TOOL
LATERALUS (Album)
2001, Volcano




MercuryShadow : 19/20
Sept secondes de silence. Puis les instruments entrent dans la danse, tissant un mur de son compact, étouffant, glacé. La voix arrive enfin, tout à la fois incantation, menace, murmure et prière. Vous venez d'entamer l'écoute de "Lateralus", et autant vous prévenir, vous n'en ressortirez pas indemnes.

Cet album, qui succède au très encensé "Aenima", constitue pour moi le sommet de la carrière de ce groupe ô combien atypique qu'est Tool. Plus difficile d'accès que son prédécesseur, il est aussi plus complet, plus maîtrisé, car il ne s'égare jamais de sa ligne directrice et vous tient en haleine tout au long de ses soixante-dix minutes.
"Lateralus" est un album très long, au son froid et assez synthétique, qui s'articule autour de pièces musicales allant de six à dix minutes et séparées par de courtes plages de transition. Les schémas qui sous-tendent les compositions échappent à toute analyse logique, rendant la mémorisation des structures et des morceaux des plus ardues. Autrement dit, on n'aborde pas ce disque comme un album de punk ; ici, rien n'est immédiat, et ce n'est qu'au fil des écoutes que l'on finit par apprécier pleinement toutes les richesses de cette oeuvre.

L'auditeur attentif et curieux, qui fera l'effort de prendre quelques heures de son temps pour se passer "Lateralus" au casque, dans le calme le plus absolu, sera récompensé au centuple car il découvrira une oeuvre d'art finement ciselée, où rien n'est laissé au hasard, où chaque élément trouve sa place dans un foisonnement parfois incroyable mais toujours cohérent. Cet album est un grand huit musical, servi par des musiciens en état de grâce, qui couvre quasiment l'intégralité du spectre metal. Tour à tour extrêmement violent ("Ticks & Leeches") ou d'une touchante fragilité ("The Patient), accrocheur ("Schism") ou hermétique ("Lateralis"), voire franchement barré et incompréhensible ("Triad"), rarement un disque aura exploré autant de facettes différentes sans pour autant dévier de son propos. Attention, je ne parle pas de violence tel qu'un fan de death pourrait l'entendre, mais d'une violence retenue, maîtrisée, sourde, et donc extrêmement inquiétante, qui résonne au plus profond de nous sans jamais exploser. Et lorsque la voix se fait caresse ou murmure, la tension ne baisse pas pour autant puisqu'il est impossible de prévoir ce qui nous attend dans quelques secondes... A ce titre, l'enchaînement "Parabol"/"Parabola" est le point d'orgue de l'ensemble; le premier morceau n'est qu'une lancinante montée en puissance, tendue vers un seul but : l'explosion qui arrive avec la seconde partie, qui vous prend aux tripes et vous laisse pantelant.
"Lateralus" est une boule noire, constamment en mouvement, qui se dérobe à chaque fois que vous croyiez pouvoir la saisir totalement ; et loin de frustrer son auditeur, ce caractère changeant et versatile ne fait qu'attiser le désir de s'y plonger à nouveau pour retenter une expérience toujours nouvelle et enrichissante. Rarement le terme trop souvent galvaudé de chef-d'oeuvre aura été à ce point mérité.

Pour conclure, permettez-moi de citer le chroniqueur de Kerrang (UK) qui avait eu la lourde tâche de chroniquer ce disque lors de sa sortie, ce qui est toujours difficile lorsqu'il s'agit d'albums nécessitant de nombreuses écoutes avant de se dévoiler : "Lateralus is not just one of the greatest records you'll listen this year, it's one of the greatest records you'll listen in your lifetime". Tout est dit.

