Oubliez les longs cheveux raides, le maquillage noir et blanc sur le visage. Délaissez les t-shirts à l’effigie de vos formations préférées, les pantalons troués et les bottes enclouées. Abandonnez également les larges tatouages, piercings ou tout autre effet provocateur. Dans le cabaret suédois de
Diablo Swing Orchestra, la classe est de rigueur. Petit smoking sobre, large robe pailletée ou tenue extravagante faite de plumages d’oiseaux et autres bêtes est le code vestimentaire requis pour entrer dans le vaste et impressionnant paysage de notre joyeuse troupe. Bien entendu, une première immersion de cet ébouriffant orchestre vous sera vivement conseillé avant de franchir les rideaux d’une scène rocambolesque qui tourne à plein régime depuis maintenant près de vingt ans.
Chaque spectacle de nos artistes a vu salle comble (et comblée). Rien de véritablement surprenant lorsque l’on voit la maitrise et la facilité déconcertante qu’ont nos rois de l’illusion dans leur art musical. La popularité de leur savoir-faire a su se diffuser au-delà des frontières suédoises, jusqu’à devenir une référence prestigieuse. Néanmoins, sur sa dernière attraction
Pacifisticuffs dont la première représentation a eu lieu il y a quatre ans maintenant, on a senti une harmonie essoufflée, une âme quelque peu perdue, une magie volatilisée. Cette fatigue peut se justifier par le poids de l’âge mais aussi par le départ de la brillante chanteuse Ann-Louice Lögdlund, dont sa voix d’opéra a été évincée par un timbre plus classique, plus mesuré, celui de Kristin Evegård. Pour remédier à cette dernière prestation en demi-teinte, l’octet nous présente sa toute nouvelle pièce, la cinquième dans l’épopée des Suédois, au charmant nom de *roulement de tambours*
Swagger & Stroll Down the Rabbit Hole.
Pour l’affiche, nos interprètes sont revenus dans leur style enfantin et cartoonesque qui nous aurait presque manqué depuis
Pandora’s Piñata. Au niveau du nommage des titres, là aussi nos écrivains ont su faire parler leur imagination et leur créativité pour ce qui est à ce jour leur divertissement le plus long avec pas moins d’une heure d’égaiement.
Une nouvelle fois, notre fabuleuse bande nous plonge dans le royaume aux multiples influences, à l’imprévisible et à l’émerveillement. Les attraits orchestraux, festives et colorées font bien rapidement leur entrée et laisse part à la fantaisie et à la exotisme. Notre groupe délaisse leur metal pour une influence plus orientée vers le rock. Attention, ce semi-virage ne veut pas du tout dire que l’orchestre joue la carte de la banalité et de l’ordinaire. Certains numéros continueront à montrer le goût du risque et la direction plus tranchante de la formation :
Out Came The Hummingbirds nous invite dans cette périlleuse aventure avec une musique EDM, subtil mélange entre musique industrielle et synthwave. On retrouve dans cet œuvre une certaine naissance entre
Beast In Black et
Ministry avec une explosion surprise en milieu de tableau.
Le décor bestial et expérimental nous emportera dans
War Painted Valentine où la séduisante et accrocheuse mélodie se mariera aux sonorités de poules et autres volatiles. En ce sens, notre fougueuse troupe s’aventure dans un monde complètement absurde, qui n’est sans rappeler quelques récitals de Mr. Bungle ou
Igorrr. La tribu viendra même à s’initier dans des chorégraphies inédites. Parmi elles, nous pouvons citer l’énergisante Speed Dating An Arsonist dont l’atmosphère électro swing pourrait faire pâlir de jalousie Caravan
Palace. Saluting
The Reckoning n’est pas en reste avec une ambiance rock sudiste/hard rock qui offre une certaine rétrospective de
ZZ Top et de
Led Zeppelin. La prestation vocale de Daniel Håkansson ainsi que le rythme global du panorama se rapproche d’ailleurs de Whole Lotta Love. L’aura mystérieuse et symphonique de The Sound Of An Unconditional
Surrender nous amène quant à lui chez nos voisins finlandais et plus précisément chez
Apocalyptica.
Si nous devions retenir deux entractes dans cette magnifique séance, nos choix iront dans un premier temps sur
Malign Monologues dont la voix délicieuse de Daniel Håkansson ainsi que son final étourdissant créé un attachement obligatoire. Notre seconde liberté part quant à elle sur Les Invulnérables où l’esprit épique tout comme la palette bien plus variée de Kristin Evegård et partagée avec Daniel Håkansson nous replonge dans la nostalgie des premiers actes (
The Butcher's Ballroom et
Sing-Along Songs for the Damned and Delirious). Notre équipe a pris la décision surprenante de mettre plus en avant le chant masculin de Daniel au détriment de celui de Kristin, un parti qui se montre finalement attrayant et plaisant. Au niveau de la production, l’adoption de notre octuor est en revanche plus discutable. Avec un mixage un peu brut, sec et étouffé, les premières auditions risquent d’être quelque peu déplaisantes. Mais au final, on finit par s’y faire à tel point que l’on n’y fait plus grandement attention.
Nous ne sommes pas encore au retour de la quintessence de notre orchestre mais
Swagger & Stroll Down the Rabbit Hole est une bouffée d’oxygène qui saura nous réconcilier avec
Diablo Swing Orchestra. Nos artistes ont tenté de nombreux défis et là où certains ont été relevé avec brio, d’autres continuent à nous interroger. De plus, certains shows (
Celebremos lo Inevitable, Overture To A Ceasefire) sonnent dispensables, bien que tout à fait corrects et remettent quelque peu en question le choix toujours contestable de Kristin en tant que frontwoman. Dans tous les cas, nous ne pouvons qu’être ravis de cette révolte de la part des Suédois qui continue avec brio son avenir dans un monde abracadabrant, fascinant et qui ne demande qu’à être approfondi.
Merci pour la revue. Assez d'accord, sauf pour le mixage, qui gâche vraiment le plaisir, même après une dizaine d'écoutes.
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