Amenra + Regarde Les Hommes Tomber @ Paris Le Divan Du Monde 01-10-2015

le Jeudi 01 Octobre 2015, Le Divan du Monde

J'aime bien le Divan du Monde. Pour être plus précis, c'est devenu ma salle préférée depuis mon arrivée dans la Capitale. Non pas spécialement pour l'acoustique (qui reste honorable mais peut tomber facilement dans la bouillasse sonore), mais plus pour le cadre : un ancien théatre, aux boiseries toujours en bon état et au plancher en bois donnant un cachet très particulier au lieu.  Et puis, il faut bien avouer que la qualité des groupes vus dans cette salle joue beaucoup dans mon appréciation du lieu : Misanthrope, Stille Volk, Alcest, Jex Thoth, Inquisition, Archgoat ou encore The Sirens se sont succédés ici pour animer mes soirées parisiennes. L'annonce du passage d'Amenra ne pouvait donc que me motiver à revenir, surtout que quelques jours avant les belges annoncaient leur intention de ne plus donner de concerts que de manière sporadique une fois cette tournée finie.



Regarde Les Hommes Tomber

Mais avant eux, il y a Regarde Les Hommes Tomber.

De mon point de vue de petit provincial, je n'avais absolument pas compris l'engouement très parisianniste qui avait entouré le groupe à l'époque de la sortie de leur premier album. Certes, leur mélange de Post-Hardcore et de Black Metal malsain était plutôt bien foutu mais n'arrivait pas selon moi à la hauteur de ce qui pouvait se proposer dans le même genre à l'étranger. De plus, ma première expérience scénique du groupe (au Black Metal Is Rising VII) ne m'avait pas non plus franchement convaincu.

Et puis est arrivé le nouvel album, dont l'écoute a radicalement changé ma perception du groupe. Et la possibilité d'une interview avec J.J.S. (le guitariste), me révélant un groupe bien plus intéressant que l'idée que je m'en étais fait jusqu'alors. Reste la partie scénique, seul endroit qui permet de réellement se faire une idée des capacités d'un groupe.

Et il est clair que le groupe a fait des progrès énormes à ce niveau. est-ce leur passage l'an dernier au mythique Roadburn Festival hollandais ou le changement de chanteur, mais une chose était très claire : je n'ai absolument pas vu ce Jeudi le même groupe qu'au Black Metal Is Rising. Au lieu d'un groupe qui avait du mal à enchainer les morceaux, où le chanteur semblait tirer toute la couverture à lui et où les conditions scéniques n'aidaient pas à développer une ambiance quelconque, j'ai vu un groupe carré, pro, dont chaque membre maitrisait parfaitement sa surface de l'espace scénique (le regard n'était pas attiré que vers un seul musicien à la fois, mais bien vers l'intégralité du groupe dans sa totalité, chaque musicien se fondant dans l'ensemble à la perfection).

Les morceaux se sont enchainés sans temps mort, presque sans silence et sans effet d'annonce. Ce choix délibéré permet au groupe d'installer rapidement une atmosphère pesante, presque mortifère, à la noirceur palpable. On rentre dans un univers sonore particulier qui arrive à exprimer une violence prenant aux tripes au travers d'une atmosphère de fin de civilisation qui vous explose à la gueule. Presqu'une heure se passe d'un déluge sonore de feu, de goudron et de soufre, créant une atmosphère hypnotique et lancinante d'où émerge le chant d'écorché vif de Thomas. Quand démarrent les premières mesures de The Incandescent March, montrueuse pièce tirée de leur deuxième album Exile, le public est déja à genoux. Ce final les achèvera, et les dernières notes sont à peine cessées qu'un immense mouvement de foule se produit en direction de leur stand de merch : ce soir là, effectivement, on a vu les hommes tomber et aimer çà.

