprenants mais collent extrêmement bien à l’ambiance du morceau. Outre les défauts cités juste avant, et bien, on se prend à nouveau une claque. Tuomas aime la musique visuelle, là on est servi. Puisque de Slow, Love, Slow à Turn Loose The Mermaids, les morceaux sont très visuels. Cette pièce s’enchaîne sans coupure avec Arabesque, premier morceau instrumental de l’album, que dis-je, orchestral! On retrouve des tendances arabisantes, très loin du cliché, et plutôt bien réussies. Là encore on est dans de la musique de film. Logique puisque ce morceau « était nécessaire pour le film », scène cruciale donc, qu’on ne s’attend pas à voir en live contrairement à Storytime, I Want My Tears Back ou encore Scaretale.
Arrive alors la triade de morceaux calmes, avec le premier Turn Loose the Mermaids, que j’apprécie beaucoup. Exit les guitares électriques, basse et batterie, pour laisser place à l’orchestre, au piano et à la guitare acoustique. Le morceau commence avec un chant sur fond de guitare, avant qu’entre la flûte, et là, premier choc! Une partie de la mélodie de flûte est celle de Meadows Of Heaven et ça fait tout bizarre à la première écoute. Musicalement parlant on retrouve un peu Creek Mary’s Blood, mais point trop. C’est à nouveau un morceau très visuel, on se retrouve en plein western, sans le côté désert, une belle rivière au milieu de la pleine verte. « Traveller », c’est le mot que je retiens du morceau et qui représente globalement bien ce qu’on ressent. On est face à une ballade, loin d’être niaise, pleine d’émotion avec un orchestre toujours pas pompeux, loin de là, une orchestration parfaite de Pip Williams. On passe à Rest Calm qui est une nouvelle fois une grosse claque. Morceau inspiré de My Dying Bride et de Paradise Lost, c’est un morceau qui commence de façon bien lourde avec une rythmique en disto bien présente, Marco y scande les paroles sur une mélodie plutôt aigüe, avant que l’on bascule dans de l’acoustique avec Anette, et cette alternance dure jusqu’au pont. Ensuite les chœurs d’enfants entrent, pour finir avec le chant d’Anette, et ce, avec une grande intensité, qui ne peut laisser impassible. Le morceau se termine avec un refrain répété plusieurs fois avec un crescendo d’intensité et de puissance marqué par la batterie et l’orchestre. Et on bascule sur The Crow, the Owl and the Dove. Le morceau commence sur de doux accords de guitare, Marco entonne les premières lignes de chant, rejoint discrètement par Anette. Le premier couplet, sur fond de percussions d’orchestre et de nappes de chœurs est à ravir. Entrent alors la batterie et la guitare sèche (à nouveau). Ce qui surprend c’est la voix de Marco, nombreux sont ceux à ne pas l’avoir reconnue. Refrain efficace, plutôt pop, à la limite du niais, mais sans l’être, et ce avec beaucoup d’émotion. Deuxième couplet, pas grand-chose de neuf, on entend davantage les chœurs. Un pont sur fond de piano monte le morceau en intensité et débouche sur … Troy Donockley, sur fond de guitare et de piano seulement, un boys band à lui tout seul. Bon, c’est joli … mais … heureusement qu’il y a les flutes qui enchaînent et qui relèvent le morceau à un niveau plus haut, puis des jolis chœurs d’Anette. Puis on repart sur le refrain, une fois, deux fois, mais avec les somptueuses cordes en fond qui rajoutent une touche d’émotion au morceau, pour laisser la part belle à Anette qui termine doucement avec seulement le piano derrière. Une fin calme, très agréable avant le retour à la puissance de Last ride of the Day.
Last ride of the Day ou ma grosse déception de l’album. Beaucoup se souviennent de l’hymne du Kiteen Palo sorti au mois de Juillet, un remix du riff principal du morceau, sauf que lorsque je lisais « riff principal », je ne m’attendais absolument pas à ça, mais plutôt à un morceau épique, avec de très bonnes orchestrations, mais là … Dans cet hymne d’une minute trente on entendait presque tout le morceau, intro-couplet-refrain et une même ligne de chant, parce que pour la première fois chez Nightwish, il me semble, l’orchestre ne fait que du surlignage vocal ou presque. Alors, outre cela le morceau est efficace, bon pour du live, mais je le trouve JUSTE efficace. A la première écoute ce fut une déception, comme pour Rest Calm, où je trouvais les couplets vides, mais après une seconde écoute j’ai beaucoup apprécié, puisque c’est devenu l’un de mes morceaux favoris. Mais celui-là, je ne pardonne pas. Il n’est pas mauvais que ce soit clair, il est juste en-dessous des autres morceaux, ce qui ne m’empêche pas de l’aimer quand même. On est loin ici des morceaux tueurs d’ambiances. Sur Once on avait Romanticide et Dead Gardens, sur Dark Passion Play on avait For The Heart I Once Had, là on n'a pas de tueurs d’ambiances, sauf si on n'accroche pas au jazz ou aux ballades, mais là, j’y peux rien. Et vient alors the master piece de l’album, une des déceptions pour pas mal de personne pour les parties parlées sur les sept dernières minutes du morceau. Effectivement, je pense que beaucoup s’attendaient à quelque chose dans la même veine que les précédents morceaux de ce genre, qu’on a vu apparaître avec l’album Wishmaster, un truc genre épique, avec plein de mouvements, façon très classique, ici il n’en n’est rien. Vous vous souvenez des cordes au bout de la première minute de Scaretale, maintenant écoutez celle de Song Of Myself au début du morceau, ça se ressemble non ? C’est anecdotique j’avoue, mais on retrouve une certaine similitude. C’est un bon morceau avec quatre parties Musicales: une intro, typique de Nightwish, une première partie qui évoque l’intro, une troisième avec un côté beaucoup plus métallisé, et la dernière, à savoir le poème inspiré de l’écriture de Walt Whitman, poète du XIXème siècle, dont on entend beaucoup parler dans Le Cercle des Poètes Disparus, l’un des films fétiches de Tuomas. Ça reste une grosse claque, puisque le poème passe plutôt vite je trouve, mais on en retire beaucoup d’émotion.
