Smohalla

Si pour beaucoup de groupes catalogués extrêmes, le summum de l’imagination consiste à choquer les foules en se cachant derrière des pseudonymes démoniaques, Smohalla choisissent quant à eux une voie purement artistique entre black-metal, post-rock et progressif. Derrière un nom qui sonne comme une invitation au voyage, ce trio français explore un univers bien à lui qui mérite avant tout le qualificatif d’avant-gardiste, une musique difficile d’accès mais qui recèle de nombreux trésors dès lors qu’on a trouvé la clé. Slo (drum, guitare, voix) et Camille (basse), les deux serruriers disponibles, ont bien voulu répondre à une interview en février 2007.

interview Smohalla>Ugh à vous les Smohalla ! Pour faire les présentations ce serait cool de nous dresser un rappel des débuts du groupe. Quand/où Smohalla s’est formé ? Qui constitue le groupe ?
S: Smohalla s'est composé l'année dernière, avec Camille, A.L et moi. Le groupe s'est formé dans nos têtes, petit à petit, et puisque nous habitons trois villes différentes, on ne peut pas vraiment parler de lieu de naissance. Nous avons enregistré une première demo, 'Smolenk Combustion', qui sera bientôt sold-out, mais une réédition est prévue sur God is Myth avec un nouvel artwork pour le courant de l'année. Elle est de toute façon encore disponible via quelques distros en france comme celles de Foedus ou Altsphère. Nous sommes pour l'instant un projet studio, nous ne donnons pas de concert, ce qui nous permet d' essayer de réaliser la musique la plus proche de nos désirs, sans la moindre contrainte ou la moindre limite d'imagination. Notre style est très ouvert, mais aussi très hermétique, et pour ne pas se perdre dans des définitions pompeuses et trop longues, je dirai que nous jouons du post black-metal. Mais le mieux restent encore d' écouter, via notre website par exemple. Actuellement, nous sommes en train d'enregistrer notre prochain mini-cd, qui sortira dans quelques semaines.

>Ce nom de Smohalla renvoie, il me semble, à un indien fondateur d’une religion des rêveurs. Pourquoi ce choix ?
C: Tu as vu juste ; ce nom illustre parfaitement le caractère onirique et psychédélique de Smohalla. Nous nous retrouvons tous dans ce symbole : rêver est malheureusement l'une des dernières choses qui nous restent en ce monde, ce que la religion des rêveurs avaient totalement assimilé. De plus, je pense que cela convient mieux à notre musique et à notre état d'esprit qu'un 'Dark Legion 666', personnellement je ne suis pas très black-metal dans la vie de tous les jours… S: J'ai beau écouter du black depuis plus de 10 ans, l'attitude instauré par le style dès ses débuts m'a toujours fait sourire. Seul le caractère sombre, tragique et inédit m'intéressait dans cette musique, et c'est toujours le cas. Pour en revenir à la question, nous avons choisi ce prophète pour représenter notre musique parce qu'il représente ce paradoxe du matériel qui veut s'ériger en substance éthérée, du grotesque qui cherche à devenir sublime. Ce paradoxe illustre à la fois notre musique, nos paroles, et notre vision de l'existence.

>Votre 1ère démo 'Smolensk Combustion' figure sans doute parmi ce que j’ai entendu de plus atypique ces derniers mois. Vous semblez pas mal influencés par la mouvence black norvégienne avant-gardiste, des groupes comme Arcturus, Borknagar et Ved Buens Ende, Peccatum. Mais je n’oserais pas limiter votre style uniquement à ça, tellement ça regorge d’influences diverses : elektro notamment. Quels sont vos goûts musicaux, comment décririez-vous ce que vous faites ?
S: La musique électronique est sûrement la plus moindre de nos influences, mais elle peut devenir intéressante quand elle ne prend pas cette forme de bouche-trou visant à moderniser une musique à l'agonie… Elle peut magnifiquement habiller une musique aux relents de bizarre et d'étrange, mais je n'aime qu'avec parcimonie son mariage avec le métal ; je n' écoute quasi aucun groupe d'indus, je n'aime pas l'electro-goth ni l'ebm.. Par contre nous écoutons, surtout A.L, beaucoup d'electro 'pur', et il faut reconnaitre que c'est une scène extremement riche et variée. Quoiqu'il en soit c'est A.L qui s'intéresse le plus à ces courants. Quand aux groupes norvégiens pré-cités, ils sont effectivement une grande influence pour nous, tu pourras aussi rajouter certains groupes de la scène autrichienne, comme Abigor et Golden Dawn, certaines formations progressives, A.L est un grand fan de Genesis, on vénère Pink Floyd et King Crimson, on aime aussi tous écouter des groupes encore plus posés comme Dead Can Dance, Aghast, Deaf Center… De toutes façons, nous sommes influencés par tellement de courants différents que je ne saurais tous les énumérer. Disons que nous jouons un black-metal original qui incorpore des éléments planants, psychédéliques et torturés. C: 'Post-black' est donc l'étiquette qui nous convient le mieux pour l'instant, parce que c'est sous cette appellation qu'on parle des groupes qui nous ressemble le plus, comme Ulver, Ved Buens Ende ou Solefald.

