Mordred, fils incestueux du Roi Arthur dont la naissance fut prédite par
Merlin, fut un chevalier perfide, traître, libertin et même assassin de son père à la bataille de
Camlann pour le trône d’
Albion.
Tel est le personnage mythologique dont le groupe prit le nom, non sans un certain clin d’œil à leur propre façon de voir le thrash par rapport aux règles informelles globalement acceptées par la plupart des groupes du genre.
Ce nom est en effet empli d’un certain degré d’humour, tant il reflète le libertinage musicale que se permettent les californiens de San Francisco. En se resituant en 1991, année de sortie de ce
In this Life, on peut avouer que
Mordred ne manqua alors pas de toupet !
Autant le dire tout de suite, pour apprécier cet album, il faut posséder une certaine ouverture d’esprit envers l’éclectisme. Car
Mordred pioche dans énormément de styles, dont énormément dans le hip-hop old-school de la même époque, mais aussi dans des sonorités très funky. Cet état de fait nous donne un album qui se rapproche presque intimement de la fusion.
Pour illustrer ces influences, outre le remplacement du guitariste
Jim Taffer par James Sanguinetti, le groupe intégra en son sein un DJ en la personne d’Aaron Vaughn, dont le travail en platine est remarquable par son énorme présence, avec un scratching habillant nombre de titres.
Ainsi présenté,
Mordred se démarque par son originalité, ce qui est une évidente vérité, mais on est droit de se demander la raison de leur relatif anonymat. On peut donner plusieurs raisons, dont une majeure.
On leur a tout simplement volé la vedette.
En effet, deux ans auparavant un groupe connu sous le nom de
Faith No More sortit un The Real Thing qui posa les bases de ce qu’on appelle de nos jours la fusion. D’ailleurs, en écoutant
In this Life, la comparaison semble inévitable, car on parle de deux albums aux influences quasi-similaires, d’autant qu’ils proviennent de groupes d’origine de la même ville. Signant sous un label bénéficiant de plus de moyens, l’histoire n’a, hélas, retenu le nom que des précurseurs.
Toutefois, la base thrash sur laquelle se repose inlassablement
Mordred constitue une réelle différence et communique un charme bien plus fin et corsé que ses homologues. L’influence de Fool’s Game, premier opus moins en décalage par rapport à la tendance de l’époque, se fait clairement ressentir. C’est en grande partie la raison pour laquelle je considère toujours
Mordred comme un groupe de thrash et non de fusion.
Au-delà de ce constat,
In this Life est relativement complexe à l’écoute. Un flot constant d’informations par le biais de notes nous assaillent et on peut légitimement réfléchir à comment aborder cet afflux musical. Vaut-il mieux se concentrer sur une unique source ou conserver une écoute d’ensemble ? Quelque soit votre réponse, une seule écoute ne vous fera apprécier que le superficiel, en soit déjà agréable mais tellement léger face à l’impressionnante profondeur de la musique de
Mordred.
Face à ce florilège sonore, je me permets de vous faire une présélection qui pourra inciter les récalcitrants à faire l’effort de l’écoute. Ainsi, parmi les titres "remarquables", à prendre au sens étymologique du terme, je vous conseille "The
Strain" avec son chant hip-hop, sa rythmique délicieusement torturée par les platines et le jeu de basse qui me rappelle "Take The
Power Back" de RATM, toute proportion gardée, bien entendu. Une basse que l’on remarque encore dans "Window", le refrain entraînant constituant son second charme.
Je tiens également à citer "
Esse Quam Videri" avec son chant qui, immanquablement, me fait étrangement penser à Jamiroquai. "
Falling Away" se démarque aussi grâce au paradoxe entre le riff agressif et le chant calme et allongé. "
Killing Time" revient tout comme "Progress" à un riff plus conventionnel du thrash, bien qu’un tel adjectif puisse être blasphématoire concernant
Mordred, et cela à point nommé, au moment même où la saturation peut atteindre l’auditeur.
Cet album est incontestablement le témoin du style propre que
Mordred tenta de transmettre, avec le succès que l’on sait.
In this Life constitue pourtant un classique hors du temps, bien loin des sentiers battus et de leurs redondances. Sa particularité peut sans doute attirer les foudres des "traditionnels", et il faut reconnaître que pour obtenir un thrash pur et sans concession, il est préférable de passer son chemin.
Si toutefois, votre intérêt se porte sur de la musique plus affinée, plus variée et plus inspirée par un plus large champ d’influences, tout en restant fortement enracinée dans un fondement thrash, je crois sincèrement que pour vous, le temps est venu de céder à la tentation.
Edit: no pb GandhiEgo!
Chro intéressante, merci! Notamment "l'analogie" bien vue entre le nom du groupe et la zique proposée.
Un skeud toujours aussi sympa avec les années, dans un style qui n'offre qu'assez peu de réussiste à mes oreilles. J'avais oublié à quel point Sanguinetti et White envoyaient du lourd sur les soli!
C'est Holdbery qui m'a le plus "refroidi". Pas au niveau des Patton et autres Corey Glover hélas.
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