Matai : 18/20 | En cette année 1996, qui aurait cru un jour que les blackeux de Samael changeraient d’orientation musicale après avoir sorti trois albums de black pur et dur...
On s’en était vaguement douté avec l’arrivée de l’EP « Rebellion », où les claviers commençaient à peine à prendre de l’importance, mais avec « Passage » c’est décidé : cet instrument fera partie de la musique.
« Passage » porte décidément bien son nom. C’est le Passage du groupe vers une musique plus sombre et mélodique, le Passage vers quelque chose de plus artistique et recherché, le Passage vers une orientation musicale un peu plus industrielle, le Passage vers une musique plus magistrale qu’elle ne l’a jamais été.
« Passage » peut aussi être une symbolique en rapport avec la lune, qui orne la pochette très cosmique de l’album : les différentes phases du satellite, passant d’une pleine lune à un croissant, ou une nouvelle lune, bref, encore des Passages…
Ceci dit, l’intégration de claviers pourrait signifier qu’un autre membre pourrait intégrer le combo, et bien pas du tout. Le groupe reste à trois, Vorph au chant et à la guitare, Mas à la basse, mais Xy, lui, se décharge, on peut dire, de sa batterie pour la remplacer par une boîte à rythme, afin de mieux prendre le contrôle de ses claviers. C’est que ça nous fait deux changements majeurs alors. J’avoue qu’à la première écoute, la batterie électronique peut faire un drôle d’effet, les battements partant un peu dans tous les sens ou étant un peu trop amplifiés. Mais au final on s’y fait et c’est ce qui fait, en partie, le charme de cet album.
En effet, cet opus a un charme fou, et c’est un euphémisme. « Passage » est si fort dans les compositions, les arrangements, les mélodies et harmonies, les parties agressives et sombres qu’on ne peut qu’être ensorcelé par cette musique limite apocalyptique, triste et froide.
Fort de son style imposant, « Passage » est en réalité une réelle descente dans un monde oppressant, grâce au chant si tranchant et grave de Vorph, aux riffs si percutants et accrocheurs de sa gratte, et aux claviers si omniprésents et imposants de Xy : piano, orgues, chœurs, etc. Oppressant par la noirceur de la musique entre autres, ce qui détonne tout de même avec la mélodicité qui s’en dégage. Un titre comme « Rain » est comme une invocation au déluge… pas vraiment un déluge d’eau mais de guitares enragées entre autres et de claviers si merveilleusement arrangés pour apporter un côté plus mystique. Une voix tantôt parlée, tantôt criée, et très charismatique dans les refrains.
Alors que « Moonskin » est l’exemple même du titre rempli de grâce, de fraîcheur mais aussi d’émotion, les vocaux de Vorph, extrêmes et mélodiques à la fois, apportant beaucoup à la chanson, ainsi que les guitares, grasses, et le clavier, indispensable (et ce refrain, si beau, si puissant…), « Angel’s Decay » est un vrai chef d’œuvre en matière de tristesse et d’anéantissement. Même si l’intro à la boîte à rythme est assez casse pied, l’ambiance faite aux claviers et au piano est envoutante et déconcertante : noire, pesante, surtout à la lecture des paroles, forte en signification (un homme racontant à son ami sa terrible tragédie…).
Ne dénigrant pas pour autant leurs origines, Samael peuvent aussi nous composer des titres aux structures black tels que « My Savior », assez rapide, où le chant a toute son importance, et où le tranchant de la guitare est plus mis en avant, ou « The Shining Kingdom », dans la même veine.
Bon je tiens à le signaler, pas d’amalgame ou d’incompréhension à l’écoute de « A Man in Your Head »… même si une des phrases du titre (ou dirais-je, LA phrase…) semble ambiguë (« Ein Volk, Ein Reich, Ein Führer »). Pas une propagande mais une façon de dénoncer une certaine oppression, notamment les voix qui s’insinuent dans les têtes des gens, les manipulant et les privant de leur liberté… et tout ceci soutenu par une musique assez sombre, avec en fond, des orgues et des chœurs, style impérial.
Un chef d’œuvre du genre, sans doute l’une des plus belles réussites de Samael. Leur musique, à cheval entre black, indus et sympho, ne passe vraiment pas inaperçue tant elle est difficile à décrire. Ces termes ne sont en effet pas suffisants, quelque chose d’autre se dégage de leurs compositions : le talent, le génie, la force novatrice d’un groupe qui ne cesse de nous impressionner. Ecouter « Passage » c’est comme commencer un voyager dans les méandres d’un univers décadent et terrible, dans les méandres d’un monde décimé par la tristesse, la torpeur, mais aussi l’espoir…
2010-03-22 00:00:00
|
|