La théorie de la diffusion de l'innovation de Rogers, expliquant comment elle évolue du stade de simple invention à véritable révolution dans la société, repose sur plusieurs critères complexes dont l'un des primordiaux est la compatibilité avec les normes de l'époque. Tout en relativisant à sa juste valeur ce rapprochement, on peut voir en ce premier album de
Wrathchild America une démonstration de ce principe et de l'effet que peut avoir sur la réussite d'un album la date à laquelle il est venu à sortir.
Et à ce petit jeu là, "Climbin' the Walls" m'a toujours fait penser à "
Obnoxious" d'
Acid Reign.
Outre la couleur rose dans le dos de la pochette qui personnifie cette ressemblance et une nonchalance de façade façon
Anthrax qui la précise, la convergence est un peu plus précise que simplement visuelle. Tous deux, malgré une qualité indéniable, connurent un succès plus que mitigé car sortis beaucoup trop tard dans la glorieuse époque thrashy par rapport à leur dose d'intensité.
En effet, dans les deux cas, on se retrouve avec un thrash tout sauf agressif. On est bien loin des méfaits de
Possessed,
Slayer ou autre Infernäl
Majesty. Alors, en général, le seul moyen restant consiste en un humour sans prise de tête, une fois encore proche d'un
Anthrax. Là non plus, ni l'un ni l'autre ne prendra pas cette voie, préférant la voie d'une originalité ô combien intéressante mais pas forcément facile d'accès. Ceci expliquant cela, le résultat était finalement prévisible...
Au final, l'album britannique sonna le glas du groupe, tandis que l'album des américains de Martinsburg ne pérennisa pas le nom du groupe, déjà auparavant modifié pour des raisons légales, au point que les membres finiront plus tard changer de direction et encore une fois de dénomination, pour devenir les déjà plus célèbres
Souls At Zero.
Pour en finir avec la comparaison, "Climbin' the Walls" reste un poil plus technique que son homologue insulaire. Car en effet, en laissant les britanniques là où ils sont,
Wrathchild America, c'est du thrash bluesy, rythmé et inspiré, riche d'influences diverses dont
Anthrax déjà cité mais aussi
Metallica ou encore Pink Floyd (mais ça c'est évident, "Time" est une cover) condensé dans un ensemble modeste et sérieux.
Car, et c'est peut-être là le vrai problème,
Wrathchild America est une histoire de ressemblances parfois d'une évidence déconcertante. Il suffit d'écouter le titre introductif et éponyme pour s'en rendre compte. Cette façon de chanter rapide et saccadé, alternance de vélocité et de pauses, rappelle la version des Four Horsement du classique "
Stone Cold Crazy". Ou encore, comment ne pas voir dans la première partie de "
London After Midnight" la montée en puissance d'une épopée digne d'un "
Orion"? Même "No Deposit,
No Return" n'aurait pas volé sa place dans le loufoque "State Of Euphoria" des moshers new-yorkais, avec sa légère rythmique entraînante et son refrain chanté en chœur.
Toutefois, il ne faut pas limiter le boulot de ces mecs de Baltimore à une simple synthèse bien construite de leurs diverses inspirations. Rien que le dernier titre évoqué, entrecoupé d'une lente mélodie lancinante, démontre d'une originalité qui leur revient à eux seuls.
Plus probant encore, l'instru "Hernia" est un thrash progressif déconstruit de façon très jazzy avec des consonances blues grâce à un petit jeu de basse bien sympathique, où seule la batterie fait office de régulateur dans son maintien de la cadence. Il faut également mettre en avant l'interlude du très varié "Candy From A Madman" et encore ce travail de la basse et ses légères rythmiques exotiques pour un rendu global qu'on pourrait presque appeler fusion.
Sinon, les gars du Maryland aiment à faire évoluer alternativement les riffs thrash dans du mid-tempo; déjà dans le morceau sus-cité mais surtout avec le suivant, "
Silent Darkness", autorisant ainsi de plus grandes libertés, notamment concernant la batterie, pour s'essayer à des prestations plus techniques; et sur une base plus intense avec les cavalcades cadencées de "Day Of The
Thunder" et surtout du plus impitoyable "
Hell's
Gate".
En conclusion, ce "Climbin' the Walls" est d'une douceur dont il ne faut pas se fier.
Plus qu'une synthèse, il est une interprétation personnelle ou même une sublimation de tout le bagage musical de référence du groupe, dont les signes transpirent dans une multitude de détails apparents et dans lesquels résident le véritable charme de cet opus. Il est au final assez révélateur des modifications futures qu'apporteront les 90's sur le thrash, délaissant quelque peu l'intensité extrême, qui sera alors l'apanage du death, pour une musique plus lunatique, imprévisible et donc inévitablement plus technique.
Tiens? je n'avais pas fait spécialement le lien avec Waters, mais maintenant que tu le dis, ça tient la route.
Sinon, j'ai appelé blues ce que toi tu nommes rock'n'roll, je pense que l'idée est la même, non?
J'espère que tu apprécies ton écoute. Enjoy!
Jolie pochette signée Edward J. Repka.
Si Wrathchild America avait accéléré la cadence on aurait pu définir sa musique comme du Techno-Thrash Metal. Malheureusement le groupe s'obstine interpréter ses morceaux (plutôt techniques) sur un tempo peu rapide, ce qui atténue leur impact et fait de "Climbin' The Walls" (1989) un disque moyennement attractif.En fait Wrathchild America me fait penser au propriétaire d'une Bugatti qui se contenterait de rouler à 70 kilomètres/heures sur l'autoroute alors que son bolide (et le code de la route) lui permet d'aller jusqu'à 130 !
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