Egzekuthor aurait pu devenir un grand nom de la scène thrash européenne s’il n’avait subi d’incessants changements de line up ainsi qu’une signature foireuse chez
Metal Mind Productions. Aujourd’hui, on ne retient du groupe que
Czas Sumienia et
Hateful Subconsciousness, ses excellentes démos sorties respectivement en 88 et 90, et récemment rééditées par Thrashing Madness avec de généreux bonus. Pourtant, lorsque
Egzekuthor balance son thrash énervé fortement typé
Kreator à l’un des plus grands festivals européens des années 80, le Rock Music Jarocin Festival, en 87, puis 88, nos polonais deviennent alors, pour un temps, le grand espoir de la scène thrash nationale, avec gain de fans toujours plus nombreux, opportunité de jouer aux States (inaboutie pour cause de service militaire), participation remarquée à différents festivals (Thrash Camp’88, Drrrama’88, Metalmania’89) et même quelques passages TV...
C’est en 83, à Szczecin, dans le garage de Siwy, que commence l’aventure du groupe. Le combo se nomme alors
Von Fallus, et compose principalement des instrumentaux. Puis la moitié du line up se barre grossir les rangs de
Merciless Death, autre nom connu de la scène thrash polonaise émergeante, constituant ainsi la première cassure dans l’histoire du groupe. Siwy recompose un line up articulé autour de Iron à la basse, Misiek à la batterie, Dymel et lui-même aux guitares, et change le nom du groupe pour
Thor en 86. Suivent le recrutement d’un vocaliste,
Morda, pour enfin doter les instrumentaux de paroles, quelques concerts à succès qui les font connaitre, et une première démo sans titre, dotée de lyrics en polonais.
Thor devient alors
Egzekuthor en 87.
C’est avec leur deuxième démo,
Czas Sumienia, et leur succès au Jarocin’88, que le combo attire l’attention de Tomasz Dziubinski, ni plus ni moins que l’homme le plus important de la sphère metal en Pologne, et boss de
Metal Mind. Ce dernier propose de les signer, ce que
Egzekuthor, soucieux de préserver son intégrité, refuse dans un premier temps.
La nouvelle cassure intervient lorsque Misiek et Dymel tentent de donner une impulsion death metal au combo, (avec lyrics en anglais), essuyant le refus net de Siwy,
Morda et Iron, qui abandonnent le navire. Dymel, une autoroute grande ouverte devant lui, en profite alors pour inclure ses propres compos, plus lourdes que celles de Siwy, au répertoire de
Egzekuthor, et recrute avec Misiek de nouveaux membres : en plus de Lesbek Baran à la seconde guitare, c’est donc un certain Wiechu (au chant) et un dénommé Zaku (à la basse), tous deux transfuges de
Merciless Death, qui viennent renforcer l’équipe pour ainsi constituer le line up magique de
Hateful Subconsciousness...
Point culminant de la carrière du groupe, c’est à l’ARP Studio de Szczecin, fin 89, que
Hateful Subconsciousness est enregistré, avec pour la première fois, des lyrics en anglais. Largement auto-financée par la mère de Misiek, cette démo, en bonus sur la présente compilation, balance un thrash raw et furieux, plus intense, plus énergique et plus lourd que le thrash primitif de
Czas Sumienia, et au chant davantage maîtrisé.
Six titres excités et terriblement accrocheurs, sorte de mix copulatoire entre la violence sans concession du
Darkness Descends de
Dark Angel et le
Kreator rugueux des trois premiers albums. Sortie en avril 90, cette démo impose le respect parmi la scène polonaise et permet au groupe de délivrer de furieux concerts à travers tout le pays et de participer à d’importants festivals (
Metal Battle Festival, Metalmania) grâce au patron de
Metal Mind Productions entre les mains de qui la tape a atterri.
Mais le principal attrait de cette compilation réside dans la présence de l’album avorté de 91, enregistré pour le compte de
Metal Mind au Gielda Studio de Poznan. Douze pistes reprenant pour moitié la totalité de
Hateful Subconsciousness, conférant ainsi son nom à ce premier full length jamais sorti en son temps.