Enfin dernier morceau éponyme Imaginaerum, un medley orchestral des grands thèmes de l’album. On les retrouve tous. Ça fait très générique de fin de film, la lumière s’allume et on ouvre les yeux pour revenir à la réalité, et ça paraît normal puisque ce sera le générique de fin du film inspiré de l’album qui sortira en Avril 2012.
On a donc un album très homogène, où les 75 minutes passent très, voire trop vite. Les morceaux sont visuels pour beaucoup, mais loin des clichés. La setlist est étudiée soigneusement, les ballades n’auraient pas eu le même impact si Rest Calm avait été disposée ailleurs. De ce fait l’album ne retombe pas au niveau de l’ambiance, la tension est maintenue. On a aussi un juste équilibre entre morceaux heavy et symphoniques. Selon moi, le meilleur album de Nightwish, de par l’absence de temps morts et l’équilibre trouvé. Anette a trouvé sa place au sein du groupe est cela s’entend. Enfin, on a davantage d’émotion et de variété dans les morceaux. S'il y a un album à posséder depuis Oceanborn c’est celui-là.
Alors que je l’ai dit précédemment, on a un certain équilibre sur cet album, entre le metal et l’orchestre. Sur DPP on n'avait que peu de morceaux heavy: The Poet And the Pendulum, Master Passion Greed et Whoever Brings the Night. Ici ils sont plus nombreux, mais pas au détriment de l’orchestre. Et puis on est loin des clichés de fin de morceaux avec changements de tonalité. Le piano est plus présent. Finis les morceaux avec une jolie mélodie de piano en guise d’intro. Nightwish brise les codes fixés jusqu’à maintenant, et c’est très plaisant. Cela nous prouve qu’ils sont capables de se renouveler. Si l’on prend l’exemple de Scaretale on a une énorme présence de l’orchestre, mais on a aussi des accords de guitare bien présents avec une double grosse caisse très puissante. Même I Want My Tears Back, successeur de Last Of The Wilds est plus heavy que le titre de DPP, et comble les lacunes de celui-ci, idem avec Rest Calm, la ballade metal, ou encore Ghost River et son riff surpuissant. J’en viens donc à … Le chant d’Anette est définitivement à la hauteur des compositions, excellent. Elle s’approprie l’univers et nous le fait partager, avec un panel d’émotions et une amplitude vocale dépassant toutes les espérances. DPP n’était qu’un simple galop d’essai, une transition. Ici on entre dans une nouvelle ère!
Enfin, dernier point, cet aspect bande originale. Tuomas compositeur très inspiré de musique de film s’est fait plaisir, et ça se sent. Cette grosse présence d’orchestre sur 11 morceaux sur 12, je ne compte pas le dernier titre, nous le fait ressentir. On sent une inspiration de Dany Elfman et Hans Zimmer prononcée, ce qui rend la musique très épique, et rajoute un fond plus important aux morceaux. On peut donc s’attendre à une OST plutôt idéale pour le film.
Cet album se démarque donc de ses prédécesseurs, pour égaler, voire dépasser Oceanborn, faisant de lui le meilleur album de Nightwish. L’album du renouveau, qui « célèbre la vie », pour reprendre les termes de Tuomas. Cet opus est donc moins sombre et plus approfondi que DPP. On sent que les compositions on été faites en considération des capacités d’Anette, donnant un rendu cohérent. On aurait pu penser que l’album partirait dans tous les sens avec cette multiplicité d’influences, et bien non. L’album s’enfile d’une traite. Je pense que cet opus est à écouter dans son intégralité, et pas de façon décousue, puisque certains morceaux, pour l'avoir expérimenté, perdent de leur charme. Imaginaerum consacre Nightwish à la place de maître incontesté et incontestable du genre.
2012-02-28 03:08:14
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