CARCASS
NECROTICISM - DESCANTING THE INSALUBRIOUS (Album)
1991, Earache Records / Relativity Records




Fabien : 19/20
Peu après la sortie du terrible Symphonies of Sickness, bouleversant la scène death grind par son extrême brutalité, et parfaitement canalisée par la production de Colin Richardson, Bill Steer & Jeff Walker contactent de nouveau Michael Amott, pour son intégration dans les rang de Carcass. Cette fois, le jeune guitariste accepte la proposition de ses deux amis, jugeant l’affaire beaucoup plus sérieuse qu’à l’époque de Reek of Putrefaction. Il met alors fin à son groupe Carnage en janvier 1990, juste après les sessions d’enregistrement de Dark Recollections, quittant sa Suède natale pour l’Angleterre en avril de la même année, et laissant le soin à Fred Etsby, Matti Karki et David Blomqvist de ressusciter Dismember, leur premier projet.

Désormais fort de deux guitaristes talentueux et complémentaires, Carcass s’attaque alors aux compositions de son troisième effort, puis rejoint Colin Richardson aux mythiques Slaughterhouse Studios l’année suivante. Necroticism sort ainsi en fin d’année 1991 chez Earache, commercialisant dans les mêmes temps Clandestine d’Entombed ainsi que Forest of Equilibrium de Cathedral, le nouveau groupe doom de Lee Dorrian, ancien acolyte de Bill chez Napalm Death.

Conservant son langage nécrologique et médicinal, Carcass aère en revanche son death-grind-gore originel, délaissant ses passages brutaux & tapageurs au profit d’un deathmetal à la musicalité considérablement accrue, gagnant alors au passage de nouveaux adeptes effrayés par ses deux premières réalisations. En effet, à l’exception du dernier titre Forensic Clinicism, aux relents Symphonies encore marqués, Necroticism se veut plus abordable, magnifié par les batailles de soli mélodieux de Bill & Michael, l’un des points forts de l’album. Le groupe conserve également la dualité des ses vocaux, bien que les éructations hémoglobineuses de Bill soient plus discrètes, laissant plus de marge au chant éraillé de Jeff.

En outre, depuis les subtiles notes acoustiques de Pedigree Butchery, jusqu’aux soli délectables de Solvent Abuse & Lavaging Expectorate, en passant par les rythmes mémorables et entraînants de Ken Owen sur Jigsore Quandary, Necroticism regorge de finesse, exécuté par des musiciens débordant d’imagination pour varier au maximum leur style brutal, et le rendre particulièrement exquis. Colin Richardson donne enfin le meilleur de lui-même, dotant l’ensemble d’une profondeur, d’une clarté et d’une puissance formidables.

D’une qualité équivalente à son incroyable prédécesseur, Necroticism s’écoute en revanche différemment, mais avec un plaisir brillamment renouvelé, montrant tout le talent et le savoir faire du quatuor britannique. Ainsi, tout en conservant son identité intacte, au soulagement des fans de la première heure, Carcass réussi royalement sa reconversion en cette année 1991, aux côté de Death, Pestilence ou Atheist, comprenant l’évolution nécessaire de son style death grind pour maintenir son excellence et tout son intérêt. Ultime !

Fabien.

