Le doom symphonique, vous connaissez ? En voilà une étiquette racoleuse ! Je ne parle pas de doom gothique à claviers ou de heavy doom avec quelques samples ou orchestrations, non, non. Je vous parle d’un alliage inédit entre la grandiloquence symphonique d’un
Dimmu Borgir et le côté suffocant du funeral doom. Alléchant, hein ? Intéressés ? Alors lisez la suite, vous ne le regretterez pas.
A en juger par sa discographie peu fournie, on pourrait croire qu’
Abyssic est un nouveau venu sur la scène norvégienne. Que nenni. Le groupe, alors baptisé
Abyssic Dreams, voit en fait le jour dès 1997 sous l’impulsion de Memnoch et d’Athera, mais sombre définitivement dans l’oubli après une démo deux titres anonymes, les musiciens préférant se consacrer à leur formation principale,
Susperia.
Comme dans le petit monde du doom, on n’est jamais trop pressé, ce n’est finalement qu’en
2012 que Memnoch décide de tirer
Abyssic de sa longue hibernation, inspiré par sa rencontre avec Andre Aaslie, officiant alors chez
Gromth. Bonne pioche. La rencontre des deux briscards, bientôt épaulés par Elvorn à la guitare et Asgeir Mickelson officiant également à la six cordes ainsi qu’à la batterie, va donner lieu à l’un des enregistrements doom les plus grandioses et envoûtants de ces dernières années.
A
Funeral Elegy commence sur un riff lourd et un rythme marqué, avec cette batterie particulièrement véloce pour le style, appuyés par des cuivres retentissants et majestueux gonflés d’emphase. Un petit pont acoustique mêlant guitares et clavier plaintif, et le titre décolle, envoyant un funeral doom épique, puissant, écrasant et émotionnel ponctué d’envolées lyriques portées par des orchestrations virevoltantes. Ces 12,37 minutes alternent avec des passages plus intimistes et émotionnels où l’instrumentation metal laisse entièrement la place à un ensemble cordes/claviers subtile. Le titre se termine d’ailleurs sur une note particulièrement éthérée, avec ces chœurs évanescents, ces mêmes claviers du début aux sonorités monocordes et tristes, ainsi que quelques cordes imprimant un rythme léger qui vient expirer en un fade out parfaitement maîtrisé.
La voix de Memnoch est vraiment sépulcrale, extrêmement grave et profonde, enveloppant la musique d’
Abyssic dans un linceul de beauté et de noblesse immaculé qui lui confère une solennité et une majesté palpables. Le titre éponyme, long de plus de 28 minutes, prend le meilleur du funeral doom, et y injecte des parties orchestrales parfaitement à leur place qui magnifient la musique. Les claviers, esquissant ce leitmotiv presque psychédélique, et tournant en une boucle insane dans notre cerveau hébété, apporte une légèreté impalpable à l’ensemble, un peu à l’instar d’un Shape of
Despair, malgré la pesanteur suffocante du tout. Sur ce long morceau, Andre Aaslie intervient avec ses vocaux black criards et extrêmement agressifs, donnant la réplique au guttural de Memnoch en une sorte de duel titanesque de toute beauté, le tout dessinant une grande fresque épique, mettant en scène un tableau lent, inéluctable et grandiose.
Durant ces quatre pièces grandiloquentes, l’instrumentation metal se fond et alterne avec une contrebasse tour à tour plaintive et grondante, des cuivres menaçants et austères, un piano mélancolique, un ensemble varié de cordes sensibles et virevoltantes, des claviers aériens et des orgues funèbres qui nous ballotent d’une émotion à l’autre, suspendant définitivement ces 79 minutes entre Ciel et Terre. Des abysses oui, mais plutôt que l’engloutissement dans un gouffre noir, béant et sans fond, on vit plus une descente dans ces profondeurs inconnues avec une sorte d’exaltation mêlée de craintes. Là , dans le cœur de ces entrailles encore inexplorées, dans chaque recoin d’ombre menaçant brille la lueur excitante d’un trésor caché, et chaque minute de pérégrination dans ces boyaux souterrains compte son lot de découvertes et nous rend à la fois plus fort et plus serein.
A
Winter’s Tale est donc une perle de doom funéraire philarmonique (!) de toute beauté qui propose une sorte de voyage initiatique intemporel déchiré entre fragilité et puissance. Voici un premier album incontournable qui ne pourra pas laisser insensibles les amateurs de musique lente, onirique, épique et symphonique. Jules Vernes l’avait déjà pressenti et écrit, et voilà que 150 ans plus tard,
Abyssic nous l’offre avec une générosité et un talent hors normes: bienvenus au centre de la Terre…
Belle chro qui donne sacrément envie d'écouter cet album. Je vais m'y pencher sérieusement, aller écouter ça sur youtube pour le faire une idée. En plus pour moi un des seuls groupes qui arrivait à mélanger orchestration et classique dans le métal , c'est Haggard, ou même théâtre of tragedy. Ça me titille ma curiosité.
Merci pour le papier et la découverte.
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