WASP 2012

le Jeudi 15 Novembre 2012, La Laiterie



WASP

« Something just to ease away the pain.. »
 
Existe-t-il pire sentiment que la frustration ? Imaginez-vous acheter un ticket le premier jour de sa mise en vente pour l’un de vos groupes favoris, ou tout du moins l’un si ce n’est le groupe parvenant de façon inexplicable à syncrétiser votre aversion exacerbée du système, de cette société sordide et conformiste glorifiant la médiocrité, le matérialisme et la bêtise humaine chaque jour sur TF1 et M6, compter les jours en écoutant et réécoutant les albums du combo concerné, parcourir le jour J 150 km aller à bord d’une carcasse ambulante, arriver quatre heures avant l’ouverture des portes devant la salle de concert en ayant préalablement pris le soin de s’arrêter dans une pizzeria « italienne » du Petit Maroc de Lille pour y prendre les forces nécessaires à deux heures intenses de show hard rock n’ roll, de patienter comme un galérien dans un froid sibérien et glousser en silence à l’écoute de quelques unes des pires idioties entendues jusqu’alors dans les conversations de files d’attente de concerts (« Blackie, il mesure 2m08.. Il a d’ailleurs eu le choix entre le hard rock et le basket », « Moi ma fille, elle a 3 ans et je vais l’emmener voir Deep Purple à Bruxelles, pour éviter qu’elle se mette à écouter du Justin Bieber dans quelques années.. », « Myrath, c’est soit des juifs ou des arabes, je sais plus.. En tout cas ils prouvent qu’ils savent faire autre chose que faire chier le monde et brûler des bagnoles »..), courir comme un dératé une fois la traditionnelle palpation de mise subie afin de se placer en plein centre à la barrière, réécouter des conneries pendant ¾ d’heure (« W.A.S.P. c’est bien, mais ça vaut pas Metallica.. », « Putain, quand je vois l’état de cette salle, je me dis vivement le Hellfest.. »), subir un talentueux mais ô combien peu original groupe de heavy prog/expérimental tunisien fronté par un clone de André Matos pour se voir ensuite signifier par un gendre idéal à lunettes/barbichette bien sous tous rapports et visiblement tout droit sorti de l’école d’ingénieur du coin que W.A.S.P. ne montera pas sur la scène du Splendid de Lille (59) ce soir, le chanteur Blackie Lawless ayant été victime il y a à peine 5 mn d’une obscure rage de dents conjuguée à une intoxication alimentaire ayant nécessité son transfert à l’hôpital le plus proche… Une seule solution pour ne pas sombrer dans la haine d’une idole adulée jusqu’à l’annonce fatidique de l’annulation du gig mais désormais haïe, et ne pas se rêver un destin à la Mark David Chapman ou à la Nathan Gale : se faire servir une pression au bar de la salle par Alex Colin-Tocquaine du mythique Agressor et penser à chopper au plus vite une autre date de la tournée anniversaire « 30 Years of Thunder » de W.A.S.P.
 
La Laiterie, rue du Hohwald, quartier de la Gare de Strasbourg, onze jours après le cauchemar de Lille… Onze jours et onze nuits de doute, de relatif malaise face à un groupe « rebelle » par excellence adoptant cependant les mêmes procédés (trahison, déloyauté, injustice…) que tout ce que l’on exècre avec ferveur au quotidien et que l’on panse justement tant bien que mal avec le heavy metal depuis le sortir de l’enfance… Repères brisés ou tout du moins fragilisés. Perdre son boulot, un ami ou parent proche, une femme ; on connait et ça fait partie de la vie ; mais voir son intime passion, son échappatoire, sa raison de vivre quasi unique, sa force quotidienne tomber à terre sous le coup d’un foutage de gueule absolument royal ; surtout quand on apprend que le groupe a donné comme si de rien n’était un show de folie le lendemain au Bataclan de Paris ; il s’agit presque d’un viol mental et spirituel si telle comparaison s’avère être permise par l’Association Internationale des Victimes de Dominique Strauss-Kahn. La seule chose que j’ai toujours retenue de la tradition judéo-chrétienne dans laquelle notre société est indubitablement ancrée depuis deux millénaires étant le pardon, cependant à d’ô combien très rares occasions me concernant desquelles je peux puiser un bénéfice de quelconque nature, je décidai donc de passer l’éponge et de me rendre à ce gig en terre alsacienne doué d’un enthousiasme puéril et faussement nonchalant, certainement dans le dessein d’apprécier le concert dans des conditions psychologiques optimales et dénuées du moindre ressentiment négatif à l’encontre de la bande à Blackie Lawless que j’avais néanmoins déjà eu la chance de voir une fois quelques années auparavant. Je renonçai définitivement donc à remplir les poches de mon blouson de tomates périmées et de confectionner sur mon lieu de travail une affiche « Blackie Cocksucking Son of a Bitch ».  
 