2008-02-29 00:00:00


Necroreaper : 19/20
Carcass : Necroticism, l’album de death culte à posséder par tous les fans du genre. Alors formé par un line up de rêve, Jeff Walker au chant et à la basse, Bill Steer à la guitare et au chant grind, Ken owen à la batterie et surtout le « petit » nouveau qui va faire beaucoup parler de lui par la suite j’ai nommé Michaël Amott à la guitare, Carcass sort en 1991 cet album qui va opérer une transition entre la période grindcore des deux premiers albums et la période Death metal. En effet, la musique est Death metal mais n’oublie pas ses racines grind. Le tout donne des hymnes à la putréfaction extraordinaires.
Signé sur Earache records ( à l’époque LE label Death metal ), Necroticism bénéficie d’une production assez bonne mais qui, selon moi manque de percutant et de puissance, tout de même pallié par des riffs très incisifs. Bref elle est claire et agréable à entendre.
Musicalement, les riffs de guitares sont très recherchés et parfois très techniques. Ils sont joués de façon très rapide afin de donner plus de puissance aux morceaux et surtout d’accentuer l’impression de massacre sanglant. Les solos sont encore une fois très bons, véritables mélodies mortuaires annonçant l’arrivée d’une horde de zombies affamés. Bill Steer et Michaël Amott sont des génies de la gratte. La batterie est très variée, allant du blast beat féroce et brutal au mid tempo ultra lourd et pesant mais très entraînant. Bref, Ken Owen maîtrise parfaitement son sujet. Le ou plutôt les vocaux sont là aussi très diverses. Jeff Walker éructe une voix située entre le Death (guttural) et le Black (criard) qui fait meilleur effet dans un registre comme le gore que celle de Bill Steer dans un registre grind c'est-à-dire ultra guttural qui a été placée plus en arrière plan que sur les anciens albums.
Textuellement, les textes pathologiques et gore sont une fois de plus de rigueur.
Bref, Necroticism est l’album culte de Carcass et du Death metal à posséder.


2004-10-02 00:00:00


cacaman : 16/20
Formé à la fin des 80's par le guitariste Bill Steer après sa participation aux débuts des inventeurs du grindcore Napalm Death, Carcass suit un chemin tout aussi brutal, concrétisé par "Reek of Putrefaction" et "Symphonies of Sickness", deux coulées brûlantes de grind / death. La troisième sortie des musiciens légistes était très attendue dans un monde du metal extrême en pleine croissance...

N'en déplaise aux puristes, Carcass lâche sensiblement l'accélérateur pour plus de précision et de complexité. Toujours très inspirés par les bouquins de médecine nécrologique, que Jeff Walker dégobille de sa voix écorchée vive, les Anglais progressent énormément musicalement parlant : s'évertuant à brouiller les pistes avec riffs tordus et changements rythmiques imprévisibles, ils s'acoquinent de ce fait aux défricheurs du death metal technique, mais dans un contexte beaucoup plus corrosif. En effet, les racines grind n'ont pas été occultées ; elles s'inscrivent désormais au sein d'un death résolument biscornu (Symposium Of Sickness, Forensic Clinicism / The Sanguine Article) aux petites touches mélodiques appréciables distillées par des solistes inspirés (Inpropagation, Pedigree Butchery sur lequel on perçoit même un chouia de guitare sèche, l'excellent Incarnated Solvent Abuse...).
Quelques riffs bien vus en mid-tempo tracent cependant le chemin à suivre dans le labyrinthe de riffs qu'est "Necroticism..." (Corporal Jigstore Quandary, Incarnated Solvent Abuse, Lavaging Expectorate Of Lysergide Composition...) ; on surprend même Steer et Cie reluquer vers le thrash à la Megadeth sur la fin de Carneous Cacoffiny, pendant peu de temps certes, mais c'est suffisamment étonnant pour être signalé. C'est dire la volonté du groupe à gagner en compréhension.

Les magmas sonores propres au grind s'éclipsent au profit d'un death millimétré, mélodique et encore rageur, donnant ainsi à Carcass l'occasion de s'ouvrir à plus d'oreilles métalliques que par le passé, où seuls les fans d'ultra-violence profitaient du talent incontestable des grinders Anglais. Pas de doute, Carcass a sa place dans le paysage metal et est sur le point de faire figure d'incontournable du genre.

2005-08-18 00:00:00


wayne_44
Necroticism constitue à mon avis le meilleur album de Carcass car, comme certains l'ont plus ou moins évoqué, il synthétise assez bien les deux aspects majeurs du groupe : le grindcore gore des deux premiers albums et le death mélodique, voire un peu heavy des deux albums suivants. Il n'est pas qu'un album de transition entre deux époques : c'est une véritable entité si je puis dire.

