Il est beau, le monde des petits groupes pas très connus. Le public et les chroniqueurs sont indulgents, à cause du manque de moyens, et tout le monde est content. Oui, mais ça ne marche pas tout le temps comme ça. Arrivé un moment, on demande quand même un minimum de qualité, qu'il y ait un minimum de sérieux et de travail fourni. La maîtrise des instruments et du chant compte pour beaucoup, de même qu'une certaine recherche musicale. Si ces conditions ne sont pas remplies, alors le chroniqueur est pas content. Et quand le chroniqueur n'est pas content, il se défoule. Et là je suis pas content, grave.
Elder's Tales est formé en 2010, en région parisienne, et composé de six musiciens débutants, pour un line-up assez classique. Le groupe s'oriente donc vers un heavy metal mélodique, inspiré aussi bien par la scène power européenne que par la scène progressive. Les inspirations sont d'ailleurs assez bien digérées, et pas régurgitées telles qu'elles comme on le voit parfois. De ce point de vue-là, on remarque un réel effort pour se démarquer et chercher sa personnalité. Mais encore faut-il que celle-ci soit correctement mise en valeur ...
Car tout effort peut presque être considéré comme vain lorsque l'on tombe sur une interprétation de ce niveau. Pour faire rapide, deux choses clochent quant à l'interprétation de cette démo, deux choses qui ne doivent absolument pas se reproduire si le groupe veut un minimum de soupçon d'esquisse d'avenir : la production et le chant. D'abord pour la production (je commence par le meilleur) : c'est quasi-catastrophique. Je dis bien quasi, histoire de garder une marge de manœuvre pour pouvoir parler du chant. Le son est faiblard, c'est mou, les guitares sont comme empâtées dans une grosse gelée gluante qui leur empêche tout mouvement, et la batterie paraît avoir été construite en papier mâché - je ne vois pas d'autre explication possible.
Mais qu'est-ce qui ressort donc avec cette production alors ? Les claviers et le chant, qui occupent presque tout l'espace sonore. Pour ce qui est des claviers, ils sonnent simplement comme dans beaucoup de groupes mélodico-symphoniques actuels, donc très kitsch. Le chant est effectivement bien mis en avant dans le mix, mais bon, vu comment il est maîtrisé, on aurait peut-être voulu l'entendre un peu moins ...
Ah ! On me signale dans l'oreillette que j'ai oublié de parler du son de la basse ! Comment ça il y a une basse ? Y'en a vraiment une ? Bah oui, il semblerait bien, il y a marqué que le line-up comprend un bassiste. C'est gentil de le dire, parce que je ne l'aurais pas entendu tout seul ...
Mais venons-en au chant, et il y a de quoi dire ; de quoi dire du mal surtout. Et oui, si la production pourrait être supportable (le verbe est au conditionnel, je ne tiens pas à m'engager), le chant ne l'est pas du tout. Moi chantant sous la douche, le résultat aurait été le même.
Sérieusement, le chanteur a d'énormes progrès à faire s'il veut continuer à chanter, ou alors il apprend à jouer d'un instrument, il y aura peut-être moins de boulot ... Les aiguës ne sont pas du tout maîtrisés, le chanteur s'imagine atteindre des sommets avec sa voix, alors qu'il n'en a tout simplement pas les capacités. On ne pars pas à l'ascension de l'Everest quand on est en tongs, c'est comme ça. Dans ce cas-là, si on ne sait pas chanter aigu, on ne le fait pas, un point c'est tout. Mais les notes moyennes et graves ne sont pas bonnes non plus, et c'est régulièrement qu'on a droit à quelques passages faux ; en témoigne le début de The Son of a Crow, vraiment désagréable à l'oreille.
Mais malgré ces défauts majeurs, les compositions tiennent-elles quand même la route ? Ni oui ni non ; ce qui équivaut à un compliment quand on regarde tous les défauts dont souffre cette démo. Tout d'abord, l'introduction est-elle réellement nécessaire ici ? Pour un album complet je veux bien, mais pour une démo ? Surtout si c'est pour balancer des bruitages d'orage bien classiques, et une voix qui se veut mystérieuse et qui n'arrive qu'à être grotesque quand on a terminé l'écoute. Reste que les arrangements symphoniques sont plutôt intéressants, ainsi que sur Borderline dans la foulée.
Le seul et unique intérêt de Borderline d'ailleurs, parce que si on compte sur le solo pour rattraper le coup, c'est pas gagné : la guitare n'a aucune mélodie, pas de technique particulière, c'est vide. Ce sont ces mêmes arrangements un peu kitsch qui donneront un peu d'intérêt à The Son of a Crow, qui sinon se retrouve bien plombé par le chant.
On retiendra néanmoins d'intéressantes mélodies un peu sombres, un brin plus recherchées sur The Galleon of Creedence.
Black Sun réussit aussi à aguicher une oreille décidément en mal de bonnes mélodies. Ce morceau un peu speed passe relativement bien (tout est relatif, hein !) en faisant abstraction d'un chant faussement lancinant mais réellement poussif. Le solo de guitare est plutôt correct, bien mélodique, mais beaucoup trop court pour que ce soit vraiment intéressant.
Ce qu'il ressort de cette démo ? Du boulot. Oui, il va y avoir du boulot pour rattraper tout ça, quitte à virer le chanteur et le producteur (avec un peu de chance c'est la même personne), mais il ne faut absolument pas que cela se reproduise ! Parce qu'aujourd'hui j'ai eu le courage d'écouter ça, mais si les trente premières secondes d'un futur album ressemblent un tant soit peu à cette démo-catastrophe, c'est poubelle direct. Et encore je ne suis pas sûr que ce soit recyclable. Le manque de moyens n'est absolument pas une excuse pour justifier les défauts dont souffre
A Dreamer's Phantasy. Beaucoup de groupes s'en sortent convenablement avec très peu d'argent, et font de réels efforts pour proposer une musique digne de ce nom. On remarque toutefois la gentillesse du groupe de proposer en téléchargement légal sur Jamendo leur démo gratuite. Ça tombe bien, gratuite, cette chronique l'est aussi.
... :D
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