Liste des groupes Black Metal Pagan (TUR) Rehearsal Tape '19

Replongeons-nous un moment dans l’histoire de notre mouvement musical préféré. Pendant les années 90, la seconde vague black metal frappe de plein fouet la Norvège et la Scandinavie puis s’étend petit-à-petit au reste du monde. Des scènes locales commencent à émerger, encouragées par ce nouvel engouement démoniaque, avec chacune leurs particularités plus ou moins distinctes, et l’on parle notamment de la scène grecque en plein essor. Si l’art noir a trouvé un terreau fertile en terre hellène, on ne peut en revanche pas dire que ce soit vraiment le cas chez les voisins ottomans, et force est de constater que, aujourd’hui encore, lorsque l’on parle black metal, la Turquie n’est pas précisément le premier pays qui vient à l’esprit. Cependant, même s’il reste relativement confidentiel, le black turc existe bel et bien et Pagan fait partie de ses plus anciennes légendes, sortant son premier manifeste sonore dès 1996.

Après un premier album redoutable en 1998, Heathen Upheaval, le quatuor se remet au travail et commence à enregistrer un successeur en 2000, mais ce dernier ne sera finalisé que sept ans plus tard. Après la sortie de OZ : In Transcendence en 2007, le groupe cesse toute activité et tombe peu à peu dans l’oubli. Ce hiatus va durer douze ans, jusqu’à ce que les membres du groupe soient invités à jouer lors d’un festival organisé par le défunt magazine turc Laneth. Flattés, les musiciens reprennent leurs instruments, et durant les répétitions et le concert qui suit, la flamme noire renaît des vieilles cendres et le groupe décide de se reformer. Voilà donc Pagan de retour fort d’un deal avec Saturnal Records, et ce Rehearsal Tape ’19 est l’enregistrement spontané d’une répétition qui a précédé le fameux live de reformation au Laneth Bir Gece III, un nouveau départ donc, plus de 25 ans après leurs débuts, la pochette et le titre renvoyant évidemment à la première démo du groupe sobrement intitulée Rehearsal Tape 96.

L’enregistrement reprend d’anciens titres datant de 96 (Elenyr) à 2001, année du deuxième et dernier album en date de la formation, et l’on constate que malgré les années qui séparent ces compos, le tout reste cohérent, même si certains titres sont plus directs et efficaces que d’autres, comme les deux openers aux blasts mordants et au riffing rageur et conquérant, The Longing and the Ancient Ones et Marching of the Hordes.
D’une manière générale, Pagan se fend d’un riffing efficace et accrocheur sans être simpliste, War sait blaster vite et bien et envoie quelques parties réellement destructrices, même si les titres sont loin d’être linéaires, et que les morceaux les plus longs se teintent volontiers de nuances progressives. Distinguons entre autres The Quest of the Chronomancer qui fait souffler un vent plus épique et mélancolique sur le black metal des Turcs, avec cette intro lancinante à la basse larmoyante, mid tempo faisant preuve d’une belle musicalité avec cette cavalcade heavy en milieu de morceau et ces breaks thrashy, ou The Ascending qui clôt l’album, s’ouvrant sur un riffing mélodique et entraînant, enchaînant sur un bon blast bien costaud et alternant les changements de rythme et d’ambiance durant 8,02 minutes, se faisant tour à tour plus lourd, rampant et incisif. Des compos variées et toujours inspirées donc, dégageant intensité et émotion (l’excellent Marching of the Hordes, expédiée en à peine 2,06 minutes), idéalement supportées par les chants complémentaires de Noctivagus et Talciron l’un étant plus aigu et arraché et l’autre un peu plus rauque, hurlements et parties plus narratives se succédant sans accroc.

Niveau son, l’ensemble est tout à fait correct pour un enregistrement live, et même si la batterie a cette résonnance un peu artisanale qui peut irriter l’oreille, cela renforce le côté authentique de ces sept titres. Les riffs sont bien portés par la production, clairs et parfaitement audibles, n’hésitant pas à imposer de solides mélodies (le début envoûtant de Marching of the Hordes, Shamanic Flames où après ce long break central mélancolique jaillissent ces excellents accords tranchants appuyés par un blast), et ce qui saute aux oreilles, c’est surtout cette basse chaude et ronflante idéalement mise en avant qui nous régale tout le long de ces 39 minutes et qui apporte une belle profondeur à la musique du groupe.

Rehearsal Tape ’19 fait finalement office de bon best of et constitue une porte d’entrée idéale pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Pagan, dévoilant un groupe qui prend un plaisir évident à rejouer ensemble après près de vingt ans de séparation (Anker et War avaient quitté le navire après la sortie de Heathen Upheaval en 98). Force est de constater que 23 ans après la première démo du quatuor, la flamme païenne brûle toujours…

Shamanic flames of Anatolia
Inwardly burn with passion
Lost memories from the forgotten centuries
Will ever awake?