TasteofEternity : 10/20 | Les années 90 n'ont pas fait du bien à tout le monde, et Queensrÿche, véritable légende du heavy américain qui a marqué l'histoire du metal avec ses 4 premiers albums, n'échappe pas à la règle. Mais à côté des 2000's, finalement c'était de la rigolade. Deux albums plus que dispensables, Tribe (2003) et Operation Mindcrime II (2006), ce dernier se voulant la suite de leur monument qui n'aura eu que pour intérêt de souligner l'excellence et le génie du premier opus de la série, puis un album de covers en 2007 et on pense que le groupe est fini, ou pas loin.
Puis une rumeur, des bruits de couloirs, des bribes d'interviews, annoncent le retour de Queensrÿche, mais quand je dis, le retour, je devrai plutôt dire The Return , car on parle concept album, on parle Guerre (comme c'est original), on parle retranscription de témoignage in vivo, reconnaissance et hommage aux vétérans. Vous savez ces personnes qui se battent pour une patrie, qui reviennent traumatisés, et qui aux Etats-Unis, depuis Nixon, sont écartés et oubliés pour le meilleur, et surtout le pire. Le cinéma américain a su fouiller dans ses propres entrailles dés les années 1970/80 (Apocalypse Now, Platoon, Rambo I, Né un 4 Juillet, Nixon, Les Sentiers de la Gloire, Full Metal Jacket...) pour dénoncer ce qui représente un véritable acte de haute trahison de la part des gouvernants envers les sacrifiés de l'histoire ! Ce symptôme, caractéristique de la dégénérescence d'une civilisation qui va jusqu'à renier ceux qui font sa force et sa protection, est devenu en 2009 malheureusement un lieu commun en Occident. C'est pourquoi au-delà de l'hommage à la souffrance du soldat inconnu, et à celle de son propre père, Geoff Tate, malgré des intentions louables, sur le fond, ne pouvait pas donner naissance à une révolution, ni même une révélation ; maintenant il est intéressant de voir un artiste s'impliquer dans un combat, et mettre son art au service d'une cause plus que légitime, ne serait-ce que pour cela, respect.
Le tour de force, si tour de force, il pouvait exister, ne se retrouverait que sur la forme, autrement dit la mise en musique du propos défendu, le témoignage du soldat au front ! Car c'est bien de cela qu'il s'agit, nous faire vivre de l'intérieur la guerre ! Pour ce genre d'expérience, on s'attend, enfin on espère The Next Big Thing, une claque à assommer une buffle. Bolt Thrower n'a qu'à bien se tenir !!! Que nenni, les amis, dés le premier titre l'auditeur se retrouve dans un metal moderne, avec distortions de guitares en intro, au ton moyen-oriental, avec un refrain scandé, pour ne pas dire, rappé "Welcome To The Show", des choeurs pour donner un peu de densité à l'ensemble, des effets sonores en sus, bref on a des couches et des couches qui se mélangent mal, en définitive. Bon est-ce que la suite est du même acabit ? Sample d'hélicoptère, une voix de l'un des nombreux soldats que Geoff a été rencontré, et dont il a recueilli le témoignage, les voix se superposent sur une guitare qui claque des riffs heavy sans une once d'originalité dans les lignes comme dans le son, malgré une batterie bien présente, puis retour à l'ambiance du premier titre... La voix de Tate reste bien présente dans ce magma de sonorités, elle est d'ailleurs le pilier qui permet encore d'identifier le nom du navire sur le point de chavirer.
Premier constat, le heavy déployé par nos ricains est loin d'être incisif et percutant : tombés dans le mainstream les Rÿche, et incapables d'aiguiser une pierre, polie par prés de 3 décennies d'expérience ! Oui ça manque de tranchant dans les riffs, dans l'attaque des refrains, dans le mixage de la batterie, et alors ces couches et surcouches de voix, parlé, chanté, scandé : est-ce par peur de choisir ou le fait délibéré de retranscrire la multiplicité des voix intérieures qui hantent les protagonistes de l'oeuvre, quoiqu'il en soit ce n'est pas assez dérangeant ni harmonique pour être probant. Et ils ont beau sortir le sax, quelques instruments de percussion, qui n'auront finalement que peu d'écho et de résonance, l'ensemble sonne à l'image des couleurs de la pochette, sans éclat, ni effet.
Mais pire, lorsqu'on s'attache aux titres des chansons, Unafraid, The Killer, If I Were King, on s'attend à un impact, à un choc, à une envie, voire à de la rage, et des tripes, et rien de tout cela n'apparaît ; au contraire tout est soigneusement dilué, les larmes étouffées, le combat, simplement d'arrière-garde. L'honneur et la mémoire, au service d'une musique qui peut rentrer dans les chaumières sans laisser-passer, nourrissant la bienpensance du moment, celle qui dénonce sans aller au-delà, sur un canapé en cuir devant un bon feu de cheminée, à l'abri des bombes, et des choix déchirants ! On ne ressent ni le poids de la culpabilité, ni la honte, ni même la peur alors qu'il s'agit d'un thème récurrent tout au long de l'album. Mais à force d'en parler, on passe souvent à côté. Certains masqueront cela peut-être derrière une pseudo-maturité, mais la réalité est tout autre, lorsqu'on s'empare, certes d'un thème déjà visité et revisité, portant sur des valeurs aussi importantes, on ne peut se contenter de la demie-mesure, du juste calibrage commercial, de titres passe-partout.... On doit se foutre du billboard (classé n°25).
J'ai laissé passer un paquet d'écoutes, et cela fait plusieurs mois que je le reprends, mais à chaque fois, l'étincelle attendue ne fait que disparaître derrière l'ensemble des "trop" bonnes raisons qui ont conduit à la création de cet album.
A côté, même si le groupe peut horripiler, laissez traîner une oreille sur le 1919-Eternal de Black Label Society, album sur la WWI, également en hommage au père de Zakk Wylde, qui percute bien mieux que ça ! Et pour un heavy progressif encore créatif, un bon album de Pain of Salvation à commencer par Be, fera toujours mieux l'affaire !
Sur ce gentlemen, à vous de jouer.
2019-03-10 20:25:46
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