Désireux de se lancer à son tour dans la foisonnante arène metal alternatif à chant mixte, ce jeune combo brésilien originaire de Campinas s'y est toutefois engagé, non sans une certaine prudence. En effet, créé en 2015, sous l'impulsion de la frontwoman
Desireé Rezende et du vocaliste, guitariste et bassiste André Baida (ex-
Counterparts), ce n'est que deux ans plus tard qu'il enfante de son premier bébé. Et ce, à l'instar de cet album full length éponyme où se succèdent 10 pistes sur un ruban auditif de plus de 48 minutes. Inspirés par les mythes nordiques, nos acolytes nous y livrent des textes aux thématiques variées, allant de la mythologie à l'amour, en passant par la dépression, la douleur, ou encore le rejet. Ce faisant, ils nous mènent dans un registre metal alternatif conjuguant habilement les touches heavy, symphonique et dark gothique, et dont les influences de
Lacuna Coil,
Amorphis,
Tristania,
Draconian,
Poisonblack,
Lacrimas Profundere ne sauraient être éludées.
Produit par Fabiano Negri et co-produit par Ric Palma aux Minster Studios de Campinas, l'opus jouit certes d'un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation, mais accuse parallèlement un manque cruel de profondeur de champ acoustique et des finitions encore lacunaires. Disséminant une indéfectible énergie percussive, cultivant le mystère au rang d'un art, nous projetant sur une route abondant en riffs plombants, dotant son méfait d'une technicité instrumentale difficile à prendre en défaut, le collectif aurait de sérieux atouts pour espérer l'emporter. Ce serait sans compter quelques tenaces linéarités mélodiques, une tenue de note de la part de la belle pas toujours au rendez-vous de nos attentes et peu de prises de risques, in fine. Aussi, quels seraient les points de force de cette offrande pour espérer voir le collectif sud-américain opposer une solide résistance face à ses homologues ?
Au regard de leurs passages à la cadence mesurée, nos compères décochent quelques flèches qui, souvent, atteignent leur cible. Ainsi, à la croisée des chemins entre
Amorphis et
Lacuna Coil, l'énigmatique «
Fearless Heart » tout comme le troublant « From Porcelain to
Ivory » tirent leur épingle du jeu. En outre, ces deux lancinants mid tempi nous assènent leurs riffs massifs sur une rythmique résolument tempérée et d'une régularité quasi métronomique. Dans une atmosphère souffreteuse, sur une mélodicité quelque peu enivrante, s'inscrit un duo mixte en voix claires, un tantinet écorché vif. Et, dans un cas comme dans l'autre, la sauce prend. Dans cette mouvance, on n'omettra pas davantage le ''lacunacoilesque'' « Downfall » tant pour ses refrains immersifs à souhait qu'en ce qui a trait à ses franches accélérations rythmiques. Et ce, même si l'empreinte masculine en voix claire se superpose inutilement aux graciles inflexions de la sirène.
Lorsqu'il nous mène en d'intimistes espaces, le groupe réserve de seyantes séries de notes, celles dont il semble avoir le secret pour aspirer le tympan sans avoir à forcer le trait. D'une part, on n'éludera pas la délicieuse ballade progressive « Asleep » eu égard à un cheminement d'harmoniques des plus invitants. Si l'émotion requise peine à se déclencher, le tendre moment octroie toutefois un grisant solo de guitare, un break mélodique et opportun aussitôt balayé par un agréable refrain, à défaut d'être imparable. Pour leur part, « Keep You
Close to My
Heart » et «
Fenrir's Last
Howl (CounterParts Cover) » révèlent tous deux ces séries d'accords d'une sensibilité à fleur de peau qui, peu à peu, s'infiltrent en nous pour ne plus en ressortir, et dont l'aérienne instrumentation s'en fait l'écho. Sous-tendues par de délicats arpèges au piano et un violon mélancolique, ces deux enivrantes ballades a-rythmiques délivrent des couplets pétris d'élégance relayés par de frissonnants refrains.
Quand le pas se fait plus alerte, le combo trouve, là encore, quelques clés pour nous retenir plus que de raison. Dans cette dynamique, on retiendra «
Beneath the Skin », tonique et vénéneuse piste dans le sillage de
Tristania et
Lacuna Coil, à la fois pour son inaliénable énergie percussive, sa basse claquante et son refrain catchy. Mis en exergue par les enivrantes patines de la sirène auxquelles s'adjoignent les rocailleuses inflexions de son compère, cet entraînant mouvement laissera assurément quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront goûté.
Parfois, le propos s'avérera rétif à toute tentative d'apprivoisement précipité, contraignant à le suivre jusqu'à son terme pour en déceler ses moindres subtilités. Ce qu'illustre l'intrigant et progressif « Stolen Innocence » au regard de ses couplets peu propices à une rapide assimilation. Par effet de contraste, les refrains, quant à eux, s'avèrent bien moins empreints de noirceur, ne tardant pas à aspirer le tympan. Dans cette ''tristanienne'' tourmente, les claires volutes de la belle donnent le change aux screams déchirants de son acolyte ; touchant duo que relaye un final à l'élégant dégradé instrumental, le maître instrument à touche fermant la marche, pianissimo...
Si les temps forts ne manquent pas à l'appel, certains passages accusent toutefois quelques faiblesses. Ce qu'atteste l'up tempo «
Caliban », titre enjoué délivrant certes un saisissant solo de guitare ainsi qu'une énergie aisément communicative, mais calé sur une sente mélodique plutôt linéaire et des séries d'accords aux enchaînements peu assurés. En outre, une sidérante accélération du corps instrumental a bien été tentée, mais s'intercale trop tardivement dans la trame pour marquer les esprits de son empreinte. D'autre part, tout comme « Stolen Innocence », le ''lacunacoilesque'' et mystérieux mid tempo syncopé «
Dark Eyes » nous octroie de ragoûtants refrains contrastant avec de bien plus sombres couplets. Evoluant pourtant sur une agréable sente mélodique, le duo mixte en voix claires s'avérera plus fragile, moins assuré, conférant au méfait une lumière un peu pâle.
Résultat des courses : si de tenaces carences logistiques, sonores et mélodiques viennent émailler le propos, le combo brésilien nous offre cependant un patchwork stylistique plutôt heureux, disséminant également sur notre route moult séries d'accords susceptibles de nous retenir plus que de raison. Aussi, le parcours auditif s'effectue-t-il sans encombres, même si certains chemins de traverse doivent être empruntés et si les duos proposés ne s'avèrent pas toujours des plus efficaces. A la fois subtil, complexe, un brin énigmatique, et romantique, cet effort s'avère diversifié sur le plan vocal et rythmique, et les exercices de styles paraissent suffisamment variés pour espérer un large recueil de l'adhésion. N'ayant pas misé tous ses espoirs de séduction sur l'émotion, et malgré la linéarité de certaines sentes mélodiques le collectif sud-américain laisse néanmoins transparaître un réel potentiel technique ; à valoriser encore à l'aune d'une production d'ensemble moins friable. Bref, sans être un foudre de guerre, et à condition de le considérer à part entière, cet opus pourra combler quelques pavillons déjà sensibilisés aux vibes des maîtres inspirateurs du combo brésilien. Ou pour le plaisir de la découverte, simplement...
Note : 13,5/20
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