Depuis la démo, le son a considérablement gagné en épaisseur, sublimant la couleur thrash teutonne déjà présente, mais se rapprochant aussi des terres du death thrash rageur qui fleurit un peu partout dans le monde. Un thrash intense, rapide et agressif, mais doté d’une lourdeur qui peut éventuellement évoquer le célèbre
Beneath the
Remains ayant forcément laissé des traces dans l’esprit des polonais, voir le terrifiant Illusions de
Sadus, l’extrême vélocité en moins. La basse est également plus lisible, et la prod plus équilibrée, quoique toujours bien rugueuse.
Le terrible titre éponyme en ouverture donne immédiatement la tendance de la galette : un thrash féroce et accrocheur, doté du chant vindicatif de Wiechu, balançant breaks et accélérations typiques, souvent doublées du solo hystérique qui va bien. Un leitmotiv qui va se répéter sur quelques unes des tueries de l’album : "The Final
Attack" , totalement destructeur et à la couleur teutonne indéniable (
Kreator !), dont l’attaque après le break central est une invitation au mosh pit le plus saignant ; "
Born to
Kill", son démarrage façon "Les Dents de la Mer", son break et sa couleur
Sepultura savoureuse ; "Merciful Death", evil, vénère et bien death metal dans l’esprit ; ou encore "Holy
Desecration", accrocheur en diable, furieux et doté de backing vocals diaboliques.
Sans surprise, ce sont les morceaux issus de
Hateful Subconsciousness qui sont les plus accrocheurs, sublimés qu’ils sont par leur nouvel habillage sonore. Pour autant, les six autres pistes composées en cette année 91 ne déméritent pas, et l’on peut au moins citer "
Immortal Sinner", lourd et carnassier dans sa mise en place, "Welcome to Gotham", prenant et d’obédience death thrash avec sa rythmique implacable et son passage basse à l’ambiance annihilatrice, ou encore le dark angelien "
Merciless Death" (avec un titre pareil !).
Le pinailleur pourra par contre sentir poindre la lassitude devant l’abus que fait
Egzekuthor d’utiliser sans cesse la trame structurelle consistant à balancer un break suivi d’une accélération doublée d’un solo, tandis que le thrasheur invétéré sera, lui, totalement aux anges. On pourra également constater que nos polonais sont plus à l’aise sur les morceaux courts, et ont tendance à légèrement s’enliser dans les formats plus longs, ou forcément leur propos dévastateur s’en trouve quelque peu amoindri ("Oblivion Hill" et "Degenerated Madness"), sans toutefois nuire à la qualité des morceaux.
En tout état de cause, cet album aurait du imposer, sinon asseoir, la popularité de
Egzekuthor, non seulement en Pologne, mais aussi au sein de la scène européenne, si seulement les conditions proposées par Dziubinski n’avaient été jugées aussi inacceptables par le groupe, les conduisant malheureusement à une impasse qui eut la fâcheuse conclusion de bloquer les morceaux. Pour sauver le matériel et prévenir une sortie
Metal Mind sans le consentement du groupe,
Egzekuthor a donc décidé de ressortir en 92 la démo
Hateful Subconsciousness sous le patronage de
Carnage Record. Une démo habillée d’un chat noir et qui reprend trait pour trait celle auto-produite de 90, prod comprise. Incapable de sauver les six autres pistes restantes enregistrées, il a fallu attendre 2009 pour les voir enfin ressurgir grâce au boulot impeccable de Thrashing Madness.
Après ce déboire, les membres ont quitté peu à peu le groupe : Missiek s'est barré chez
Violent Dirge, Dymel a raccroché et vendu sa gratte, tandis que Wiechu et Zaku sont retournés chez
Merciless Death pour la mise en boite de Sick Sanctities. Ce n’est qu’en 2002 que le groupe est réactivé, mais sans aucun membre du line up spécial ayant accouché durant ces deux petites années (90-91) de la partie de carrière la plus emblématique de
Egzekuthor, pan entier du thrash metal polonais.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire