Eternalis : 18/20 | Le propre de l’artiste ne serait-il pas l’évolution ? Quelle qu’elle soit ? Je préfère personnellement être déçu par une prise de risque que par la fainéantise artistique.
Pourtant, "Doomsday Machine" résonne souvent comme le faux pas dans la féconde discographie d’Arch Enemy alors qu’il représente son joyau selon moi. Il est pour moi la représentation la plus proche de l’apocalypse réalisée par les suédois, l’approche la plus cruelle et digne d’une torture auditive atteignant une dimension malsaine que les frères Amott et Angela Gossow n’avaient jamais ne serait-ce qu’effleurée.
L’introduction "Enter The Machine", froide et mélancolique débute parfaitement le disque, en instaurant dès le départ ce climat de peur et étouffant qui parcourra chaque souffle et chaque ligne de ce "Doomsday Machine", tout en alignant un splendide (très beau) soli au tapping à la fin proche des débuts de Maiden ("Transylvania" pour ne citer qu’elle !).
L’assommant "Taking Back My Soul", au riff écrasant et aux vocaux schizophréniques d’Angela arrache les tripes avec une détermination et une émotion incroyable. Un monstre sonore et technique, les solos s’enchainent dans une démence totalement maitrisée et d’une précision d’horlogerie pour toujours faire froid dans le dos au pire moment, ou impressionner à l’instant le plus opportun. Si "Anthem of Rebellion" souffrait selon moi d’une trop grande rigidité (aucune émotion, trop plat !), "Doomsday Machine" est une plongée dans l’enfer mécanique d’un monde en perdition face à des technologies de plus en plus présentes. Un soupçon d’humanité dans une existence machinale, ceci expliquant la plus grande place accordée aux mid tempo dérangeants et à l’entrée remarquée (et critiquée !) des effets dans la voix d’Angela, lui conférant pour moi encore plus de noirceur (moins catchy mais ce n’est pas ce que je recherche dans le metal extrême) et d’élitisme, surplombant le reste de la scène.
Comment ne pas frissonner face au premier riff de "Carry The Cross", lent mais sinueux, transperçant votre corps pour vous trancher les veines. Un refrain dominateur et martial, certes différent de l’impact d’un "Dead No Future See No Future" mais tellement supérieur émotionnellement. Une lenteur permettant de poser une atmosphère lancinante et infernale, se dégageant par exemple particulièrement d’un "My Apocalypse" très atmosphérique au long break acoustique et magnifique (quel solo).
Résolument malsain, "Doomsday Machine" n’oublie quelques incartades plus typiquement brutal comme sur "I Am Legend / Out For Blood" qui, s’il propose le titre le moins intéressant de l’album dans sa première partie (ni accrocheuse ni violente), fini au blast d’une furie relativement rare pour Daniel Erlandsson, que Dimmu Borgir aurait probablement pu composer.
La production, fine, tranchante, glaciale et d’une précision incommensurable remplie parfaitement son rôle. Elle ne possède ni la propreté d’"Anthem of Rebellion" ni la sauvagerie de "Rise of the Tyrant", elle se rapproche notamment beaucoup de celle de "The Godless Endeavore de Nevermore (produit à la même époque), démontrant tout l’apport d’Andy Sneap à l’album qui possède le meilleur son possible pour ce genre de musique, en fin de compte loin de heavy death mélodique de base. Il suffit d’écouter le démentiel instrumental "Hybrids Of Steel" pour le juger, aussi fouillé qu’intéressant qui, bien que tranchant avec le reste (très Vai dans les mélodies !) fourmille de tant de détails que le musicien ne peut qu’être abasourdi par cette avalanche de musicalité et de notes (ne serait-ce pas l’opus le plus technique du combo ?).
Le chapitre concluant cette œuvre se voudra parfaitement représentative d’un final : apocalyptique, infernal et sentant la fin (je ne saurais l’expliquer plus précisément). Dès les premières notes de "Slaves Of Yesterday", dès cette descente de toms, on sait pertinemment que la fin se joue ici et maintenant, dans cet univers chaotique de violence. Les nombreuses pistes de guitares regorgent de chorus tous plus pervers les uns que les autres (certains n’apparaissant que quelques secondes mais créant un saisissement total). Le chant d’Angela se fait abyssal, inhumain, et cruel, pour nous ancrer toujours plus loin dans ces ténèbres métalliques (j’utilise ce terme car il est inhérent autant dans la musique que dans le concept de l’album).
Un album immense, au potentiel technique hallucinant (les riffs de "Nemesis" seront parmi les rythmiques les plus difficiles à jouer qu'il me soit donné d'entendre!) dont l’éclat noir reflète encore dans les tréfonds de la nuit, une nuit s’annonçant aussi insoutenable que sans fin…
2009-01-29 00:00:00
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