Voici une entrevue oubliée d'avec
Beherit réalisée par le magazine
Thrash, édition de juin 1992. Elle figure sans doute parmi les toutes premières entrevues de groupes de la "Seconde vague" de Black Metal.
L'image qui accompagnait l'entrevue :
La crainte devant l'émergence d'un Black Metal dont les paroles se voudraient des actes, semble encore assez vivace... bien que souvent camouflée derrière un mépris affiché pour tous les groupes se revendiquant de ce genre. L'un des groupes les plus sombres, les plus méchants et - paraît-il - les plus sataniques nous vient de Finlande : BEHERIT. Bien que leur premier album The Oath OF Black Blood n'ait récolté partout que des réactions de dérision et de mépris (la mienne y compris), il a malgré cela, ou peut-être à cause de cela, rencontré un certain succès. Un groupe que l'on pourrait donc qualifier de culte.
En ce qui me concerne, mon opinion sur Beherit a commencé à évoluer lorsque je me suis souvenu à quel point m'avaient paru incongrus d'abord, et passionants ensuite, les premiers disques de Bathory. C'est la même impression que j'ai aujourd'hui avec Beherit.
C'est ainsi que je me suis fait mettre en relation via des intermédiaires obscurs, avec le maître à penser de Beherit, le dénommé Nuclear Holocausto Vengeance. Celui-ci m'a obligeamment éclairé de sa voix enrouée, profonde et sinistre, sur les points d'ombre de l'histoire de ce groupe fondé en 1989. Cependant la communication avec ce disciple du Malin s'est avérée un tantinet difficile, puisque ce garçon ne parle pas excessivement bien la vulgate des temps modernes, l'anglais. Mais quand je commençai à lui expliquer mes réserves à l'encontre de The Oath OF Black Blood, il est tout de suite devenu plus loquace... Nuclear Holocausto Vengeance (N.H.C.) : Je déteste ce disque ! Il est pourri, nous n'avions jamais l'intention de le sortir. Il s'agit de morceaux tirés de notre démo DEMONOMANCY, et notre maison de disques,
Turbo Music, a tout bonnement copié le contenu de cette cassette sur disque compact. Alors que je ne leur avais même pas envoyé la version mastérisée, sérieux... Maintenant le projet c'est de publier bientôt le premier véritable LP, qui sera bien meilleur, et que je sortirai sur mon propre label.
N.H.C. s'insurge également contre des propos qui assimilent Beherit à un groupe de Death Metal, pire : un groupe de Death Metal sataniste. N.H.C. : Le satanisme, ouais... il y a tellement de groupes qui s'imaginent qu'ils sont terriblement satanistes s'ils jouent du Death
Metal et arborent des croix inversées. Nous utilisons certains symboles satanistes, mais seulement parce qu'ils représentent le Mal. Nous sommes un groupe de Black
Metal, notre musique est sombre et haineuse, elle est rigoureusement archaïque. Quand je suis sur scène, ou quand nous sommes dehors dans la forêt, dans la solitude de la nature, c'est comme un voyage dans le temps de plusieurs siècles, quand l'homme devait encore lutter pour sa survie, quand il devait se montrer sans pitié et méchant pour ne pas périr. Même aujourd'hui c'est ainsi que je vis... Il y a beaucoup de gens qui nous attaquent à cause de ce que nous faisons, mais au final nous n'en sommes que plus forts.
En termes d'influences musicales, N.H.C. renvoie, il faudrait presque dire logiquement, aux premiers classiques du genre : Venom, les démos de Death, les premiers Slayer ; et aussi à des groupes plus exotiques comme les Brésiliens de Sarcofago et Vulcano, ainsi que vers les premiers disques de Sepultura.
Mon impression générale est que Beherit font presque figure d'anachronisme en cette année 1992... ou alors il faudrait reconnaître que le Black Metal n'est pas mort et qu'il se relève lentement, péniblement, mais sûrement. Un indice supplémentaire pourrait être le nouvel album de DARKTHRONE, 'A Blaze in the Northern Sky' : du pur Black Metal. Peut-on affirmer dès lors que le Black Metal classique est en train de renaître ? Voici ce qu'en pense notre Finlandais : N.H.C. : Le Black Metal n'est jamais mort ! Le truc c'est que malheureusement il y a un certain nombre de groupes qui, simplement parce que c'est à la mode, ont commencé à jouer du Death Metal. Avant, quand on a commencé avec Beherit, il y avait peut-être dix groupes de Death Metal ici en Finlande. Maintenant, il y en a plus de cent qui s'efforcent tous de sonner comme Morbid Angel ou Obituary... mais cela aussi passera.
On peut donc supposer que Beherit sont plus qu'un vulgaire groupe de Death Metal, notamment en matière de concerts. Comment se déroulent-ils ? N.H.C. : Nous essayons de transmettre autant que possible l'Esprit du Mal... Certaines personnes continuent d'être choquées quand nous montons sur scène avec nos visages peints en noir, hérissés de pics et de chaînes ; nous voulons les confronter à ce dont ils ont peur. Récemment, j'ai bu du sang sur scène... Notre but à terme est d'offrir un spectacle à la Venom, peut-être même quelque chose d'encore plus extrême. Avec beaucoup de pyrotechnique, d'explosions et de feu. Entre-temps, nous nous sommes tout à fait reconstitués, nous comptons quatre membres avec un claviériste permanent et un son vraiment très extrême.
[Fin de l'entrevue]
Conclusion de l'article
Peut-être pourra-t-on admirer Beherit sur scène dès juin / juillet. Jusqu'à présent toutefois, et pour des raisons assez évidentes, les groupes comme Beherit se voient confrontés à des obstacles considérables dans l'organisation de leurs concerts. Mais il est possible que cette fois la tournée annoncée par N.H.C. avec les satanistes canadiens de Blasphemy, le groupe floridien Acheron et les Suisses de Samaël devienne réalité.
Mon impression après cette entrevue est à peu près la suivante : Beherit se soucient très peu de ce que fabriquent les autres groupes ou de ce que pense d'eux la scène Metal en général, et ils sont engagés dans une démarche très personnelle et extrême. Personnellement tout ce tapage autour de groupes comme Beherit m'évoque assez clairement la satire. D'après les rares images du groupe qu'il m'a été donné de voir, ils ressemblent beaucoup à une version occulte de Gwar. Donc quelque chose de parfaitement ridicule en soi, mais aussi, je trouve, d'assez amusant. Et si tout cela devait se muer en culte, et que des gamins attardés en viennent à avaler des clous, ce sera sans doute un peu déplacé à mon avis, mais pas non plus une raison de s'énerver. À peine six mois plus tôt, Robert Müller [l'individu qui a réalisé cette entrevue] critiquait encore Beherit de la façon suivante :
citation :Ô Lucifer, tu n'as pas mérité cela. Alors que Beherit ont déjà acquis une réputation extraordinaire avec leur premier titre, voilà qu'ils remettent ça en format LP. "The Oath Of Black Blood" est une éruption sonore composée de trois notes de guitare à tout casser, qu'on a ensuite couchées par-dessus le tintamarre convulsif d'une batterie épileptique, le tout accompagné du toussotement d'un chanteur souffrant manifestement d'une coqueluche tenace. Si ce n'était pas aussi triste, et surtout s'il n'y avait pas autant de groupes vraiment doués qui n'auront jamais la chance d'enregsitrer un disque, on pourrait se rouler par terre tellement c'est ridicule : les mecs ne savent absolument pas jouer, comparés à eux Napalm Terror sont des virtuoses de première classe. Et il y a des gens qui achètent... C'est de la magie ! Peut-être que vous, chers lecteurs, ne devriez pas leur rendre ce service. Comme ça les collègues de Turbo Music réaliseront peut-être le disque d'un groupe vraiment méritant, peut-être même d'un groupe finlandais ? Amorphis ? Demigod ? Non ? Ah, ouais, euh... Ave Sathanas et tout ça... (Note : 1/10) |
Quant à Frank Albrecht, chroniqueur de
Rock Hard à la même époque...
citation :Ouais, les revoilà, mes amis finlandais de BEHERIT. La maison de disques a dit vrai : les mecs n'ont pas changé une note à leur son. En clair : c'est en vain qu'on cherche de la musique sur "The Oath Of Black Blood". Ce qui résonne dans nos oreilles est une espèce de... bruit indéfinissable. Les "musiciens" ne présentent pas le moindre signe de talent, les paroles sont incroyablement stupides, et en général il devrait être interdit de bousiller un vinyle avec ce genre de merde. Les amateurs auto-proclamés de zique underground qui trouvent que cette déjection sonore fleure bon la pâquerette, sont soit complètement malades, dans lequel cas il faudrait qu'ils aillent se faire soigner, soit ils s'imaginent apprécier ce genre de détritus pour ne pas avoir l'air de suivre une quelconque tendance. Si des groupes comme Beherit s'imposent, j'arrête d'écouter du Metal. 0,5/10, parce que la prod' est légèrement meilleure que sur le premier titre. |