Après avoir retourné la tête des auditeurs et s’être approprié en un temps record un nombre incalculable de fans, les petits prodiges de
We Butter the Bread with Butter sont donc de retour avec leur second album.
On se souvient tous de
Das Monster aus dem Schrank, premier opus fracassant et quasi-parfait, alliant le deathcore au grindcore électronique, le tout dans un délire nettement parodique. De breakdowns destructeurs en mélodies inoubliables, les deux Allemands avaient su combiner leur indéniable talent à créer un univers sonore qui leur est propre et leur dextérité purement impressionnante. Quand on pense que le duo avait tout enregistré eux-mêmes, chez eux et avec du matos peu reluisant, on se dit que le respect est indéniablement forcé. Désormais labelisés sous Redfield Records, les deux compères en remettent une couche de façon quasi-différente. Explications…
Si
Das Monster aus dem Schrank proposait une multitude de compos courtes mais complètes, aux mélodies purement mémorables et au style indéfini, cette deuxième galette, sobrement intitulée
Der Tag an dem die Welt Unterging (Le jour où le monde s’est éteint) se diffère de son prédécesseur par un style beaucoup moins délirant et beaucoup plus « sérieux ». Quand je dis sérieux, j’entends par là que le côté grindcore parodique n’est plus aussi mis en avant, remplacé par des titres plus longs, des structures plus recherchées et un clavier plus symphonique qu’électronique. Le son en est d’ailleurs mieux mixé, label oblige. La voix de Tobi est toujours aussi reconnaissable entre mille, bien que le Teuton limite ses gruiks fracassant au profit d’un mélodieux scream percutant comme jamais.
Ainsi, dès les premières écoutes, on peut se retrouver (comme moi au départ) assez déstabilisé par ce changement de ton. En bon puriste, on pourrait même affirmer que « ça n’est pas du
We Butter the Bread with Butter ». Et pourtant… Après moult et moult écoutes,
Der Tag an dem die Welt Unterging s’avère être une nouvelle tuerie, un disque plus mâture, peut-être plus personnel aussi, mais sans oublier ce côté résolument déconneur qui ne s’est pas échappé des deux gaillards. On peut donc voir dans leurs titres cet aspect franchement rigolo comme "Oh
Mama mach Kartoffelsalat" (Oh maman a préparé une salade de pommes de terre), "Sabine die Zeitmaschine" (Sabine la machine à remonter le temps) ou encore "Der kleine Vampir" (Le petit vampire).
Les titres sont tout comme son prédécesseur extrêmement variés : on passe du deathcore/grindcore classique avec "3008" et "Feueralarm" à la partie de rigolade mélodique sur "Superföhn Bananendate" ou encore "13 Wünsche". Mais ce qui ressort de ce deuxième album est une vague impression, une impression de thème parfaitement respecté et étalé de façon étrange sur l’ensemble de ces quinze titres : l’apocalypse. Un thème glauque donc, que l’on ne peut apercevoir qu’après plusieurs écoutes, l’ambiance apocalyptique se refermant lentement dans notre esprit à la fin de l’album. Pour se faire,
We Butter the Bread with Butter ont bien tout préparé et encadre leur univers à travers une introduction et un final, tous deux respectivement nommés "Le début de la fin" et "La fin". Se mêlent donc avec cohérence riffs assassins en allers-retours, saccades lourdissimes et mélodies à la fois électroniques et symphoniques. Le tout donne donc une nouvelle identité au groupe, plus mâture et surtout plus classique.
En effet, l’influence de la musique classique baigne sur toute la galette, ce côté envolé, féérique et à peine désuet, mélangé à la brutalité du chant qui alterne comme à son habitude chant médium rauque, screams black, grunts caverneux et pig squeals bourrins (mais beaucoup moins typés deathcore JFAC). Les riffs sont moins mémorables que sur
Das Monster aus dem Schrank mais tout aussi puissants, allant droit au but, notamment grâce à des saccades rythmées et des soli majestueux. Le sens du riffing et la structure sont donc maitres durant ces 42 minutes. Des structures plus complexes pour des morceaux parfois plus longs…
Chose également géniale : certains titres sont empreints de mélodies tristes, en témoignent les atmosphères mélancoliques de "Alptraumsong" ou encore "Der Kleine Vampir". Des ambiances ancrées dans ce fameux thème de fin du monde que le groupe a voulu montrer. L’album s’écoute donc en boucle inlassablement, muni d’une force émotionnelle écrasante, doté d’un pouvoir hypnotisant nous ramenant à un constat indéniable : ce disque nous prouve définitivement que
We Butter the Bread with Butter sont de vrais musiciens capables d’alterner les genres et les variantes avec une aisance déconcertante, capables d’émouvoir, de faire danser, headbanger, mosher, pogoter, le tout avec le sourire. Si jeunes et déjà si brillants…
Bref, au final, les Allemands (qui forment désormais un VRAI groupe après avoir récemment fait intégrer trois nouveaux membres) sont revenus avec ce qu’on attendait le moins : une surprise. Là où on pensait réécouter un Das Monster 2, ils nous envoient un opus radicalement différent dans la forme, plus complexe et plus décomplexé, à la fois plus adulte et toujours aussi gamin, un album ambigu dont on ne peut se lasser. Un album culte, unique et inédit, dont le style peut désormais clairement s’apparenter non plus à du deathcore ou du grindcore/électro mais bel et bien à du «
We Butter the Bread with Butter ». Mille fois bravo !
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