Selon moi, c'est l'album le plus riche et le plus dynamique. On pouvait reprocher sur les premières productions du groupe le caractère répétitif de leurs compos ou parfois décousu. Or, ici tout est cohérent, bien ficelé et chaque titre regorge de plans géniaux. De plus, il faut bien avouer que les gratteux (sans doute l'apport de Michael Amott…) ont bien progressé sur le plan technique. Je précise également que Bill Steer est sans doute l'un des plus talentueux compositeurs du Death Métal et rien que pour ça, cet album en vaut le détour.

Le son de la prod' est également meilleur et plus audible que sur "Symphonies of Sickness" ou "Reek of Putrefaction", ce qui ne gâche rien au plaisir (peut-être le budget était-il meilleur...). Côté batterie, Ken Owen n'est peut-être pas le plus grand des batteurs mais l'intention est vraiment là et on sent que les musiciens y mettent du coeur. D'ailleurs, c'est le reproche que je pourrais faire sur les albums suivants, la technique ayant un peu effacé le feeling et l'envie tout simplement. Le dernier album étant plus un album qui répond à des besoins contractuels qu'autre chose…

Necroticism possède des riffs entêtants qui, après deux ou trois écoutes, ne vous lâchent plus. On y trouve aussi beaucoup de plans rythmiques intéressants et parfois surprenants (qu'on ne trouve nulle part ailleurs).

2008-07-03 00:00:00


Headbanger : 19/20
La mort ? Question insondable. Au-delà de la vie ? L'ineffable. De tout temps, les hommes ont tenté de trouver une définition à la vie. Pour certains, il s'agissait d'une quête de sagesse, d'autres tâchaient simplement de reproduire le modèle ancestral, d'aucuns prétendaient que la vie était la recherche d'absence de douleur, un autre homme, qui s'était isolé dans la montagne durant dix ans, proposait comme sens de la vie la volonté de puissance. Et pourquoi pas la soumission à une forme transcendante ? Peut-être y a-t-il autant de formes de vie que d'êtres qui foulèrent, foulent et fouleront la terre ? La mort de chacun d'eux annonçant l'Apocalypse d'un monde. Mais cela n'aide toujours pas à se figurer la mort. Si l'on revient à la théologie, la vie après la mort se passera en enfer, au purgatoire ou encore au ciel. Si l'on accepte l'éternel retour, on revivra indéfiniment la même vie. Dans ces deux cas, il s'agit toujours d'une nouvelle forme de vie. Mais nous ne savons toujours pas ce qu'est la mort.

Face à cette aporie, ce sont créés des mythologies, des religions, des nihilismes. Devant ce gouffre béant que l'on ne peut franchir impunément pour en revenir et prophétiser ce qui se cache derrière, peut-être ne reste-t-il qu'à poétiser ce phénomène de décomposition d'un corps. En notre langue française, cette hideuse camarade a été la muse de nos plus grands poètes. Ce chantre d'avant toute norme, ce génie précoce qui ne savait même pas qu'il ouvrait la voie à l'une des plus illustres littératures, François Villon, nous l'a dépeinte sous sa forme médiévale. Elle a une odeur de peste. Elle est toute vêtue de haillons. Elle est la reine des charniers, où riches et pauvres sont entassés pêle-mêle, sans aucune distinction sociale. On la retrouve aussi dans les forêts, où les pendus se dessèchent et pourrissent tandis qu'ils sont becquetés par les corbeaux.

