eulmatt : 17/20 | En cinq années et autant d'albums, Septic Flesh a parcouru un voyage initiatique digne de l'Odyssée d'Ulysse. Comme certains de ses cousins de gothic metal issus des limbes du metal extrême (death, doom ou black), les Grecs ont rapidement exprimé le besoin de privilégier des options artistiques aventureuses, moins brutales et plus expérimentales. Chez Septic Flesh, qui reste malgré tout un cas atypique, à l'identité musicale unique, ce besoin de changement s'est d'abord manifesté sur l'audacieux Revolution DNA, puis par la suite au travers du side-project Chaostar, moyen d'aller au bout ses envies néo-classiques, en laissant de côté pour de bon toute référence au death metal.
Et sans que quiconque ose remettre en cause le talent évident des Grecs, trop largement démontré jusque là, il faut avoir l'honnêteté de dire que parmi les fans de Septic Flesh les plus « deathsters » dans l'âme (souvent les fidèles des débuts), le début des années 2000 prêtait à interrogation.
Rétrospectivement, le projet Chaostar fût sans doute salvateur. Trouvant leur exutoire expérimental au sein de ce projet parallèle, les Grecs ont pu parallèlement retrouver le goût du death metal des origines pour leur groupe principal.
L'année 2002 voit donc un nouveau Septic Flesh se mettre en mouvement. Changement de label (fin de l'aventure Holy Records pour aller chez les Bataves de Hammerheart), recrutement d'un claviériste « en dur », Spiros rebaptisé en Set'h, seules les (excellentes) conditions d'enregistrement sont conservées, au Studio Fredman avec Fredrik Nordstrom aux manettes.
Sumerian Daemons sort l'année suivante. Titre déjà significatif de la volonté de recoller aux thématiques ancestrales. L'artwork intrigue, captive, dérange. L'extraordinaire introduction aux choeurs incantatoires le confirme: Sumerian Daemons est d'une ambition démesurée. Celle de magnifier tous les acquis musicaux du groupe tout en retrouvant la force brute de ses origines, les racines de son death metal granitique des âges reculés.
Le death metal, Septic Flesh n'en a jamais joué aussi puissamment qu'avec Unbeliever, premier vrai morceau du disque. Un riff binaire mais épais, des blasts et des grandes parties de double, le growl absolument somptueux de Spiros, les choeurs féminins du break pour la petite touche cérémonielle: l'impressionnant décor est planté.
La suite du disque est à la fois plus nuancée et plus variée. On retrouve la patte des premiers albums sur des morceaux comme Virtues of The Beast ou When All Is Done, avec un équilibre miraculeux entre majesté et mélodie, finesse et puissance: la beauté d'essence divine, trop impressionnante et parfaite pour paraître humaine.
Toutefois, Sumerian Daemons n'est pas un retour en arrière. La puissance qui émane de son death metal s'appuie désormais sur une production époustouflante, et un jeu rythmique digne de ce nom (Akis occupe une présence phénoménale derrière les fûts, ce qui est assez nouveau chez Septic Flesh, et le couple basse-guitare rythmique n'a jamais été aussi tranchant). Cette force de frappe donne une épaisseur étonnante à certains morceaux, comme l'énorme titre éponyme qui s'appuie largement sur ce death colossal. Un death qui bien souvent surpasse en puissance et en vitesse les méfaits passés.
A cela il faut greffer toute l'expérience et le savoir-faire ingurgité depuis Ophidian Wheels et les albums suivants: une orchestration très pointue et une gamme de claviers aussi large qu'opportune (jamais trop mis en avant), la présence plus discrète mais judicieuse du chant de la soprano Natalie Rassoulis. Mechanical Babylon, audacieux mix de death aux accents industriels et d'harmonies orientales, ou encore Faust, déferlante brutale qui prend un relief enthousiasmant quand les choeurs donnent leur pleine mesure, offrent une facette moderne et novatrice au disque, montrant que Septic Flesh n'est pas focalisé sur son passé.
Ce brillant alliage de brutalité et de finesse parvient à réunir des qualités à la base antinomiques. Dense, chargé, adepte de la profusion, le death symphonique de Septic Flesh n'a jamais été aussi efficace et cohérent. Le miracle de l'album tient à cela: long de près d'une heure, le disque ne sombre pas dans la surenchère grâce à des compositions équilibrées, qui évitent l'excès de construction à tiroirs, mais qui chacune ont une identité propre et raffinée.
Au delà des considérations techniques, l'univers dépeint par l'album est lui aussi touché par la grâce de l'équilibre: particulièrement noir et angoissant, Sumerian Daemons impressionne par son côté monumental et surhumain. Toujours aussi ésotérique et ancré dans un passé mi-historique mi-mythologique, où les questions existentielles de la spiritualité sont traitées au travers du prisme des anciennes civilisations, il n'a plus la nostalgie romantique des premiers disques mais compense par un souffle homérique qui en impose.
Magnifique synthèse de dix ans d'une magnifique carrière et d'un savoir-faire unique, Septic Flesh réussit le pari impossible de renouer sans retenue avec un death metal copieux, sans rien perdre de sa finesse et de sa force émotionnelles. Presque dix ans après Mystic Places of Dawn, un nouveau joyau vient enrichir une discographie digne des plus grands.
Tout en confirmant avec maestria son génie unique et sa main mise incontestable sur le death symphonique, Septic Flesh produit tout simplement l'un des plus grands disques de l'année 2003...de death metal, tout simplement. Un véritable tour de force quand on jauge l'extrême vivacité du genre à cette période. 2010-08-26 00:00:00
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