Né en 2016 à Dijon sous la seule impulsion de l'auteure/compositrice et soprano Marion-Lamita Corbaz, le groupe de metal symphonique français Lux In
Tenebris, alors à la tête d'un introductif et poignant EP, « To a New
Eternity », reviendra dans la course, quelque trois années plus tard, sous le nom de Lux. Suite à un remaniement de son line-up, et aux fins d'un travail en studio des plus minutieux et de longue haleine, le groupe nous gratifiera, en 2023, d'un premier album full length, « Le Crépuscule d'une Reine » ; une œuvre généreuse de ses 68 minutes sur lesquelles s'enchaînent 13 pistes entonnées, cette fois, dans la langue de Molière, et relatant certains pans de la vie comme la tragique destinée de la reine Marie-Antoinette. A l'aune de cette luxuriante offrande, le combo aurait-il une belle carte à jouer pour espérer à la fois tenir la dragée haute à ses homologues stylistiques, toujours plus nombreux à affluer, et se hisser parmi les valeurs montantes du metal symphonique à chant féminin ?
Dans ce dessein, Marion-Lamita a requis les talents de : Tony 'Erzebeth' Corbaz à la basse, aux growls et aux chœurs ; Alexandre Guidet aux guitares et aux chœurs ; Fabrice Foutoillet aux guitares ; Cédric Poyer à la batterie et aux claviers. Avec la participation de Valere Jelic au chant sur l'une des pistes de la galette. De cette étroite collaboration émane un propos rock'n'metal mélodico-symphonique aux accents opératiques, heavy, gothiques, cinématiques et progressifs, où les sources d'inspiration sont à puiser, là encore, dans le patrimoine compositionnel de
Nightwish,
Epica,
Xandria,
Atargatis,
Tristania, notamment, la touche personnelle en prime. Mixé par Alexandre Guidet et mastérisé par Fabrice Foutoillet, l'opus ne concède pas l'once d'une sonorité résiduelle tout en laissant entrevoir à la fois une belle profondeur de champ acoustique et une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation. Tous les voyants seraient donc au vert pour nous embarquer dans une croisière des plus sécurisées, ponctuée, espérons-le, de quelques terres d'abondance...
C'est à la lumière de ses pistes les plus enfiévrées que le quintet marquera ses premiers points, parvenant alors à nous retenir plus que de raison, et ce, sans avoir à forcer le trait. Ainsi, succédant à un poignant et éclairant récitatif insufflé par la belle sur l'entame symphonico-progressive et cinématique, « Prologue », le pulsionnel et ''nightwishien'' « L'Autrichienne », lui, n'aura de cesse de nous asséner de saillants coups de boutoir tout en esquissant une mélodicité toute de fines nuances cousue qu'empruntent les fluides inflexions de la sirène. Et la sauce prend sans tarder. Dans cette dynamique, on n'omettra pas davantage l'intrigant et ''tristanien'' « Décorum », tant pour la soudaineté des montées en régime de son corps orchestral que pour la flamboyance de son solo de guitare déclenché à mi-morceau.
Lorsque le convoi instrumental ralentit un tantinet sa cadence, nos acolytes trouvent à nouveau les clés pour nous aspirer dans la tourmente. Ce que prouve, tout d'abord, « Reine de France », mid tempo progressif pétri d'élégance, dans la veine coalisée de
Xandria et d'
Atargatis. Livrant des couplets délicatement ciselés et des plus enveloppants, relayés chacun d'un entêtant refrain mis en habits de lumière par les angéliques ondulations de la princesse, octroyant, en prime, un fin legato à la lead guitare surmontant un dispositif instrumental tendant à s'emballer, in fine, le fringant élan n'aura pas tari d'armes pour asseoir sa défense et se jouer des nôtres ! Relatant le caractère tragique de la destinée de la reine, alors condamnée à la peine de mort par décapitation, « Et Quand Sonne le Glas », lui, se fait aussi tourmenté que ténébreux ; reposant sur d'intarissables linéarités mélodiques, le glaçant mid tempo dark gothique se voit néanmoins relevé par les abyssales serpes oratoires de Valere Jelic parallèlement aux claires volutes de sa comparse, qui n'ont d'égal que la finesse d'écriture d'un propos on ne peut plus bouleversant. Mais le magicien aurait d'autres tours encore dans sa manche, et des meilleurs...