2007-04-16 00:00:00


bojart
Une certaine appréhension m’a gagné à l’idée de chroniquer mon second album de metal progressif. Ce magnifique style musical, qui peut à la fois être alternatif et technique (Opeth, Amorphis), imprévisible (Dream Theater), surprenant et harmonieux (Porcupine Tree, Angra) ou bien complètement fou (Devin Townsend). Mais s'est-on déjà posé la question de l’accessibilité de ce genre extraordinaire qu’est le metal progressif ? A mon humble avis(Et celui de Yoda,parait-t-il), Tool est l’un des groupes les plus accessibles et les moins sophistiqués (Ce qui dans ma bouche n’est point injurieux). Lateralus est le cinquième album du groupe américain. Il sortit en 2001…

De la ligne de basse soyeuse qui s’en va pour mieux revenir sur le rythme des tambours ; De l’indiscrète guitare et de l’intrépide oud qui donne un penchant mystique aux premières minutes de « Reflection ». Tout dans ce morceau respire le retour de l’homme à ses racines : la planète Terre donc la faune et la flore. Plus de consumérisme fasciste ! Finie l’autocratie du temps ! Pendant ces onze minutes de liberté retrouvée, Maynard James Keenan, le chanteur talentueux du groupe alternatif A Perfect Circle, chante au travers d’un filtre rendant sa voix maladive et mal assurée… comme une seconde naissance, une seconde chance pour enfin comprendre que l’homme est un animal avant tout, bien que devenu une machine biologique atteinte d’un sérieux complexe de supériorité. Le titre s’achève, le naturel s’envole de par des guitares et des percussions mettant un terme à ce sublime retour aux sources. Le titre éponyme est le titre le plus représentatif de l’ascendant de la batterie, en particulier des cymbales et du combo grosses caisses/tambours, sur l’album dans son ensemble. Le chant de Maynard s’efface avec révérence au contact de l’instrument massif de Danny Carey (également batteur hardeux de Pigmy Love Circus) qui enveloppe, habille puis déshabille chacune des treize chansons de l’album.

Ouvert par un riff des plus enchanteurs et un joli duo de grattes, « Disposition » est un morceau fragile où un Maynard à fleur de peau, comme à son habitude, chantonne et murmure alors que la batterie, arme principale de Tool, commence à s’activer sous la direction des baguettes et des pieds d’un grand Dan’. Les instruments sont tous en symbiose avec le chanteur, ce qui donne un superbe moment de musique rebelle, et ce, jusque la fin du titre. Continuons avec mon coup de cœur, « The Grudge », qui m’a particulièrement marqué par sa composition dans laquelle basse, percussions et guitares s’associent pour une rythmique tribale pleine de charme sauvage, voire animal ! On entend Maynard qui enfin crie et se donne à son maximum sur une production typique de Tool : les percus et tambours dominent la guitare d’Adam Jones avant de s’évanouir pour mieux porter son solo grâce aux coups de boutoir tous azimuts des tambours et de la double-pédale frappant sèchement la grosse caisse. Un cri inhumain déchire l’instrumental afin de laisser la place à un épilogue enjoint par un solo de batterie et un doux râle de guitare…

Pour « The Patient », tout commence par un riff de 6-cordes discret et serein… Des vocaux empreints de tristesse viennent alors donner du corps à ce qui semble être une ballade… Mais une ballade enlevée, je vous préviens ! Musicalement décoiffante, cette compo reste mélodique vocalement. La guitare d’Adam s’affirme presque avec violence alors que les cymbales résonnent au loin, comme de froids carillons… Reprend alors un combat, un vrai pugilat dirais-je ! Entre guitares et tambours, entre instruments à cordes et instruments à percussions. Puis un solo de guitare plutôt réussi accompagne Maynard dans ses envolées lyriques s’arrêtant net pour que l’omnipotente batterie vienne clore ce titre impressionnant d’hétérogénéité et de tempérament… Un grand morceau que « The Grudge ».

Un grand album de metal progressif. Mon conseil : si vous ne connaissez pas le merveilleux Infinity de Devin Townsend, expérimental mais extrêmement accessible, procurez-vous ce classique qu’est et que restera Lateralus.

Bj

2010-05-08 00:00:00