Bien des siècles plus tard, l'outre-tombe fécondera brillamment l'esprit de son plus bel enfant, Charles Baudelaire. Père de la modernité, son univers se rapproche davantage du nôtre. Comme dans un film noir, la mort rôde dans la ville. Elle hante l'inconscient du poète lorsque sur les bords de Cythère, île de l'amour, il rencontre une potence où est pendu son double, dont les membres génitaux sont mis en charpie par toutes sortes de charognards. Sur les sentiers d'une promenade idyllique, l'odeur fétide et l'aspect immonde d'une charogne abritant tout un écosystème de vers rappellent aux amants ce qu'ils seront. Tout dans Baudelaire est l'occasion de méditer le « memento mori ».

Carcass s'inscrit dans cette dynastie des enfants de la mort. Selon la célèbre formule d'André Chénier, « Sur des pensers nouveaux faisons des vers anciens », la poétique « carcassienne » revient inlassablement sur le thème éternel de la mort. Mais les pensers nouveaux de Carcass la transportent dans un autre âge, celui des villes mondialisées, villes abritant un univers interlope peuplé de toxicomanes, de morgues où les médecins légistes doivent reconnaître la cause du décès, où les enquêteurs doivent reconstituer l'identité d'un macchabée méconnaissable. La muse leur a concédé le génie nécrologique. La lyre de Carcass prend des sonorités métalliques. La guitare a le tranchant d'un bistouri, la basse sectionne les membres comme une lancette, la batterie cogne comme un marteau.

"Necroticism" est une habile mise en abyme. Nos musiciens deviennent les chirurgiens dépeints au sein même de l'œuvre. À l'instar des instruments qu'ils font résonner, ils font résonner une dernière fois les nerfs des trépassés auxquels ils accordent une ultime nénie cacophonique. Comme les notes qui s'assemblent les unes dans les autres dans ce puzzle musical, ils rassemblent les membres tronqués de cadavres mutilés afin de reconstituer leur identité. Selon son sens étymologique, chirurgie signifie l'activité manuelle. Dès lors, qu'il est juste de dire que la dextérité de nos musiciens est chirurgicale.

Dans ce monde surpeuplé de la fin du XXe siècle, période marquée par le triomphe du capitalisme dont l'antienne de l'offre et la demande n'est que l'un des parangons les plus ressassés, la vie, quelle qu'elle soit, n'a plus la moindre valeur, en vertu de cet excédent numéraire. La vie humaine est devenue comparable aux grains de sable du désert. Aussi, pour cet innombrable troupeau, faut-il désormais immoler toutes les formes de vie inférieures. Ce monde contemporain est une immense boucherie. Pour fuir cette idée angoissante, on se trouve des palliatifs. Selon le docteur Wilhelm Stekel, l'idée de nos corps en décomposition nous obsède, l'immense holocauste des animaux nous fait culpabiliser. Quelle différence existe-t-il entre la chair animale et la chair humaine ? Nous songeons au cannibalisme. Alors nous tentons d'exorciser nos angoisses. Plutôt que d'accepter l'idée de finir dans le nadir, nous rendons un culte au veau d'or. Le commerce des apothéoses béatifiques devient extrêmement lucratif tant les ouailles pullulent. Sinon, nous nous livrons aux paradis artificiels. Afin de fuir le mal d'être, nous absorbons des compositions lysergiques, nous sniffons tous types de colles, nous inhalons des oxydes nitreux.

Cependant, l'accroissement de la population mondiale étant proportionnel aux dépouilles opimes de la faucheuse, les bactéries et les virus se reproduisant davantage afin de restaurer l'équilibre, ce grand troupeau est condamné à retourner d'où il vient, car « il a été tiré de la terre, il est poudre, et il retournera en poudre. » De sorte que dans cette grande orgie du monde contemporain où tout un chacun jouit comme un extravagant de son existence fragile, en définitive c'est la terre qui se livrera à un grand festin orgiaque. Elle nous attend tous inexorablement. Peu importe ce que nous croyons, comme nous fuyons, que nous soyons soit enterrés, soit incinérés. Nos os, nos graisses, nos suifs devenus nitrogènes, nutriments, phosphates seront les aliments dont la terre fera bombance.

2020-10-29 21:28:43