Icare : 16/20 | Pour ceux qui suivent avec un tant soit peu d'intérêt la scène pagan black française, Bélénos est sans doute dèja bien connu, et fait même probablement office de groupe majeur et précurseur, au même titre qu' Aes Dana par exemple, et il y a fort à parier que n'importe quel vieux briscard adepte de métal, de nature et de paganisme et qui n'est pas rebuté par les sonorités celtiques connait déjà ce sublime Spicilège dans les moindres modulations de ses arpèges, de ses riffs épiques et de ses choeurs barbares.
Néanmoins, pour ceux qui se pencheraient depuis peu sur ce style grâce - ou à cause? - à l'engouement exponentiel et à la surreprésentation que les groupes qui se réclament de ce genre connaîssent depuis maintenant quelques années, une présentation de cette pièce maîtresse de la scène pagan black celtique s'impose.
Ici, on est très loin des Korpilaani, Turisas et autres Eluveitie, pour comprendre et apprécier pleinement l'essence de la musique de Bélénos, il est essentiel de se pencher sur ses racines résolument black. Alors que la tendance actuelle est au metal festif et épique (on parle désormais de troll-, de battle- ou même de pirate metal!) ou à la musique fade et sans âme que propose une flopée de pseudo groupes pagan folk metal, et qui se limite souvent à un mélange opportuniste et convenu d'instruments folk et de guitares distordues, Spicilège lance toutes ses nobles forces dans une bataille qui se divise en 7 hymnes guerriers, païens, épiques et violents, apaisés par deux interludes accoustiques et contemplatifs, sortes de repos du guerrier qui panse ses blessures encore humides et se prépare déjà à la fureur des batailles à venir.
Ces neuf chansons raisonnent définitivement comme un écho fier et nostalgique du passé, hommage à un peuple rude et guerrier, à ses rites païens et à ses dieux oubliés. A l'écoute de ces 45 minutes, on est transporté sur les terres sacrées gorgées des libations et du sang des frères tombés au combat, on se retrouve dans les forêts celtiques mystérieuses où les druides invoquent les esprits, et devant nos yeux voilés par la brume du temps se dessine une fresque grandiose et épique faite de combats, de victoires, de morts, de douleurs, d'incantations et de prières.
A travers ces riffs saturés, tour à tour épiques, violents, calmes et mélancoliques, à travers cette voix sépulcrale et lointaine semblant émaner des tréfonds de la terre, là où les glorieux ancêtres reposent l'épée à la main en un tas de poussière grise, à travers cette batterie frénétique et martiale qui rappelle les tambours de la guerre, à travers ces clameurs guerrières qui recouvrent le bruit de la bataille, on se prend à rêver aux vestiges d'un temps lointain où l'homme, la Nature et les esprits partageaiant une même terre, fière et sauvage. Puis, l'instant d'après, ces arpèges placides aux consonnaces mystiques et presque oniriques, ces choeurs graves et lugubres, ces percussions étouffées et sourdes, lentes pulsations d'un couer à l'agonie, nous poussent à une méditation sur la place de l'Homme et de la Nature, du Mortel et du Sacré, et nous amènent sur le seuil d'un voyage spirituel, sorte de parcours initiatique douloureux effectué par le fer et le sang, la prière et l'introspection, élevant l'âme jusqu'aux demeures des dieux immortels, ou précipitant le corps dans les entrailles fumantes de la terre.
Vous l'aurez compris, ce Spicilège est intemporel et magique. Malgré quelques détails qui pourraient irriter les plus exigeants ( une batterie trop mise en avant et qui se laisse parfois aller à des blasts intempestifs, une piteuse orthographe aussi malmenée que la batterie de Marc Devillers, et des morceaux qui, quoique excellents, ont tout de même une certaine tendance à se répéter), on a affaire ici à un chef-d'oeuvre du genre, qui donne toute sa noblesse au pagan black français.
Respirant la sincérité et la passion, voici une oeuvre vibrante d'émotions à l'aura quasi mystique qui contrebalance avec panache cette mode éphémère de nouveaux groupes folk et pagan sans originalité et à la quête d'une identité. A savourer sans modération.
2009-11-23 00:00:00
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