SYMPHONITY
KING OF PERSIA (Album)
2016, Limb Music Products




LeLoupArctique : 16/20
Toute personne fan de power metal et un minimum curieuse se doit de connaître, au moins de nom, la maison de disque allemande Limb Music. Entre grosso modo 1995 et 2005, loin des poids lourds du secteur Nuclear Blast et Noise International à l'époque, le petit label hambourgeois a permis l'émergence de nombreux groupes talentueux et de faire vivre toute une scène européenne en pleine effervescence. C'est à Limb Music que l'on doit, entre autres, les premiers Rhapsody, quelques éditions d'Angra, les débuts de Pagan's Mind, ou encore les albums solo de Luca Turilli. Mais aussi des noms souvent injustement retombés dans l'oubli, à l'instar des Kenziner, Double Dealer, ou encore Ivory Tower. Pendant une bonne dizaine d'années, correspondant à l'essor de ce qu'on appelle tantôt power metal européen ou speed mélodique, la maison Limb a été synonyme de musique de qualité, écoulant par palettes des disques qui ont fait le bonheur de toute une génération de métalleux. Ces dernières années n'ont pas été particulièrement réjouissantes pour Limb Music, qui s'est mis à proposer des productions de bien moins bonne qualité, en subissant une nette perte de notoriété, à quelques exceptions près.

Je vais éviter de tomber dans la nostalgie de cette époque merveilleuse et révolue – que j'ai d'ailleurs très peu connue – et plutôt faire le lien avec l'album qui nous intéresse ici, et le groupe qui en est l'auteur, Symphonity. En 2008, le groupe tchèque sortait subitement de l'obscurité, avec son premier album « Voice from the Silence », qui avait réussi le double pari de signer chez Limb, et de recruter au chant Olaf Hayer, connu pour son énorme prestation sur le « Prophet of the Last Eclipse » de Luca Turilli. Cet opus donnait dans le power mélodique caractéristique de l'Europe de l'Est, à savoir dynamique et incisif pour les bons côtés, mais parfois plus (trop) mielleux et doucereux.

Mais alors qu'après cet unique succès éclair, ni le groupe, ni le label, ni Olaf Hayer n'ont fait parler d'eux, les plus avertis d'entre nous ont capté la nouvelle cet été : un nouvel album est en préparation. La galette est désormais entre nos mains, sortie fin septembre chez cette fameuse maison de disque, et dotée d'un bel artwork assez simpliste, qui n'aurait pas fait tâche dix ou quinze ans auparavant. On remarque avec plaisir que Olaf Hayer fait toujours partie de la bande, et qu'il est en plus secondé cette fois-ci par Herbie Langhans, autre chanteur allemand qui se révèle depuis quelques années (le dernier Seventh Avenue, Sinbreed, puis sa participation récente à Avantasia). En revanche, le combo a dû tristement faire face au décès du bassiste Tom Čelechovský, remplacé par Ronnie König.

Mais évoquons plus directement la musique qui compose ce deuxième album. Très vite, ce King of Persia nous ramène des années en arrière, quand la mode était à ce power metal frais, racé, au rythme et à l'air enjoué. « In the Name of God » donne le ton : des mélodies efficaces et chaleureuses, un chant puissant et un refrain qui te reste gravé dans le crâne. Clairement, Symphonity ne s'encombre pas d'artifices inutiles, ne cherche pas à se rendre plus progressif, mais joue des compositions simples et accrocheuses, sans tomber dans la banalité. Il n'y a plus qu'à se laisser emporter sans se prendre la tête.
Le magistral titre éponyme est évidemment l'un des moments forts de ce disque, affichant certes neuf minutes au compteur, mais sans faire dans le morceau à tiroirs pour autant. Les éléments orchestraux s'intègrent parfaitement, et la touche orientale est agréable. La voix rauque de Herbie Langhans sur ce titre rappelle d'ailleurs son passage dans le groupe iranien Whispers in Crimson. Il est en revanche curieux qu'avec un tel titre d'album, ce morceau soit le seul à contenir des sonorités arabisantes. « A Farewell That Wasn't Meant to Be » réussit plutôt bien l'exercice dangereux de la power ballade, avec une composition classique, mais à l'interprétation sans faille. Les « Unwelcome » et « Children of the Light » ravivent la flamme du passé avec vigueur, non sans évoquer Kenziner, avec ces guitares speed, ces claviers synthétiques et son chant rocailleux. Dommage de terminer sur « Out of this World » un instrumental dispensable, mais les chanceux possédant une édition limitée pourront apprécier le très bon titre bonus « Anyplace, Anywhere, Anytime », qui donne un lustre nouveau à la chanson du groupe pop allemand Nena.

Vous l'avez compris, Symphonity n'a pas inventé le fil à couper l'eau en poudre. Mais alors, qu'est-ce qui fait la différence ? La fiche technique de l'album nous apprend d'abord que le mix et le mastering sont réalisés par un duo de toujours, Sascha Paeth et Miro Rodenberg, qui offre un excellent rendu, très professionnel. Mais ce qui donne surtout à cet album autant de force c'est l'utilisation de deux très grands chanteurs, messieurs Olaf Hayer et Herbie Langhans. Ils alternent leurs talents sur la majeure partie de la setlist, mais la variété de leurs registres donne de la couleur et du charme à cet opus, qui fait qu'on s'en lasse beaucoup moins facilement. Herbie Langhans en particulier est magistral dans ces graves puissants dont lui seul a le secret.

King of Persia vient raviver le flambeau d'un power metal que l'on croyait éteint, enseveli à jamais sous des couches de nouvelle musique morne et fade. C'est aussi une bouffée d'air frais pour Limb Music qui, grâce à cet album, renoue un temps avec ce qui a fait son succès. Bien sûr, ce n'est pas ça qui fera avancer le genre, ni ne redonnera au power metal ses lettres de noblesse, mais ce n'est pas pour autant une raison de passer à côté de cette excellente offrande.

2016-11-10 01:05:15