Je n'ai pris connaissance de la sortie de cet album que cette année, par le biais du Netlabel
Cold Silence, proposant régulièrement de nouveaux albums en téléchargement légal et gratuit. Pourtant, il est disponible depuis
Octobre, et encore aujourd'hui, en contactant directement le groupe (qui recherche actuellement un label - avis aux patrons d'écuries).
Passées ces considérations purement mercantiles,
Sentinelles évolue sous la forme d'un duo français, basé en Bretagne, et "L'Envol" est leur tout premier opus, entièrement autoproduit. Pour cet enregistrement, les deux compères se sont bien entourés, puisqu'on retrouve un membre des Chants de
Nihil derrière la guitare, et un autre de
Malysteria (responsable d'un full-length, "Blasphèmes et Dévotion", un peu plus tôt dans l'année) responsable du mixage et des prises de son.
On ne pourra que saluer le travail de ce dernier, tant "L'Envol" bénéficie d'une puissance de feu impressionnante. L'ensemble des instruments est très bien équilibré, tout est parfaitement à sa place : ainsi, les guitares rythmiques forment un mur très compact, que viennent percer les nombreux riffs en tremolo-picking à la teinte mélancolique des plus délicieuses, où encore les incursions d'un clavier portant toute l'atmosphère des compositions. Un son excellent, certes, mais pas exempt de défauts : j'ai, pour ma part, trouvé que les claviers sonnaient beaucoup trop "synthétique", de même que la batterie (que je soupçonne fortement d'être une boîte à rythme). Des détails qui pourront en agaçer certains, mais qui n'empêchent pas d'apprécier "L'Envol" et ses compositions. Compositions qui sont d'ailleurs très longues : 4 titres pour quarante minutes, jugez du peu !
Mon oeil a été, dans un premier temps, attiré par le graphisme de l'objet, réalisé entièrement par l'inconnue (mais non moins talentueuse) Laura Virouleau (Saturne VII), dont la patte colle parfaitement à l'atmosphère véhiculée par "L'Envol". Vous pouvez avoir un aperçu de son travail sur sa page Facebook et son Tumblr. Un digipack très simple, au graphisme épuré mais efficace : il n'en fallait pas plus pour aiguiser mon appétit de découvertes. En attendant de le recevoir en dur, je l'ai donc téléchargé, pour mieux m'en imprégner. Et je n'ai pas été déçu du voyage.
"L'Envol" est le premier chapitre d'une trilogie, album basé sur le cycle des saisons. Les autres opus seront, quant à eux, consacrés au 18ème siècle et à la Bretagne (
Belenos, vous avez-dit
Belenos ?). Le groupe planche actuellement sur le second opus, que je vous affirme attendre de pied ferme au vu de la qualité du premier.
Bien entendu,
Sentinelles ne réinvente pas le fil à couper le beurre. le Black metal est un genre Ô combien puissant, mais Ô combien stagnant également ! Néanmoins, le groupe n'entend pas se reposer sur des acquis trop faciles à exploiter (le classique blast-beat/production de garage/riff repompé sur
Bathory et consors) mais bien à apporter à ses solides racines, puisant tant dans l'art de
Belenos,
Burzum où encore
Drudkh, une petite touche personnelle. Et c'est ce qu'il réussit avec brio, même si les influences sont évidentes et pas toujours bien digérées (assez inévitable pour une première réalisation).
Par l'utilisation judicieuse de samples (qu'il évite d'étirer en longueur) classiques mais efficaces (au début des trois premiers titres),
Sentinelles plonge l'auditeur dans l'ambiance qu'il distille : une contemplation mélancolique, quasi-romantique, un voyage dans les souvenirs et dans un autre monde. Le duo utilise un schéma classique mais diablement efficace : la superposition d'une solide guitare rythmique et d'une mélodie en tremolo-picking , accouplées à cette batterie qui martèle solidement la cadence. On appréciera l'utilisation du "blast" à dose homéopathique au profit d'un mid-tempo quasi-constant, berçant réellement l'auditeur plutôt que de lui fracasser le crâne.
Sentinelles sait alterner les passages d'une lourdeur écrasante et les parties plus atmosphériques et contemplatives, comme en témoigne l'excellent "Immensité et
Tristesse", pièce votive de l'album, qui cristallise toute son essence, avec ces choeurs sublimes que n'aurait pas renié le sieur Loïc Cellier, et ses riffs d'une beauté à couper le souffle. Malgré la longueur des titres, le groupe parvient à suffisamment faire varier son propos pour ne pas lasser l'auditeur outre-mesure - pari presque remporté, car je trouve malgré tout que certaines parties restaient dispensables (la fin de "L'Etrenne des Sentiers" tirant un peu trop en longueur, par exemple).
Le chant est d'une puissance assez exceptionnelle, cette voix d'écorché vif touchant réellement de près l'âme de l'auditeur et ses émotions les plus enfouies. Il est également assez intelligible sur la plupart des parties, même si j'attends de pouvoir jeter un oeil sur les paroles (qui me semblent assez prometteuses, en témoigne les couplets de "Les Larmes de L'Est") pour me prononcer définitivement à leur sujet.
Que dire de plus sur cet opus ? J'ai été assez impressionné par sa qualité, et je dois dire que ses petits défauts lui confèrent également un certain charme (j'aurais pu parler de certaines transitions, pas toujours bien gérées, comme sur le premier titre). "L'Envol" est un disque de Black
Metal de grande qualité, qui saura faire voyager l'auditeur, pour peu qu'il soit réceptif à son art (et une Lapalissade, une). J'attends la suite de pied ferme, en espérant que
Sentinelles digère un peu plus ses influences et propose un son un peu plus "organique" sur la batterie et le clavier - qui sonnent vraiment trop "informatique".
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire