Le Paradis Funèbre II : L'Aube Du Silence

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19/20
Nom du groupe Der Blaue Reiter
Nom de l'album Le Paradis Funèbre II : L'Aube Du Silence
Type Album
Date de parution 01 Septembre 2014
Style MusicalDark Ambient
Membres possèdant cet album1

Tracklist

1. Underworld Dreams Part II
2. Anthem for Doomed Youth
3. Conquest Of Glory
4. L’Adieu du Silence Part I
5. Il Tempo e la Disperazione
6. The Beginning of the End
7. Under Deadly Rain
8. Requiem for a Dying World
9. The New World Order
10. Conspiracy
11. L’Adieu du Silence Part II

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Der Blaue Reiter


Chronique @ Luthor

12 Janvier 2015

Probablement le meilleur album de Dark Ambient sorti en 2014, et l'un des albums phares de la decennie pour ce style.

Il peut sembler paradoxal pour un groupe espagnol d'utiliser un patronyme allemand, mais nous sommes ici en présence de l'un des meilleurs représentants de la scène Dark (nouveau nom de la scène Goth depuis quelques années). Rien d'étonnant du coup, cette scène s'étant toujours caractérisé dès ses origines par le recours à des références culturelles pointues. Ici, le groupe tire son nom d'un groupe de peintres impressionnistes allemands formé en 1911 par d'anciens immigrés russes et ayant eu un impact culturel important sur l'art pictural germanique pré-Première Guerre Mondiale.

Choix peu anodin quand on sait que Der Blaue Reiter/le groupe catalan pratique un Dark Ambient/Darkwave très imprégné d'ambiances martiales, comme un écho au conflit que les peintures du groupe pictural d'où il tire son patronyme semblent parfois annoncer. Un choix musical aussi radical que différent des deux autres projets menés par le duo Sathorys Elenorth/Lady Nott : Narsillion (de l'Ethereal Folk plutôt bien troussé) et Ordo Funebris (du Dark Folk/Médiéval centré sur les chants funéraires).

La guerre, ou plus précisément ses conséquences sur la civilisation humaine dans son ensemble, ont toujours fait partie des thèmes abordés par Der Blaue Reiter. Faisant suite au très glauque "Nuclear Sun" (qui s'intéressait aux conséquences civilisationnelles d'un monde post-guerre nucléaire... et on était très loin de "Mad Max"), "Le Paradis Funèbre II : L'Aube Du Silence" est donc une suite à la première partie du diptyque sortie en 2006, et qui s'intéressait à l'époque d'une part à la montée du fascisme en Europe pré-Seconde Guerre Mondiale et d'autre part sur l'impact que cette période pouvait avoir sur notre monde contemporain. Aujourd'hui, l'album consacre sa thématique aux ruines de l'Europe après la guerre. Comme toujours chez Der Blaue Reiter, aucun jugement ni éloge envers les parties impliquées. Une simple constatation froide sur l'impact que les décisions d'une minorité aura eu sur la vie d'une majorité.

Les samples émaillant l'album sont révélateurs du point de vue du groupe, qui se pose ainsi plus en spectateur d'un conflit, ou plutôt de ses conséquences. D'une certaine manière, on peut voir le groupe se mettre à la place de la statue surplombant les ruines de Dresde en 1945, dans le célèbre cliché de Richard Peter : anonyme, détaché mais contemplant les ruines. L'ouverture s'effectue sur un sample du duo pour sopranos connu sous le nom de "Duo des Fleurs" de l'opéra "Lakmé" (1883), pour indiquer l'innocence et l'ignorance de ce qui va venir : ainsi dans la joie bucolique les personnages vaquent-ils à leurs occupations avant que le sample ne soit progressivement remplacé par les rythmes martiaux symbolisant la marche des armées, la froideur de la musique synthétique pouvant aussi bien symboliser l'inhumanité des sentiments exprimés autant que celle des machines de mort qui seront utilisées pour détruire cette joie bucolique. Il n'est pas anodin de voir ce morceau s'enchaîner avec "Anthem For Doomed Youth" (inspiré du célèbre poème écrit par Wilfred Owen en 1917, et dénonçant les horreurs de la guerre dont il avait été témoin et victime durant le Premier Conflit Mondial), dont l'aspect volontairement 'facile d'accès' se présente en contrepoint de ces chants martiaux utilisés pour fanatiser une jeunesse que l'on allait pas tarder à envoyer se faire massacrer pour une cause qu'on lui avait présenté comme juste.

