La maison hantée demeure un thème majeur d’inspiration pour les écrivains, scénaristes et cinéastes. Shirley Jackson, Stephen
King, Robert Wise, James Wan (liste non exhaustive) se sont emparés du mythe pour offrir au public amateur de délicieux moments de frisson.
Pour l’inspiration de leur 4ème album, les Toulousains de
Witchthroat Serpent sont allés puiser à la source d’un film anglais à sketch, The House that Dripped
Blood (La Maison qui Tue en VF). Réalisé en 1971 par Peter Duffel pour les studios Amicus (concurrent de la
Hammer), cette série B met en scène plusieurs personnages qui connaissent un destin funeste en habitant cette maison.
Très influencés par
Electric Wizard à leur début, ces férus d’occultisme vont peu à peu définir leur identité musicale sur une base de stoner/doom qui se teinte d’un doom plus marqué au fil des albums. Intégrant l’écurie Heavy Psych Sounds records et Djé, second guitariste, au line-up (Fredrik-guitare, chant, Niko-batterie, Ugo-basse), les voici prêt à arpenter les recoins hantés de Trove of Oddities at the
Devil’s Driveway, 4ème galette sortie en mars 2023.
La bâtisse est imposante, dissimulée dans la brume. Ses portes s’ouvrent dans un grincement larsené, donnant accès à un long corridor obscur dénommé Multi-Dimensional Marvelous Throne, étirant sa majesté sur plus de 10 mn. Le rythme s’avère lent et plombé, sculpté autour de riffs lugubres où vient se poser la voix maitrisée de Fredrik (on peut féliciter sa progression notable au chant depuis les débuts du groupe). L’atmosphère est naturellement lugubre mais sans effort superflu, sans artifice inutile. Les soli de guitare viennent parachever cette fort belle entrée en matière.
Un escalier mène à deux cryptes intrigantes, peuplées de créatures légendaires. Si
Nosferatu’s
Mastery s’ancre dans un premier temps dans les mêmes eaux des débuts, quelques cassures rythmiques et des mélodies sinistres apportent une sensation d’étrangeté en tous points délicieuse. L’atmosphère bizarre s’accentue sur The
Gorgon, instrumental excentrique qui n’aurait pas dépareillé comme bande-son d’un
Hammer.
Désireux de nous sortir de notre subite pétrification,
Witchthroat Serpent accélère très légèrement le tempo sur Yellow Nacre, ajoutant à son doom lancinant un supplément de méchanceté qui atteint son but. Les riffs plus tranchés sont soutenus par une batterie agressive et un solo démoniaque.
Mais cette tentative de sortir son âme intacte de la maison est balayée par le titre éponyme qui, sous ses charmes attrayants comme ceux d’Ingrid Pitt, plantent ses crocs directement dans la jugulaire. Riffs monstrueux, batterie lourde comme un 33 tonnes, chant halluciné, on reste tétanisé devant la menace et on y succombe que bien trop volontairement.
On se retrouve alors comme une pauvre âme désincarnée à errer inéluctablement, tandis que le titre final
Temple Mountain in Bleakness referme doucement les portes de la maison devenue mausolée. Le travail de sape de la basse et les notes de mellotron s’ajoutent aux éléments déjà cités pour clore avec panache cet opus.
Soucieux de lui conférer le son charnel adéquat,
Witchthroat Serpent a enregistré son album au studio analogique de Kerwax, sans utiliser d’ordinateur ou de matériel digital. Un effort louable et réussi pour une immersion totale. Et cette impression est renforcée par la très belle pochette signée Branca Studio.
En changeant sensiblement de style tout en gardant son identité,
Witchthroat Serpent délivre ici un Trove of Oddities at the
Devil’s Driveway vraiment convaincant. Sous couvert d’hommage aux films horrifiques britanniques des années 1960-1970, les Toulousains s’aventurent avec brio dans les terres embrumées d’un doom radical et pyschédélique. N’ayez donc nulle peur de franchir à votre tour les portes de leur maison qui doom !!
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