Après avoir apprécié avec un certain détachement avouons-le le set de Myrath et avoir été rejoint au premier rang par un fidèle camarade sommien que je salue au passage ayant accessoirement réussi l’inénarrable exploit de boucler un Soissons-Strasbourg en 3h45 au seul titre d’une passion authentique et débordante pour la musique décibellisée, les choses sérieuses commencent enfin au raisonnement d’une assourdissante sirène et à la lueur de gyrophares épiques et solennels annonçant le 30ème anniversaire de cette légende incarnée du hard rock/heavy metal américain de la bonne époque que constitue W.A.S.P. Déboulant onstage tels des empereurs attendus ayant pour but de prodiguer aux mortels bouffeurs de saucisses du soir une leçon de rock n’ roll au sens le plus intrinsèque du terme ; Mike Dupke, Mike Duda, Doug Blair et bien évidemment Blackie Lawless se postent devant le public alsacien de la sympathique salle de la Laiterie afin d’asséner un classique « On Your Knees » extrait du premier album éponyme rappelant que la machine de guerre W.A.S.P. est active depuis l’an 1982. Dans une veine comparable révélant un son très fort de rigueur mais remarquablement bien mixé, il conviendra de noter un « The Torture Never Stops » ainsi qu’un démentiel « L.O.V.E. Machine » soulignant la violence et la classe de chacun des membres de W.A.S.P. : le batteur Mike Dupke puissant et infernal derrière son imposant drumkit, le bassiste Duda et son légendaire flegme tournoyant sur lui-même et arborant une expression de visage des plus enjouées, le classieux, flamboyant et bad ass lead guitarist Doug Blair tout de cuir vêtu prouvant que maitrise instrumentale et précision technique peuvent parfois rimer avec dégaine affirmée de rock n’ roll motherfucker et bien entendu, le légendaire et indescriptible vocaliste/guitariste rythmique Steven Edward Duren alias Blackie Lawless attirant tous les regards, visiblement de bonne humeur ce soir et content de se produire face aux 800/900 personnes ayant déboursé les 28 € nécessaires à une énième torture otique. Charismatique à souhait et relativement communicatif dans son propos même si l’on aurait imaginé meilleure ambiance dans une Laiterie plus attentive que démonstrative dans l’expression de son enthousiasme pourtant certain, W.A.S.P. continue de rendre hommage à sa prolifique décennie 80, celle qui le voyait être l’une des cibles préférées du risible lobby conservateur anti musique PMRC de Tipper Gore n’ayant jamais compris que l’expression légitime d’une rage adolescente s’avérait être beaucoup plus saine et constructive pour la société que le diktat orthodoxe du conformisme idéologique et matériel ne pouvant par définition que marginaliser certains individus ne rentrant pas dans son moule et pousser parfois ces derniers aux pires des passages à l’acte un fusil mitrailleur à la main dans les High School, salles de cinéma et autres lieux publics. La reprise de « The Real Me » des mythiques Who, l’indispensable « Wild Child », un délicieux medley « Sleeping (in the Fire)/Forever Free” ainsi qu’un “I Wanna Be Somebody” particulièrement suffisant et vindicatif achèveront de prouver à quiconque que de la vraie rage ne souffre aucune vieillesse et qu’atemporel par essence,  l’authentique se targue de ne jamais daigner se soustraire au temps.
 
Remarquable et indicible pierre angulaire du set de ce 30ème anniversaire de l’anthologique W.A.S.P., une partie intégralement dédiée au chef d’œuvre absolu et mystique de la discographie du groupe ; le conceptuel et on ne peut plus introspectif « The Crimson Idol » ayant vu la lumière noire du jour vingt ans plus tôt. Comment ne pas philosopher sur sa propre existence à l’écoute fascinée et hypnotique d’un jouissif medley « The Invisible Boy/I Am One/The Gypsy Meets the Boy » soutenu par la diffusion sur écrans d’images torturées illustrant le calvaire de Jonathan Aaron Steel au sein d’un environnement familial et sociétal des plus hostiles, rock star déchue et personnage central d’un disque résolument à part dans la discographie du quartette rebelle de Los Angeles. Summum de l’inénarrable et du divin, une interprétation inspirée et sans faille de « The Idol » témoin notamment d’un Blackie Lawless marqué par l’émotion et d’un Doug Blair exécutant fidèlement avec art,  manière et feeling l’hallucinant solo du titre originellement immortalisé sur l’opus par Bob Kulick. Conclusion grave et solennelle de cet intermède hors du temps qui restera probablement à jamais marqué dans les mémoires présentes entre les murs froids de la salle du quartier de la gare de Strasbourg, « The Great Misconceptions of Me » enfonce le clou et parvient aisément à fermer avec brio cette sublime parenthèse consacrée à l’unique et ultime « The Crimson Idol », voyant pour l’occasion un Blackie Lawless transcendé invoquer le ciel et confirmer ainsi peut être le caractère d’inspiration autobiographique supposé de ce concept-album absolument indispensable avant de quitter la scène après moult révérences.
 
