Un ciel gris, quelques gouttes de pluie, une déambulation livide sur les abords d’un port ancien et sale. C’est ce que m’inspire ce « Ecoute s’il pleut ».
Second EP sans prétention de Soupir sorti chez Remparts.
Quelques cris d’oiseaux, quelques hurlements inhumains provenant pourtant bien d’un larynx humain. L’ensemble y est sombre, triste, soumis à une dépression exacerbée qui sert de fil conducteur à l’ensemble.
Des mouettes, des cloches de bateaux, le bruit de vagues, nous sommes bien sur un port à marcher en équilibre le long de la margelle séparant la terre ferme des eaux glaciales et ternes sur lesquelles quelques déchets flottent frénétiquement.
Les guitares sont brutes, douloureuses, on pourrait penser que le musicien s’y coupe les doigts tant l’émotion exprimée y est intense. Le son général est dans une pure veine black metal traditionnel dans le sens où l’ensemble de la production, bien que mixée et masterisée, sonne raw. Quelques petites expérimentations se font sentir de-ci / de-là, au gré des flots sur « Ecoute S’il Pleut », par exemple, mais surtout avec « Je Hais le Ciel », loin d’un titre black, plutôt une sorte d’enregistrement qui aurait été composé sur un ponton où un gars assis sur une bitte d’amarrage aurait fait l’aumône en chantant la dépression que lui inspirait l’horizon avant d’aller la jouer dans le troquet du coin, où, touché par la sincérité de la chose un anonyme aurait décidé de l’enregistrer.
Le tout s’inscrit dans un DSBM des plus profonds, dans une souffrance et une solitude quasi contemplative où même le répit prend des tournures d’infernales lamentations (« Sauve Qui Peut »).
Quelques influences semblent également ressortir, le riff principal de « Un Oiseau » me rappelant la patte et la construction de certaines chansons de
Peste Noire avec cette violence ténébreuse, lancinante, attirant encore plus bas l’auditeur dans la froideur.
Chaque pause, notamment la douce et jolie «
Averse », tout au piano, donne un ton plus funèbre à la tracklist et renforce le morceau suivant dans son intensité. Il y a du génie dans cette œuvre qui ne cherche pourtant pas à créer une révolution dans le genre, mais simplement à exister pour exprimer ce que ses instigateurs ont besoin de hurler. Cette façon de couper l’extrême par une douceur (bien qu’emplie de noirceur) n’est certes pas l’invention de Soupir, mais le groupe sait l’utiliser aux bons moments, avec délicatesse, sans surcharger, juste en appliquant la formule aux instants clefs où on ne les attend pas forcément, mais qui tombent pourtant à pic.
Une sortie peu mise en avant mais qui mérite l’attention. Une authenticité, une sincérité s’en dégage. Sans présomption, sans sur-mixage, juste le parfait équilibre. Les musiciens nous attirent dans leur neurasthénie sans jamais nous obliger à nous laisser tomber dans les eaux épaisses et crades de ce port sinistré. La balade se fait d’elle-même, lentement bien que de (trop) courte durée, nous y suivons du regard le lointain évoluant vers la nuit pendant que la pluie perle sur notre visage.
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