Est-il possible de faire preuve d’originalité et de personnalité à une époque où règnent tyranniquement pensée unique, conformisme musical et standardisation conceptuelle ?
Assurément, si on prend le temps et la patience de fouiller dans les archives poussiéreuses du hair metal et que l’on arrête sa curiosité sur le groupe Enuff Z’Nuff et son visuel peace and love flashy que n’auraient certainement pas renié les hippies fils et filles à papa des 60’s, et qui dans les dernières heures des années 80 se distinguait de ses pairs uniformisés en de nombreux points notamment grâce à une identité unique des plus intéressantes doublée d’une démarche musicale singulière et racée.
Formé à Chicago au cours de l’année 1984 sous le patronyme de Enough Z’Nuff par le vocaliste Donnie Vie et le bassiste Chip Z’Nuff, le combo américain galère quatre longues années dans les sphères souterraines des clubs locaux avant de trouver un line-up stable et consistant avec les arrivées providentielles au sein du groupe du virtuose de la six-cordes Derek Frigo (R.I.P. 1966-2004) et du batteur Vikki Foxx (futur
Vince Neil Band), de modifier par souci d’esthétisme marketing l’orthographe de son nom en Enuff Z’Nuff et de signer enfin un premier contrat discographique avec le label new-yorkais
Atlantic Records qui s’avère être alors l’une des grosses écuries du hard rock/heavy metal de l’époque (AC/DC,
Ratt,
Twisted Sister,
White Lion et
Skid Row pour ne citer qu’eux). Ainsi, le premier album éponyme du quartette de l’Illinois envahit les bacs de tous les record stores de Seattle à Miami, et de San Diego à
Boston en passant par Hawaï le 22 août 1989.
Avouons-le, bien qu’esthétiquement réussie ; la pochette de l’album ornée d’un signe peace vert fluo sur un fond noir peut au premier abord rebuter l’amateur de hair metal/sleaze rock tant cette référence n’est pas vraiment commune dans la culture heavy metal, et serait surement plus appropriée au rock psychédélique anti nucléaire ayant fait planer nos parents des beedies Ganesh aux lèvres à une époque révolue où il était encore permis d’avoir des rêves plein la tête. Dès lors, l’auditeur s’attend musicalement à quelque chose d’autre que le pop metal sauce barbe à papa pour minettes en chaleur que MTV sert et ressert jusqu’à la crise de foie depuis le fameux « Round and Round » de
Ratt cinq ans plus tôt. Bingo ! A peine le tube « New Thing » constituant le premier morceau de l’opus entamé, l’auditeur fait connaissance avec un hard rock/metal formaté bande FM mature et classieux animé par un feeling psychédélique et par la voix graveleuse si caractéristique de Donnie Vie. Mélancolique et sensuel, le timbre vocal de Vie s’avère être en effet l’une des composantes conférant à la musique aérienne de Enuff Z’Nuff une originalité sans pareil, au même titre que la maturité qui se dégage globalement des compositions de premier album éponyme. Alors que les combos aux mentalités et comportements adolescents sont légions en cette époque d’insouciance et de plaisirs faciles ; Enuff Z’Nuff tire son épingle du jeu en proposant une musique personnelle et racée. Il est en effet plus qu’agréable d’entrer dans l’univers haut en couleurs et paradoxalement mûre et serein du quartette de Chicago qui offre à l’auditeur une réelle bouffée d’air frais avec ce premier effort parvenant sans peine à se distinguer de tous ses pairs ou presque. Au-delà du premier morceau, la totalité de l’album s’avère être un voyage des plus agréables ou tout ne devient plus que légèreté et épanouissement du corps et de l’esprit.
Sans faire une quelconque apologie de la consommation de certaines substances psychotropes altérant la perception du réel mais prohibées par la loi française, la musique de ce premier album éponyme d’Enuff Z’Nuff s’avérerait sans doute être la bande son optimale d’un petit moment bien sympa de détente entre amis. Effectivement, un titre tel le très bon et planant « In the Groove » et son solo inénarrable pourraient constituer le morceau idéal à qui voudrait s’initier avec succès à la pratique de la décorporation. Enuff Z’Nuff étant un groupe faisant partie intégrante d’une industrie musicale synonyme de profit et de rentabilité financière, on ne s’éloigne jamais beaucoup du nerf de la guerre lorsque l’on est un hair band en l’an de grâce 1989 : des mélodies efficaces et sucrées doublées de refrains catchy qui verront les metal maniacs option glam courir plus vite que Carl Lewis pour aller acheter l’album au Wal Mart ou au
Tower Records le plus proche de leur domicile.
Assurément, les très bons « She Wants More », « Hot Little Summer
Girl » (qui apparaitra d’ailleurs dans le quatrième épisode de la troisième saison de la mythique série TV « Beverly Hills, 90210 »), « Little
Indian Angel » et autres «
Kiss the
Clown » sont autant de morceaux qui resteront assez longtemps gravés dans la mémoire auditive de qui aura posé sa paire d’oreilles sur ce premier effort éponyme d’un groupe sortant des sentiers battus à bien des égards. Enfin et pour la plus grande satisfaction des hardos lovers sachant dégainer le
Zippo vers le plafond plus vite que leur ombre, les ballades mielleuses ne sont bien évidemment pas en reste sur cet « Enuff Z’Nuff » avec les sympathiques « Fly High Michelle » et autres « I Could
Never Be Without You » (qui apparaitra quant à elle dans un épisode d’une série dénommée « Bienvenue en
Alaska » ; « Northern Exposure » en VO pour les connaisseurs). A défaut d’être réellement transcendantes, ces deux lamentations psychédéliques sont plus qu’audibles et collent même parfaitement à l’esprit d’un album unique en son genre.
Singularité et psychédélisme semblent être les expressions les plus à même de qualifier de façon la plus objective qui soit la démarche d’Enuff Z’Nuff à travers cet étonnant premier effort éponyme. Peu conventionnelle bien qu’indubitablement destinée à la bande FM et au petit écran cher à MTV, la musique de ce très bon album assurera à l’auditeur une expérience unique qui lui rappellera certainement le rock psychédélique californien des 60’s. Se distinguant de ses pairs en de nombreux points ; de la pochette de l’album jusqu’aux vocaux de Donnie Vie en passant par le jeu de guitare aérien et inspiré du regretté Derek Frigo, il est légitime de se demander si ce groupe de Chicago n’a pas été victime en son temps du marketing d’
Atlantic Records ayant tenté de le faire passer pour un énième groupe de hair metal parmi tant d’autres, alors que le quartette de l’Illinois s’avère être beaucoup plus qu’un vulgaire groupe à faux-cils et à Spandex moule-burnes. Pouvant être par définition assez difficile d’approche dès la première écoute pour qui s’attend à du
Warrant ou à du
Skid Row dont les premiers albums sont parus plus tôt la même année, « Enuff Z’Nuff » pourra peut être nécessiter plusieurs tentatives avant de parvenir à révéler toute la richesse de son univers et à faire décoller l’auditeur. Un album original et intéressant donc qu’il conviendra d’écouter et d’apprécier dans certaines situations plus que dans d’autres…
Our chicks were hot - our cars were fast -
We took the days - we made them last.
Je pense que c'est le genre de disque qui pourrait me servir de freesbee.
Bien joué Adrien mais pour le coup je passe mon tour.
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