Revenu seul sur scène pour le traditionnel rappel, le percussionniste Mike Dupke exécute un solo de batterie assez original, reproduisant ainsi baguettes en mains et pédales aux pieds les ronronnements/accélérations de bolides de course tels dragsters, formule 1 et cie, le tout soutenu par des images et un fond sonore ayant la très probable propension à flatter les testostérones des amateurs de sport automobile pour lesquels un véhicule motorisé constitue bien plus qu’un simple moyen de locomotion permettant de se rendre plus ou moins rapidement d’un endroit A à un endroit B. Plus pertinent, le retour du reste du combo pour un ultime shot de pur rock n’ roll avec un "Heaven's Hung in Black" aléatoirement joué sur la tournée « 30 Years of Thunder » au gré des humeurs du groupe et du couvre-feu des salles hôtes concernées, W.A.S.P. gratifiant donc l’assistance de cette perle prodigieuse et patriotique tirée de « Dominator » (2007) et faisant son petit effet notamment au travers de la solennité touchante affichée de Blackie et d’images diffusées sur écrans représentant les revers de la médaille de l’impérialisme américain dans toute sa sinistre splendeur ; le sacrifice de misérables vies humaines sur l’autel de l’assise politico-économique d’une élite invisible et occulte se pourfendant de la Morale comme de son propre honneur. Ultime offrande sonore avant de disparaitre des planches de la Laiterie pour continuer inlassablement sa marche victorieuse vers d’autres contrées du Vieux Continent, un « Blind in Texas » festif et survitaminé qui achèvera de me convaincre d’un point de vue personnel que malgré une ambiance globalement retenue dans la fosse et l’absence dans la setlist d’un quelconque titre du pourtant qualitatif et racé « Inside the Electric Circus » de 1986, W.A.S.P. aura offert ce soir là une prestation honnête et juste à l’image de ce que chacun est en droit d’attendre d’un groupe de cet acabit, la subjectivité du jugement et des appréciations personnels en plus, notamment la revanche de ne pas être resté sur un échec avec cette entité mythique prouvant une fois de plus que l’authenticité véritable s’inscrit toujours dans une logique de pérennité inaliénable sublimant chaque jour le charisme de sa propre légende.
 

Setlist :
 

1. On Your Knees

2. The Torture Never Stops

3. The Real Me (The Who cover)

4. L.O.V.E. Machine

5. Wild Child

6. Sleeping (in the Fire) / Forever Free medley

7. I Wanna Be Somebody

8. The Titanic Overture

9. The Invisible Boy / I Am One / The Gypsy Meets the Boy medley

10. The Idol

11. The Great Misconceptions of Me
 

*Rappel*
 

12. Drum Solo

13. Heaven's Hung in Black

14. Blind in Texas  

9 Commentaires

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largod - 18 Novembre 2012: content pour toi que la perfidie de Lille fut balayée par ce gig de Strasbourg !
Chab - 19 Novembre 2012: Content pour toi mon cher Adrien même si je ne verrai jamais les albums que tu devais me donner haha ;)



Blague mis à part, je suis vraiment content que le concert se soit bien passé ! Très beau live report fait par un fan du groupe et qui, je trouve, retranscrit bien l'émotion que l'on peut ressentir quant on voit un groupe comme WASP ! Merci à toi !
Metalstoun - 24 Novembre 2012: Merci pour cet article et oui, ce concert était magnifique. Ecouter Blackies en live...quels moments inoubliables. Bravo Blackies
adrien86fr - 13 Janvier 2013: Salut berliozz,

Es-tu réellement originaire du Kazakhstan ou est-ce de l'humour de bourgeois-collabo du système ?

Mon appréciation de ce concert doit être remise dans le contexte d'une annulation de dernière minute une semaine auparavant sur les planches du Splendid de Lille ainsi que d'un long déplacement jusqu'à Strasbourg pour enfin voir ce groupe sur cette putain de tournée "30 Years of Thunder".

Après, Blackie Lawless n'est certes pas la rockstar la plus avenante de la planète mais contrairement à certains de ses semblables populistes genre Francis Lalanne, il n'a jamais prétendu lier des sentiments d'amipitié avec ses admirateurs.
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photo de La LaiterieStrasbourg, Grand Est, France
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