Combo relativement discret durant la dernière décennie alors qu'aujourd'hui, il en vient tout de même à fêter ses douze ans de carrière, Celestial Son est un groupe qui étonne en premier lieu de par l'origine de ses membres, à savoir le Danemark. Cependant, sa culture musicale étant en majeure partie anglo-américaine, il ne sera pas si étonnant de les entendre citer l’Angleterre comme référence ultime en matière de prog rock ou encore de relier instinctivement les Etats-Unis et en particulier Seattle à la terre d'accueil du grunge qui a vu fleurir les plus grandes réussites du genre. A titre de comparaison, même infime, on aurait pimenté le troisième bébé de
Crossfade « We All
Bleed » de quelques rythmes progressifs, ajouté un peu plus de complexité à la musique et reconstruit, pour l'occasion, une identité visuelle mieux définie et avec davantage de personnalité, la nouvelle sortie des Danois aurait pu s'en rapprocher. Il n'empêche qu'avec le quatuor, c'est différent, il se passe quelque chose de mystique, de presque indéfinissable, si ce n'est la voix pleine et écorchée de Rasmus Sjogren. Pour tâcher de décrypter tout cela, rien de mieux que de se replonger dans l'obscurité pesante de leurs débuts où figure entre autres l'EP « Misanthropia », 2007. Pour autant, on ira pas jusqu'à dire que la formation a progressé dans la lumière mais avec «
Saturn's Return », ils parviennent à se positionner sur quelque chose de nouveau et à poser les bases d'un son bien à eux.
A défaut de jouer sur plusieurs terrains à la fois en s'illustrant dans un grunge progressif contenant bien plus d'influences à gérer qu'il n'y paraît, c'est quand même la première fois que le produit se fait ouvertement plus "Seattle Sound" que les autres. Toutefois, tâchons de relativiser le propos car la production ne sort pas du garage mais de derrière les studios : c'est-à-dire que tout au long de ces treize morceaux, on sent bien que la formation a voulu épurer et cadrer son travail au maximum. C'est en ce sens qu'il se retrouve plus accessible qu'un « Doors of Perception », sorte de
Nirvana dans sa période abrasive et underground. Après une année vécue à Hamburg en 2011 à la sortie du premier album signé sur le label Allemand
Cargo Records, Celestial Son est revenu sur ses terres natales du Danemark pour profiter des services de Mighty Music (
Deathronic,
Chabtan pour les petits Français, ou sinon, Franklin
Zoo,
Faceshift, et anciennement,
Panzerchrist) et d'une distribution Nord-Européenne assurée par nul autre que
Target Group. Au-delà de l'aspect purement musical, tous les moyens ont été mis en oeuvre afin de développer un univers visuel particulièrement soigné et attractif avec un ensemble clips/pochette s'inspirant fortement de monuments tels que
Dream Theater,
Opeth ou bien
Porcupine Tree (remercions Lasse Hoile pour son excellent travail).
En fait, le combo a trouvé en son vocaliste le petit plus qu'il lui manquait pour affiner sa personnalité. D'ailleurs, la production dans sa globalité est très centrée sur le personnage de Rasmus qui occupe un espace désormais conséquent. Quel meilleur exemple qu'évoquer « All I
Ever Wanted » où l'on se déchire les veines à s'enquiller un morceau aussi sincère, prometteur, et loin d'être vide de sens ? C'est vrai qu'en le ré-écoutant, certains auditeurs penseront immédiatement à la progression déchirée et marquante d'un célèbre «
Black Hole Sun » de
Soundgarden, le potentiel de mémorisation étant à peu de choses près le même, si ce n'est encore plus élevé. Instrumentalement, le break emmènera à une petite exposition néo-classique d'une grande finesse en plus de nuancer, d'appuyer le propos tenu par le chanteur. A les entendre sur la longueur de l'album, c'est à croire qu'ils préfèrent le cauchemar au rêve à force de vouloir "effrayer" pour mieux captiver ceux ou celles qui les écoutent, comme avec l’incontrôlable « Open
Wound » qui termine sur une outro étrange du style drone aérien ou avec l'assez sombre « Holy
Cycle » qui n'a pourtant d'intéressant que son solo de dernière minute dont l’exécutant aurait pu être
Jerry Cantrell si la guitare avait eu plus de poigne, de lourdeur. En ce qui concerne la reprise d'éléments fondamentaux issus du vieux post-grunge, «
Nothing in
Excess » propose un subtil mélange qui croise un
Crossfade électro-alternatif avec le
Seether période «
Karma And Effect » dont l'une des principales caractéristiques reste le son de basse musclé et si particulier de Dale Stewart.
Seulement, on ne pourra s'empêcher d'émettre des regrets quant à l'ère
Drone (2003-
2012) où le groupe avait fait le choix d'accorder peut-être plus d'importance aux ambiances, quitte à retranscrire en musique leur nom de scène de l'époque. Du coup, sur «
Saturn's Return », on se retrouve avec une musique intéressante mais beaucoup plus lissée et une mise en valeur de son vocaliste qui peut aussi bien être une arme de pointe qu'un handicap majeur (« Holy
Cycle », « Headlong », « The Pits »). Malgré tout, on notera une tentative brève mais louable sur l'ouverture old-school de «
Death Wish » par rapport au mixage de la voix entrepris différemment, et surtout, l'effort réalisé sur « Not a Choice » qui relève déjà d'un certain génie appuyé par un bel et riche acoustique. Bien que les prises de risques en matière de chant soient toutes relatives, il arrive donc d'assister à des surprises et justement, la dernière pièce évoquée permet à cet opus de respirer, de limiter un peu la casse. Bizarrement, après une rapide analyse de ce skeud, on remarquera que la composition de la tracklist s'articule finalement autour de deux blocs bien distincts. Autrement dit, les six premiers morceaux donnent dans l'efficace et le visage grunge du performeur tandis que la seconde moitié est entièrement dédiée à une réflexion plus poussée puisant dans le catalogue de l'illustre
King Crimson,
Tool,
Nine Inch Nails ou alors des premiers Genesis. Avec « The
Fortress », le collectif nous montre à quel point il est susceptible d'être créatif en passant de l'ambient à l'électro jusqu'à quelques influences de musique classique, et que dire de « The
Moon », très sombre et presque théâtral dans sa façon d'utiliser le piano ?
En sortant l'énigmatique et très moderne «
Saturn's Return », Celestial Son a de grandes chances de voir sa notoriété grandir auprès du public grunge friand d'équations complexes et de riffs progressifs. Trois tubes sont à l'ordre du jour («
Nothing in
Excess », « All I
Ever Wanted », « Open
Wound »), ce qui devrait masquer la fatigue passagère de ce premier effort.
Bon j'ai quand même du mal à entrer dedans malgré des influences qui me parlent ("Death Wish" c'est du Tool/A Perfect Circle tout craché, "Open Wound" et "Pits" transpirent l'essence d'Alice in Chains), honnêtement même si l'ensemble est bien foutu, je trouve qu'il manque de vrais refrains aux chansons. C'est peut-être moins prévisible mais là pour le coup, ça en devient chiant sur un bonne partie l'album. Bon voilà sinon ça valait quand même le coup de tendre une oreille attentive, il y a quelques bonnes choses. Merci pour la découverte mec
Par contre, pour étendre sa culture du grunge, Celestial Son, c'est une bonne découverte/référence je pense. Merci de m'avoir lu !
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