« Le cauchemar est l’épreuve nécessaire du rêve, sa première incarnation »
Il est de ces groupes dont il est difficile de décrire, de centrer tant ils semblent être dans un autre monde, celui de la perpétuelle expérimentation, cassant les codes de la musique, se démarquant par leur sens audacieux et proposant une véritable expérience, au-delà de tout imaginaire. Parmi ces musiciens parfois incompris, souvent critiqués et injustement oubliés, nous avons Dronte, septuor français jonglant sur les genres. Toujours dans une certaine mélancolie propre à leur image, nos artistes voyagent entre monde post-rock et univers death metal pour nous proposer une première toile qui semble si insignifiante et pourtant si bouleversante.
Dronte ne se contente pas de faire de la musique, il l’écrit et la fait ressentir comme si nous la vivions. Le conte côtoie la réalité, les notes respirent la rage et
Champion en Série arrive et nous fait remarquer combien nous nous ressemblons sans que l’on s’en rende compte. Ne pas oublier qui on est, garder la tête haute et tout en essayant de se libérer du conformisme, composer sa vie comme on compose une lettre. Tout paraît si singulier, si ingénu mais pourtant si propre et si magistral. « Marchons libre, marchons fiers » comme un hymne à la révolte, les dialogues si communs de la vie sous un instrumental si doux, comme si nous ne vivions qu’un rêve démontrent l’univers si sombre et pourtant si reposant de nos musiciens.
Dronte est également schizophrène, totalement fou, complètement colérique et ne supporte plus de voir les terribles scènes de la rue, ces victimes étant laissé à leur propre destin, hurlant à la morgue et agonisant de souffrance. Cette batterie virulente, ces guitares sèches qui porte les coups critiques à ces pauvres hommes sans défense, qui vivront le restant de leur existence sous de piètres bandages, de ridicules plâtres offrent une sensation de malaise, de mal-être. L’ambulance rugit, la fenêtre est ouverte, la scène est moribonde, quelques hommes défigurés, fermons nos yeux : le Théâtre est
Vacarme.
Dronte se veut aussi critique en se dénigrant et en accusant les autres. Mais Dronte est trouillard, il n’ose pas dire en face ce qu’il a à dire et se montre finalement comme ces autres, irrespectueux et immonde. Il pense se connaître et pouvoir juger le monde mais il est obnubilé par sa jalousie et par sa personne, ce qui le rend perfide et antipathique. Il déblatère, l’ensemble monte en intensité, il commence à insulter avant que le tout atteigne l’apothéose avec ce vocal si ravageur. Il est le seul mouton, le dindon de la farce, croyant savoir tout sur tout mais il se trompe, toute cette fausse Sagesse est gardée.
Dronte est enfin hautain. Il veut obtenir tous les mérites, il ne se montre pas authentique, il vole les secrets des autres pour se forger sa propre identité, sa fausse uniformité. Il est fainéant, il se perd dans ses mots et ses paroles, il ne comprend pas ce qu’il raconte, il veut devenir comme monsieur l’intéressant, il est une partie cachée de nous mais il finit par s’oublier. Il s’indigne, il est indigné, il se manifeste mais contre quoi ou contre qui. Il construit son vide confortable pour finalement ne ramasser plus rien, n’être plus rien, être dans le blanc le plus total.
Dronte n’est pas unique dans son récit mais est unique dans son écriture et dans son concept. Variant entre textes slamés et chants rauques tout en étant dans une atmosphère si harmonieuse, si complaisante, notre septuor joue également sur les cassures, sur les changements de rythme soudains pour créer à chaque fois un nouvel émerveillement, toujours plus mémorable et remarquable. Aux premières écoutes, nous sommes totalement déboussolés par tant de différences mais l’addition de ces contractions égale la force de ces qualités.
Dronte ne propose pas seulement de la musique, il propose une histoire macabre et irrépressible, tenant en haleine l’auditeur jusqu’à la suffocation. Il naît de ces formations une volonté de déstabiliser ses spectateurs et notre septuor a parfaitement rempli sa mission en proposant une première pépite remplie de formidables performances écrites et vocales. Reste maintenant à vous plonger dans cette tumultueuse mais somptueuse mascarade et de vous laissez hypnotiser par le talent, celui de la démonstration.
Rideau !
Merci pour la chronique, je ne connaissais le groupe que de nom. Ils ont de sacrés énergumènes chez Apathia. Du coup je suis en train d'écouter pour la première fois, et j'aime bien globalement, mais je n'aime pas ces parties slamées qui me font penser à fauve, faussement révolutionnaires...
Apathia a surtout une volonté de nous faire découvrir des formations sortant de l'ordinaire et proposant une identité unique ce qui en fait un label très intéressant si l'on souhaite découvrir de nouveaux horizons. J'ai fait découvrir cet album à mon entourage qui a eu le même retour que toi en ce qui concerne les parties slammées. C'est vrai que lors des premières écoutes, c'est un point assez dérangeant mais au bout de quatre-cinq écoutes, on y trouve un réel intérêt et une véritable recherche musicale.
Une chronique vraiment très bien écrite. Une musique qui donne une telle inspiration dans l'écriture mérite sans aucun doute une écoute. Je reviendrai dire ce que j'en pense...
C'est un album qui m'a énormément marqué tant par sa profondeur que par son insignifiance. Il est de ces artistes français qui restent dans une pénombre absolue alors qu'ils mériteraient d'être remarqué. Ici, j'ai voulu agir comme un certain justicier de toutes ces formations et autres explorateurs qui restent dans l'ombre des géants. J'espère qu'avec mon modeste écrit, tu auras le même ressenti que moi sur la beauté et la certaine simplicité de cet album.
Merci néanmoins de ton commentaire qui me fait extrêmement plaisir !
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