"Cet album est dédié à Ba?ak Ayd?ntu?". Celle-là même qui en Mai 2008 a tranché la gorge de sa mère, académicienne Turque. Voilà qui met dans l'ambiance, d'emblée.
Il arrive de s'intérioriser quelques instants pour se regarder d'un peu plus près, d'y voir ce qu'on a pas envie d'y voir et ce que l'on admettra jamais avoir vu, d'y voir des choses plus jolies qu'escompté, mais parfois, on va un peu trop loin, on se perd, on ne retrouve plus la sortie, et on s'enfonce alors allègrement dans un labyrinthe en constant déplacement, creusant un peu plus loin dans les abysses de notre cerveau malade. Les pensées les plus sombres y sont en enfouies, les pensées les plus amorales également. C'est ainsi que nos rancœurs éhontées s'extériorisent, laissant à notre langue seule le choix de les oraliser ou non. Quand un condensé de haine d'un passé lointain, proche, d'un présent amer et d'un futur oppressant se manifeste dans une oeuvre musicale de 45 minutes, vous entrez dans le domaine occulte de Viranesir. Un Viranesir ici plus nihiliste que jamais, qui après avoir "tué son enfant répulsif", "éjaculé sur toutes les belles choses", "tire" cette fois "sur le cadavre de maman". Beau programme en perspective.
Shoot on Mom's
Corpse est indéniablement le son d'un enfant qui pleure. Le son "de votre enfance agonisante". Après deux albums aux thématiques plus sombres que jamais, Viranesir rentre dans une complainte plus profonde et plus triste que jamais, toujours rythmée par plus d'incohérences musicales qui en dépit de leur aspect très dérangeant hypnotisent, font découvrir de nouvelles sensations que l'on pourrait assimiler à des trips violents sous acides. Les trois musiciens de l'album nous invitent à venir prendre une part du gâteau, à venir déguster la haine d'une même mère. Qui est-elle ? Libre à vous d'en décider. Qu'a-t'elle fait ? De même. Shoot on Mom's
Corpse, à l'instar de son prédécesseur
Kill Your Repulsive Child, n'est pas un album qui s'explique, mais bel et bien un album qui se vit, dont on s'imprègne lentement, attendant qu'il s'enracine en nous. C'est un album qui blesse, qui torture, un album douloureux, où toutes les choses que vous détestez se rencontrent enfin. Un album nécessaire toutefois.
Ce troisième opus de Viranesir, déjà septième album d'Emir Togrul, se positionne comme un exemple concret de ce qu'est l'art conceptuel. Non, ici, la musique ne se suffit pas à elle-même. Elle a besoin de mots pour être appréhendée, aimée, détestée ou ignorée. Dans tous les cas, il est évident qu'elle ne laissera pas indifférent. Bien entendu, ce n'est pas une oeuvre à mettre à la disposition de toutes les oreilles, mais pour sûr, un peu d'empathie et d'ouverture peut suffire à vous bouleverser véritablement.
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