Quand ils nous mènent en des espaces tamisés, nos compères nous livrent leurs mots bleus les plus sensibles, ayant pour effet de déclencher la petite larme au coin de l'œil, celle que l'on tenterait bien de cacher, en vain. Ce qu'illustre, d'une part, « Cette Etoile Est la Nôtre », ballade progressive et mélancolique que n'auraient sans doute reniée ni
Xandria ni
Nightwish. Au regard de l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'elle nous invite à suivre et sur lequel se greffent les cristallines impulsions de la maîtresse de cérémonie, l'instant privilégié comblera assurément les attentes de l'aficionado du genre intimiste. Et ce n'est pas le sémillant solo de guitare de clôture qui nous déboutera davantage de l'émouvante sérénade, tant s'en faut. On pourra non moins se sentir porté par le poignant piano/voix lyrique jaillissant des entrailles de « Epilogue : Oh Toi Qui Prolongeas Mes Jours » ; ce faisant, une ballade a-rythmique et opératique d'une sensibilité à fleur de peau nous est adressée, histoire de refermer le chapitre, pianissimo et non sans panache.
Mais ce serait à la lecture de ses pléthoriques pièces en actes symphonico-progressives que la troupe serait au faîte de son art. Ce qu'attestent, en premier lieu, « Révérence » et « Tombée en Disgrâce », romanesques et ''xandriennes'' plages, qui, au fil de leurs 7 minutes d'un parcours abondant en péripéties tout en sauvegardant une ligne mélodique des plus enivrantes, se plaisent à nous surprendre pour mieux nous retenir, in fine. Pourvu d'une structure instrumentale un poil plus complexe, le polyrythmique « Vaine Déférence », pour sa part, se pose tel un vaste et tortueux espace gothico-symphonique, à la confluence de
Xandria,
Atargatis et
Nightwish. Ce faisant, on effeuille une fresque épique de près de 9 minutes, magnifiée par les envolées lyriques de la déesse, recelant parallèlement un fringant solo de guitare et témoignant de finitions passées au crible.
Plus déchirant eu égard à son jeu d'écriture et disséminant une orchestration et des portées non moins chaotiques, le titre éponyme de l'opus, « Le Crépuscule d'une Reine », interpelle d'abord par ses accélérations aussi subites que grisantes, avant de nous prendre définitivement dans ses filets par le biais d'enchaînements intra piste ultra sécurisés.
Enfin, si certaines plages s'avèrent moins immédiatement immersives, et surtout bien moins opulentes que leurs voisines de bobine, tant le lyrisme véhiculé que la teneur argumentative de leur propos pourront néanmoins requérir l'attention du chaland. Ainsi, « Interlude : La Fuite de Varennes », s'offre tel un laconique récitatif de 0:36 minutes à peine, mais dont les émouvantes paroles, relevées par les frissonnantes intonations de la belle, nous font prendre conscience de la nécessité vitale de l'exil pour Marie-Antoinette et Louis XVI ; par un subtil fondu enchaîné lui succède « Fersen », un fugace et cinématique espace d'expression, mis en relief par les notes haut perchées dispensées par une interprète bien habitée, ici escortées de chœurs en faction.
A l'issue d'une traversée aussi poignante que palpitante, on reste à la fois interpellé par la capacité du groupe à concocter des schèmes d'accords aptes à nous retenir jusqu'à la note ultime de son méfait. Témoignant, par ailleurs, d'un jeu d'écriture ayant gagné en maturité et véhiculant un propos éminemment dramatique, d'une ingénierie du son rutilante, d'une technicité instrumentale et vocale parfaitement huilée et de lignes mélodiques plutôt engageantes, ce sculptural effort répondra assurément aux attentes du fan de la première heure et, probablement, à un tympan déjà familiarisé avec les vibes de leurs maîtres inspirateurs.
Si quelques prises de risques ont été consenties et qu'ils apposent leur sceau artistique sur la plupart de leurs compositions, il conviendra cependant que nos acolytes veillent à rendre le message musical plus immédiatement lisible qu'il n'apparaît parfois. Une relative carence qu'une heureuse fusion de styles, une charge émotionnelle parfois difficile à endiguer ainsi que des arrangements orchestraux aux petits oignons sauront combler. Bref, un dantesque et si troublant mouvement, laissant à penser que le groupe posséderait l'arsenal requis pour espérer se hisser désormais parmi les valeurs montantes de ce registre metal. Wait and see..
Note : 15,5/20
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