Malgré une scène locale bien vivante, l'Islande reste une terre isolée des deux principaux continents de la musique saturée, que sont l'Amérique et l'Europe. Ainsi, les groupes étrangers sont rares à faire une escale à Reykjavík lors de tournées internationales, et encore plus pour les autres villes du pays. C'est pourquoi le batteur islandais Birgir Nielsen a fondé Skonrokk il y a environ une dizaine d'années, avec d'autres musiciens locaux réputés, dans le but de jouer des morceaux de groupes qui ne passent jamais dans le coin, voire ne jouent plus du tout. Il s'agit donc d'un groupe de reprises, mais qui a le mérite de réunir la crème de la crème des musiciens islandais, et de connaître un fort succès populaire. Le mois de mars est l'occasion d'une mini-tournée, dans les villes d'Egilsstaðir et d'Akureyri, pour terminer ce 11 mars à Reykjavík, dans la salle de Harpa Eldborg. Ce qui n'est pas rien, puisque ce n'est pas moins que la plus grande salle de concert du pays (en excluant les stades), et elle affiche quasiment complet ce soir-là avec 1500 personnes présentes. Imaginez 1500 personnes pour un groupe de reprises !
Abhorrance (USA-1)
Le déroulement est par contre légèrement différent de ce à quoi on a l'habitude : toutes les places sont assises, il n'y a pas de première partie, mais il y a une entracte, comme au cinéma islandais. Le concert en lui-même est construit comme un tour d'horizon du rock, les musiciens restent les mêmes, mais les chanteur.se.s se succèdent suivant les morceaux, avec parfois un peu de one man show pour l'ambiance. Impossible par contre de comprendre les vannes, puisqu'évidemment tout est en islandais ! Un concept somme toute assez inédit …
Et les morceaux se succèdent, piochant majoritairement dans les classiques du rock et du hard, sur une période allant des années Elvis et Little Richard aux années Muse et Rage Against the Machine. On aura quelques surprises avec trois reprises de groupes locaux, d'abord Trúbrot, groupe populaire de rock psyché islandais du début des seventies avec sa ballade Án Þín, puis Gildran, connu pour son tube Vorkvöld í Reykjavík, mais aussi le groupe Start dans un style proche du rock FM. Enfin, petite curiosité, on a eu droit à un Still Loving You à moitié traduit en islandais.
Comme on pouvait s'y attendre avec des musiciens professionnels, l'interprétation est au top, relativement proches des titres originaux, tout en prenant de temps en temps quelques libertés. Le chanteur Birgir Haralsson en vient même à reproduire la démarche titubante de Ozzy en chantant Paranoid. On retiendra notamment les prestations de Stefanía Svavarsdóttir, nouvelle recrue dans la bande, reprenant du Janis Joplin, et du magistral Stefán 'Stebbi' Jakobsson, chanteur chez Dimma, qui reprend ici avec une aisance incroyable aussi bien du Guns and Roses que le Holy Diver de Dio.
Les presque trois heures de spectacle se terminent sur un prévisible mais efficace (et interminable !) Highway to Hell, laissant libre cours à une invasion dans les règles de l'art avec tous les musiciens de la soirée. Alors évidemment il y a très peu de chances que ce concert passe un jour dans des contrées francophones, et donc peu de chances que toi, lecteur, tu y assistes un jour. Mais j'espère avoir suscité un peu de curiosité, d'avoir apporté un peu d'information sur la scène musicale dont on parle peu. Pour les plus curieux, il y a toujours moyen de jeter un œil à ce que ça donne en vidéo :
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