Putain, l’Aorasie des Spectres Rêveurs, en voilà un titre qui claque! En quelques mots à peine,
Grimoire nous pousse à ressortir notre vieux Littré qui prenait la poussière sur l’étagère et envoie valser le cliché fort répandu qui veut que les metalleux soient des bourrins incultes et bas-du-front au niveau de culture proche de zéro.
Ceci dit, les meilleurs littérateurs ne faisant pas forcément des bons musiciens, c’est à l’aulne de la musique qu’il convient d’apprécier ce nouvel EP. One man band québecois fondé en 2010 par Fiel,
Grimoire évolue comme nombre de ses compatriotes dans un black metal mélancolique et atmosphérique qui privilégie les ambiances, et fort est de constater que ce 4 titres est une belle réussite qui vient confirmer s’il en était encore besoin le talent de cette prolifique scène canadienne.
En effet,
Grimoire parvient à toucher l’auditeur en plein cœur, imposant à grand renfort de claviers et de trémolos de guitares des mélodies célestes, imprimant des rythmes rapides et guerriers qui, en contraste avec ces accords lancinants, font souffler un vent fier et sauvage qui galvanise l’auditeur en même temps qu’il l’ensorcèle. S’il n’est pas extrêmement original, l’art de Fiel est particulièrement léché, mais parvient tout de même à laisser un peu de place à une certaine spontanéité, conférant une dynamique et un relief appréciables à ces 24 minutes parfois un peu trop sages. Ainsi, si on appréciera le début de La Rumeur des Astres, sonnant presque norvégien avec ce blast virulent, ces guitares acérées et cette voix impitoyable, les choses se gâtent dès 2,57 minutes lorsque l'artiste, pêchant peut-être par ambition, mêle différentes sonorités de façon un peu approximative, la superposition de ces pistes sonnant comme une symphonie un peu confuse.
Néanmoins, ce passage approximatif sera court et largement compensé par le reste, Tragédie des Ombres incarnant parfaitement cette nouvelle mouvance post black metal à la sensibilité exacerbée, jouant plus sur les émotions que sur la violence et la noirceur, et s’appuyant brillamment sur les contrastes pour créer une aura réellement envoûtante : à la fois extrêmement mélodique –parfois un peu trop... - et entraînant, servant des riffs lumineux sur un rythme binaire et hypnotique, la musique fait ressortir un côté atmosphérique et épique qui n’est pas sans rappeler ce que fait
Ov Hollowness voire
Summoning par moments.
Cachot de Cristal est parcouru de parties lentes et mélancoliques qui se déclinent en des envolées post rock aériennes et des chœurs évanescents, rappelant beaucoup des groupes comme
Agalloch ou
Fen. Les claviers prennent une place importante pour accentuer le côté éthéré de la musique, et renforcent judicieusement la majesté épique rendue par ces guitares à la beauté froide. L’EP s’achève sur ce Cantilène Céleste à la solennité presque religieuse uniquement porté par quelques notes de piano et des chœurs angéliques, mélopée lointaine et reposante qui vient nous envelopper de sa douceur voluptueuse, bien loin de l’ambiance sulfureuse et macabre que dégagent habituellement les groupes de black dits classiques.
24 minutes c’est peu, mais largement assez pour se rendre compte de l’énorme potentiel de la formation qui ne demande qu’à exploser au grand jour. Encore un peu sage, et parcouru d’influences parfois trop évidentes, cet EP n’en est pas moins un beau voyage qui nous emmène dans des contrées paisibles et oniriques, nous laissant à l’arrivée rêveurs comme les spectres dont il est ici question. Une très belle réussite qui risque de tourner longtemps sur la platine en attendant le prochain full length qui s’annonce, s'il continue sur cette voie, tout simplement magique.
Effectivement le black canadien mérite qu'on y porte nos oreilles et notre attention.
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