 

SETLIST REGARDE LES HOMMES TOMBER

01. L'Exil
02. A Sheep Among The Wolves
03. Wander Of Eternity
04. Ov Flames, Flesh And Sins
05. Embrace The Flames
06. The Fall
07. Thou Shall Lie Down
08. The Incandescent March

Amenra

Il suffisait de savoir que le concert était complet presque 10 jours à l'avance pour comprendre que le public était majoritairement venu pour Amenra. S'il fallait une raison supplémentaire de s'en convaincre, le nombre de personnes m'ayant demandé si par hasard je n'aurais pas une place en trop à vendre serait un bon indicatif. La musique d'Amenra est spéciale, et la réduire simplement à du Post-Hardcore (où même à un mélange entre Doom et Hardcore) serait limite injurieux. Les belges ont toujours été là où on ne les attendait pas, n'hésitant jamais à se lancer dans des expérimentations que l'on pourrait qualifier d'hasardeuse (comme leur EP acoustique) mais s'en tirant toujours avec brio. D'une certaine manière, on pourrait les assimiler à un équivalent européen de Neurosis (sur le label de qui ils sont d'ailleurs signés), mais encore là aussi ce serait assez réducteur.

Et ce concert parisien démontra une fois de plus l'incroyable capacité du groupe à proposer quelque chose de différent des autres groupes du genre. On va voir Amenra comme on va à la messe, avec l'envie de voir et de partager quelque chose de ritualiste et qui dépasse le simple cadre musical. On y va par envie de s'immerger dans un univers différent, qui touche autant aux sons qu'aux images. L'aspect religieux (totalement assumé par le groupe, qui se revendique comme Church Of Ra) et ritualiste se présente au lieu du public avec cette intro aussi étrange qu'envoutante, qui voit le chanteur Colin H. Van Eeckhout à genoux, dos à la foule, frappant de manière rythmique deux barres de fer l'une contre l'autre. Sur ces percussions à la fois tribales et urbaines viennent rapidement se greffer des guitares légères, qui s'alourdissent de plus en plus au fur et à mesure que l'on avance dans l'instrumentation et que sont projetées sur l'écran derrière la scène des films en noir et blanc montrant des ruisseaux, des sous-bois en automne, une nature en train de mourir.

Et puis c'est l'explosion.

Brutale, violente, écrasante.

Le son est parfait, des vagues de notes viennent s'écraser sur le public, une houle sonore le retourne tandis que Colin s'arrache les cordes vocales à coup de hurlements plus malsains les uns que les autres. Comme la sensation de subir un assaut de misanthropie pure, froide, palpable. Presque reptilienne, inhumaine. Mais surtout empreinte d'une forme d'indifférence presque hautaine envers les malheurs des Hommes. Il y a dans la musique d'Amenra la même forme d'abstraction presque pure que l'on retrouve chez les formations de Drone les plus travaillées (SunnO))), Gravetemple, Emptiness) ou certains projets de Harsh Noise (l'utilisation des images m'a notamment fait penser à Concrete Flesh 具象肉體, mais en plus abouti).

Ici aussi, le groupe enchaîne les morceaux sans temps morts, sans parler au public, renforçant encore plus la froideur qui se dégage de la musique. Amenra maitrise à merveille l'art de la dissonance, et l'utilise à bon escient : quand le maëlstrom sonore se change en éruption de larsens, tout reste quand même sous contrôle de bout en bout. Et quand finalement le silence se fait et que le groupe quitte la scène sans un mot, on a du mal à revenir sur terre et à reprendre ses esprits.

Et l'on quitte la salle en se disant que l'on vient d'assister à quelque chose de différent, à une expérience unique qui transcende même le concept de musique. Le genre de concerts qui laisse des marques à l'âme plus qu'au corps, une performance unique à laquelle il fallait être présent.

 

SETLIST AMENRA :

01. Boden
02. Razoreater
03. Terziele
04. Nowena
05. Aorte
06. Am Kreuz
07. Silver Needle
 


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