[…] Cette grande révolution au sein de cette scène, nous la devons aujourd’hui à
Knocked Loose. Le quintet américain s’était d’ores et déjà illustré lors de ses deux premiers albums
Laugh Tracks et
A Different Shade of Blue avec des inspirations et influences multiples. Au-delà du metalcore, le groupe aborde d’autres styles comme le punk hardcore ou encore le beatdown. Le son de la formation a d’ailleurs été décrit comme étant « la lourdeur de
Comeback Kid avec un soupçon de riffs à la
Slayer, le tout couplé à l’agressivité de
Code Orange ». Ces compliments ont valu à nos Américains d’être crédités comme l’un des précurseurs de la vague « metalcore » de la fin des années 2010 aux côtés de
Counterparts, Jesus
Piece ou encore …
Code Orange, une distinction qui a forgé son succès au fil des années.
Mais avec son troisième opus nommé You
Won’t Go Before You’re Supposed To, le collectif a sans conteste conçu son œuvre la plus écrasante, la plus agitée et la plus intense qui soit. Hormis quelques rares instants de sérénité, les riffings, les vocaux colériques, les percussions et plus globalement les titres s'enchaînent sans que nous ayons le temps de reprendre nos esprits, toujours avec ce même esprit de destruction. Certes, il subsiste encore des défauts, principalement dans un screaming assez rébarbatif à la longue et sur des écritures parfois semblables. Mais ces erreurs sont compensées par des apports, des innovations qui constituent une véritable robustesse à cet édifice.
Les instrumentaux sont d’abord davantage groovy et batailleurs. Le breakdown de
Suffocate est l’illustration parfaite de cette accroche avec son rythme reggaeton complètement inattendu et pourtant si communicatif. L’apport de la chanteuse Poppy est la grande sensation de ce morceau avec un vocal screamé que l’on sent encore maladroit par moments mais qui n’en demeure pas moins en phase avec cette atmosphère grinçante, anxieuse qui émane de la mélodie. Cette crainte est aussi mis en lumière sur le chant clair de la vocaliste, des propos d’une extrême froideur et sans la moindre pitié. L’association des voix de Bryan Garris et de Poppy est de même une surprise à laquelle on ne s’attendait aucunement : force est de constater que le duo fonctionne à merveille et renforce la tournure angoissante de la composition.
Les riffings sont dans une disposition djentish qui relève un tempérament froid et inhospitalier. Dès le morceau d’ouverture Thrist, on décèle ces accords simplistes et sauvages, une dureté largement amplifiée par un rythme hâtif et des intraitables frappes à la caisse claire. Le breakdown est immortalisé par un bass drop qui nous porte le coup de grâce.
Les Américains s’essaient également à des expérimentations et à des prises de risques qui portent majoritairement leur fruit. Sur Take Me
Home, elles se manifestent par une introduction où seules quelques notes de guitare annoncent une ambiance morose et inquiétante. La trempe progressive du morceau offre une montée en tension qui devient intenable jusqu’à cette nouvelle panne pesante et crépitante. Le titre se conclut par une outro troublante, presque festive et qui dénote totalement du reste de la mélodie.
Knocked Loose poursuit par ailleurs une histoire commencée deux ans plus tôt avec le groupe
Motionless In White sur son album Scoring
The End Of The World où Bryan Garris avait été invité sur le morceau
Slaughterhouse. C’est désormais le vocaliste Chris Cerulli qui est à l’honneur d’un second chapitre intitulé sobrement
Slaughterhouse 2. Là encore, la stupéfaction est de mise avec entre autres une courte portion du morceau où le jeu de batterie rappelle étrangement l’introduction de The
Art Of Dying de
Gojira.
L’ébahissement ne s’arrête pas là avec un autre bass drop, des paroles restées inchangées par rapport à la première partie ainsi qu’un blegh final empli de rage. On regrettera peut-être que ce deuxième méfait ne se détache pas assez du premier, même si le rendu est excellent. Le combo conclut son expédition malveillante par un Sit &
Mourn plus mélodique, mélancolique et hanté.
Knocked Loose confirme son statut de pilier incontournable avec un troisième album de haute volée. You
Won’t Go Before You’re Supposed To est marqué par une intensité et une agressivité inégalées et parvient à allier modernité et fidélité aux racines du metalcore/hardcore. Si les prestations vocales et la durée totale de la toile (à peine vingt-sept minutes) pêchent encore, le quintet peut compter sur une certaine audace et une expérimentation largement mise à contribution pour compenser ces imperfections. Là où plusieurs grandes formations de metalcore ont tendance à rendre leur musique accessible, nos Américains sont clairement à contre-courant de ce vent et imposent une vision aussi tempétueuse qu’inflexible.
Knocked Loose réussi à me faire chavirer sur cet album, moi qui ne jure que par l'excellent "Laugh Tracks" au riffing si reconnaissable. J'avais moins aimé la seconde sortie du groupe, moins marquante à mon sens. Ce 3eme long format met les curseurs au maximum en terme de violence, pour mon plus grand plaisir. Très inspiré au niveau des compos, une voix toujours aussi dense et incroyable et une énergie Indomptable. Un grand cru de cette année et une consécration méritée pour eux !
Merci pour la chronique !
Je rajouterai d'ailleurs que Knocked Loose, sur son créneau, enterre largement la concurrence : les titres du prochain Kublai Khan ne donnent pas spécialement envie, je trouve Thrown vraiment surcoté (et trop surproduit), reste Jesus Piece qui a sorti un très bon album mais aux titres moins marquants que cette offrande.
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