Le communisme : symbole d’endoctrinement, de contrôle, d’emprisonnement quotidien, de totalitarisme et de propagande.
C’est en s’attaquant à ce sujet peu reluisant de l’humanité que The CNK entend bien frapper un grand coup dans la fourmilière sclérosée du métal extrême français, commençant selon lui à entrer dans un moule dont il veut manifestement s’extraire avant même d’y être entrer.
D’un esthétisme très soigné, la musique et la présentation de The CNK repose en partie sur une provocation de tous les instants, notamment concernant le splendide collector de ce L’hymne à La Joie aussi grinçant qu’original.
S’ornant d’une pochette renvoyant aux grandes affiches de propagande staliniennes, le livret et les illustrations intérieures sont autant de baffes que de dérangements permanents. En effet, l’affiche « We Are Friends » avec la poignée de main ou encore la quatrième de couverture contenant un « Abolish
Freedom of Speech » ne peut laisser totalement de marbre pour ceux se penchant en tant soi peu sur l’impact de l’idéologie communiste sur le monde.
Et même si tout cela n’est qu’un cinéma parfaitement orchestré, les paroles suivent inéluctablement le même schéma empreint de provocation. "Vote For Winners" taille d’ailleurs dans le roc autant dans les textes que dans la musique, foncièrement expérimentale. S’attaquant de plein fouet à la propagande ("Democracy, all values obscenes,
God bless the system […] Do you want big red cars? Come on people, will you vote for CNK!") et marqué par des éléments industriels glaciales, la musique de CNK prend toute sa démesure.
Et quelle musique justement ? Hreidmarr est très loin de Anorexa
Nervosa ici, loin de son black metal rapide et symphonique. Basé sur des rythmiques aussi lourdes que simples, l’art des français prend son essence dans la fusion de nombreux styles, mais si bien digérés qu’il devient rapidement celui propre au groupe. Les chœurs, élément indispensable de l’album, sont très loin de ce qui se fait dans le métal habituellement. Ce sont des chants de propagandes, des chansons patriotiques sonnant forcément comme malsaines à nos oreilles, car évoquant des aspects politiques que l’on aimerait laissés enfouis.
"Total
Eclipse of
Dead Europa" est en cela glaçant : un riff lourd et pesant, un refrain repris en chœur par une foule aveuglée, un chant dominateur et profond sortant du plus profond des tripes, quelques interventions au parlophone renforçant l’idée de continuelle pression et d’oppression. Idem pour le riff de "The Martialist" vous écrasant littéralement tout en débitant une haine humaine effroyable et continue, ainsi qu’un magnifique contretemps rythmique permettant en plus du concept de rendre encore un peu plus étrange la musique du combo.
"
Die Holzhammermethode", pièce de plus de sept minutes, intégralement chanté en allemand conforte encore un peu plus l’idée d’oppression politique, pareil à une conférence hitlérienne. Son introduction dissonante, sa lenteur pachydermique se permettant quelques assauts rythmiques plus rapide, tout cela prend aux tripes et joue avec nos nerfs, mis à rudes épreuves. Les chœurs de ce morceau, moins grandiose, semblent plus confidentiels et vicieux, comme un poignard se préparant à se planter dans votre dos dans la plus totale des indifférences. Le chant de Hreidmarr y ait plus noir que jamais, scandé, unique et machiavélique.
Alors qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi n’est-ce pas l’album de l’année ? Et bien car j’ai la désagréable sensation que malgré tout, The CNK a quelques peu mis d’eau dans son vin, retient parfois ses coups, plus musicalement que conceptuellement. Certains aspects, notamment ces chœurs si particuliers et massifs, aurait pu quelques fois être utilisés de meilleures manières, en démontre l’inefficace "Dinner Is Ready", au thème pourtant extrêmement macabre (je vous laisse deviner suivant le titre…).
L’intro de l’album également, empruntée à Beethoven, aurait pu être mise davantage en valeur et choquer encore plus qu’elle ne le fait déjà (très martiale et cubiste !). C’est comme si le groupe n’était pas allé totalement au bout de son trip, de son concept, de peur de définitivement s’attirer les foudres de la censure (quoi que je doute que ce soit la raison…). L’étrange "The
Doomsday" semble également bancal, pas exploité. Ses symphonies (parfaitement mixées soi-dit en passant, la production est un modèle de lourdeur et d’extrémisme) évoquant les tours du cirque semblant renvoyer en poussière et tourner en ridicule la théorie du jugement dernier sont, comment dire, peut-être pas assez utilisée (la fusion entre symphonies et électronique est néanmoins remarquable et novateur !).
L’album s’achève comme une contemplation d’un désastre passé et à venir. Le caractère brumeux et solennel de "Inexorable Parade" fait inéluctablement froid dans le dos. S’ouvrant sur un orchestre lointain et fantomatique, c’est surtout le chant qui est exceptionnel. Inhumain, déçu, plein de peine et de haine, il est l’aboutissement d’une recherche initialement utopique d’un bonheur en société. Lourd et suffocant, les guitares, presque inexistantes au profit d’un piano mélancolique et de nappes de claviers enchanteresses, le dernier paragraphe résonne comme un point en pleine figure ("Inexorable parade, The machine of
God, Europa :
Dead and Gone,
Procession of the beaten ones").
Splendide et dérangeant, c’est ainsi que je définirais ce dernier chapitre.
Quelques maladresses dans la manière mais un propos délicat et parfaitement maitrisé…la suite se révélera probablement risquée…mais se fait déjà atteindre.
après, le seul reproche que je ferai est que, malgré tout, j'ai la désagréable sensation que le groupe n'est pas allé au bout de son trip, qu'il se retient.
J'attend donc la suite avec impatience...
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