>Parlez-nous du processus de composition chez Smohalla, qui ne doit pas être une mince affaire, étant donné la complexité de votre musique. A partir de quels éléments composez-vous ? Y a t’il un schéma type que vous adoptez à chaque fois ?
C: Tout est composé sur la base de patterns de batterie de Slo, qui sont plus ou moins improvisés, auxquels sont d'abord ajoutées les guitares, puis la basse, le chant et tous les arrangements électroniques. S'il y avait un 'schéma type' de composition des morceaux pour Smohalla, ce serait celui-là. Pour ma part, je m'imprègne pendant longtemps des compositions instrumentales, répétant et peaufinant mes parties de basse jusqu'au moment où elles atteignent leur dernier degrè de maturation. S: Nous pouvons aussi commencer par un samp
interview Smohallale et ensuite enregistrer les guitares, puis la batterie. Mais en général, on procède comme l'a expliqué Camille, et en dernier lieu A.L fourni ses éléments sonores, qui pourront être des passages electro, ambiant… Le travail des arrangements est aussi très important pour nous, et il prend pas mal de temps.

>Vous imposez-vous un état d’esprit particulier lorsque vous composez ou enregistrez votre musique, par l’absorption de diverses substances ou des séances de relaxation ? Avez-vous recours au savoir des shamans ?
S: Oui, nous sniffons des poils de cul de shamans morts avant chaque phase de composition, afin d'obtenir ce son nécronirique unique au monde. Il nous est aussi indispensable de rentrer dans des transes lévitatives, implorant les pouvoirs du grand Roi Corbeau qui façonne nos misérables existences… Non, sérieusement, les drogues font partie de nos vies mais n'interviennent pas dans notre processus de création ou d'enregistrement. Nous ne nous imposons aucun état d'esprit particulier, si ce n'est celui de repousser les limites de notre création et d'être pleinement satisfait de nos idées. Les idées les plus intéressantes ne peuvent venir que de nos esprits sobres et souffrant, car ils sont apaisés et satisfait sous l' influence de la drogue.

>Où s’est déroulé l’enregistrement de la démo ? Le son n’étant pas très performant, étiez-vous frustrés de voir vos efforts artistiques considérablement amoindris par une production si limitée ?
S: Nous avons enregistré la démo chacun chez soi. La solitude et l'introspection font partie intégrante du style de Smohalla. Pour ce qui est du son, j'en suis personnellement assez satisfait. D'une part parce que je le trouve quand même bien moins mauvais que sur la plupart des démos de groupes de black français - je le trouve d'ailleurs supérieur à celui de certains albums. Ensuite, je le trouve très adéquat, bien que, comme tu l'as dit, limité aussi. Mais je peux te dire qu'il ne nuit pas à l'immersion que l'on voulait obtenir. En fait, tout est une question d'habitude. J'ai lu dans une chronique que le son devenait meilleur au fur et à mesure des titres. J'ai aussi vu dans cette chronique que le rédacteur n'avait pas du écouté la démo plus d'une ou deux fois, parce qu'elle était composée au trois quarts de texte pris dans notre biographie. Bien entendu le son n'est pas meilleur au fur et à mesure des titres, mais tout ça pour dire qu'on s'y fait très vite, qu'on rentre dedans malgré tout. Mais bien sûr, nous sommes loin d'avoir le son parfait pour l'instant, et ça serait plutôt triste d'arriver avec une première demo sans marge de progression. Et comme tu le dis, j' étais parfois très frustré de voir que les sons dans ma tête ne pourraient revêtir la texture et la puissance souhaitée, à cause d'un matériel limité. Mais ce problème s'arrangera avec le temps crois moi.