Plus loin, "The Begining Of The End" s'ouvre sur un sample de la célèbre chanson "We'll Meet Again" tirée du film éponyme de 1943 : originalement un hymne utilisé pour remonter le moral des troupes (en indiquant que, au pire, on se retrouverait tous au Paradis), son sens est ici détourné pour bien exprimer que tout le monde se retrouve dans la Mort. L'utilisation des samples permet aussi à l'auditeur de comprendre que l'album se divise en deux parties distinctes, chacune se finissant sur un morceau nommé "L'Adieu Du Silence" dont le rythme funèbre symbolise le silence régnant sur le champ de bataille après le massacre. La section allant de "Underworld Dreams II" à "L'Adieu Du Silence I" inclus se consacre donc à parler et analyser le processus de fanatisation, la manière dont celui-ci est mis en place pour convaincre des gens qu'ils participent à une cause qui est noble et pour laquelle donner sa vie en prenant celle de son adversaire ne peut être que l'unique choix possible. La seconde section, de "Il Tempo E Il Disperazione" à "L'Adieu Du Silence II", s'attache à démontrer comment cette fanatisation se heurte à la violence pratique de la guerre en elle-même, accompagné d'un duo de chansons s'intéressant à la manière dont la guerre est menée par des dirigeants pour qui les théâtres de batailles ne sont que des points sur une carte ("The New World Order" et "Conspiracy").

Dans chaque cas, la musique suit l'idée sous-tendant chaque section : martiale (voire clairement militariste) et entrainante dans la première, elle bascule dans un style beaucoup plus lent et Ambient dans la seconde. Cette division voulue entre les styles se manifeste parfois au sein d'un même morceau, mais sans jamais que cela ne sonne forcé ou cliché. Le travail sur les arrangements est superbe, et les morceaux s'enchainent plus comme les différentes parties d'une unique pièce musicale d'une heure que comme des titres séparés.

Enfin, il faut parler des collaborations vocales présentes sur cet album, dont chacune corresponds à un thème précis et se mélange au duo vocal original de Sathorys Elenorth et Lady Nott. "Conquest Of Glory" voit donc l'intervention de la (trop rare) artiste russe Lamia Vox, dont le phrasé si particulier se prête judicieusement au concept qu'elle représente (l'âme Russe). C'est ensuite l'artiste italienne Daniela Bedeski (chanteuse chez Camerata Mediolanense) qui prête sa voix pour représenter l'âme Italienne dans "Il Tempo E Il Disperazione" et enfin Cecilia Bjärgö (des mythiques suédois Arcana) pour symboliser l'âme Scandinave. A chaque fois, le chant ou le phrasé utilisé permet de mieux s'imprégner de l'ambiance spécifique du morceau dans lequel il est utilisé et, comme le groupe lui-même, l'auditeur est rapidement impliqué comme témoin extérieur des évènements se passant à l'intérieur du disque. Une prouesse rare que celle-ci.

Le Dark Ambient est un style difficile, pour lequel il est aisé de tomber dans la facilité de se contenter d'aligner trois notes au synthétiseur en déclamant maladroitement un texte pour lequel un adolescent gothique boutonneux refuserait même de se trancher les veines. Quand il est bien pratiqué, c'est un style aussi exigeant pour l'interprète que pour l'auditeur, mais qui se révèle riches d'émotions. Jusqu'à présent, Der Blaue Reiter s'était surtout fait un nom dans la très prolifique scène Dark ibérique, avec quelques concerts dans les terres germaniques et baltes. Avec "Le Paradis Funèbre II", ils signent tout simplement leur album le plus abouti, celui qui les voit rejoindre aujourd'hui les rangs des plus grands noms du genre. Probablement le meilleur album de Dark Ambient sorti en 2014, et certainement l'un des albums phares de la decennie pour ce style.

Le terme de chef d'oeuvre est souvent galvaudé, pourtant cette fois-ci j'estime qu'il est mérité.

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