>Pourquoi ce titre 'Smolensk Combustion' ? Au niveau des textes, de quoi parlez-vous ? D’où vous vient l’inspiration ?
S: Smolensk Combustion, ces mots résument l'histoire de cette ville russe qui, après une défaite infligée par Napoléon, a été brûlé par l'armée russe, comme elle faisait d'ailleurs souvent en cas de défaite. C'est une action très forte, un sacrifice qui relève de la rage absolue, de la volonté la plus immuable de ne pas s'avouer perdant. Ok, vous avez gagné la bataille, mais vous allez crever dans le froid parce que vous n'aurez ni nos vivres, ni nos armes… Et par dessus tout, je trouvais que cette image d'une ville en flamme au beau milieu de cette énorme étendue de neige illustrait parfaitement notre musique : je m'imagine cette vue du haut. Et ça correspond très bien à notre son, beaucoup de passages calmes et froids, et ces rares moments de rage comme des flammes très vives qui viennent perturber tout ça. Quand aux paroles, elles parlent comme tu l'auras deviné de rêves, de manières abstraites, surréaliste, ou plus analytique. Par exemple, 'Astral Cynicism' raconte la complainte des foules mortes qui réclament aux grand cosmos leurs esprits pour pouvoir se réincarner et vivre éternellement. Mais ce même cosmos qui leur a donné autrefois la vie, la conscience, et leurs espérances n'est en fait qu'un amas de matière inconscient, et tout ce qu'il peut proposer aux humains après leur mort est la putréfaction de leur corps.

>Parlez-nous de la pochette de la démo, on dirait une ancienne peinture asiatique ?
S: Hum, je n'y avais jamais pensé mais il est vrai qu'elle possède peut-être ce côté asiatique. Mais en fait tu es loin du compte, il s'agit d'un mélange qui n'a rien d'oriental : j'ai mixé une peinture finlandaise, qui illustre un compte traditionnel, avec une gravure de Dürer. On peut y voir ce vieil homme luttant avec cette créature bizarre, quelque part entre la harpie et la sorcière, aidé par les dragons de Dürer. D'autres images ont été ajoutées pour obtenir cette texture de fond. Cette pochette illustre assez bien les éléments qui constituent notre musique, le grotesque, le bizarre, le combat et la rage, l'écume et la quiétude, les chimères et les rêves.

C">>D’après votre siteweb, vous bossez sur un prochain enregistrement qui sortirait chez God Is Myth records : un concept sur une nouvelle de Lovecraft 'Par-Delà Le Mur Du Sommeil', encore cette thématique du rêve qui vous poursuit. Lovecraft vous a marqué à vie vous aussi ?
S: Bien sûr nous n'arrêterons jamais de subir l'influence de nos rêves et de nos visions, car ils sont les piliers de notre son, la volonté de s'extirper du réel pour le combattre avec plus de courage et de force, et le subir avec plus d'honneur, puisque le combat est perdu d'avance. Quand à Lovecraft, il nous a effectivement tous très marqué. J'ai lu tout ce qu'il a pu écrire, et il fait partie de ces artistes universels qui ont tout chamboulé après leur découverte, y compris la perception que l'on peut avoir du monde, du temps, de l'espace, de la conscience humaine... Pour beaucoup, il est uniquement l'inventeur de ce fameux panthéon des Anciens, et un maître de l'horreur, ce qui pour moi représente les facettes les plus pauvres de son art. Je recommande vivement la lecture de son 'Démons et Merveille', son ouvrage le plus intéressant et le plus profond. Depuis sa lecture, je n'ai plus du tout la même vision de la science, du rapport chaire/esprit, du domaine du rêve. C'est cette phase de ses travaux que nous avons choisi d'illustrer, celle du Lovecraft astral, onirique, que l'on retrouve aussi dans beaucoup de ses nouvelles comme dans 'Par-Delà Le Mur Du Sommeil', qui est l'une des meilleurs.

>Où en êtes-vous niveau compos ? Quelle orientation suivez-vous par rapport à la démo ?
C: Niveau compos, comme dit plus haut nous sommes en train de finaliser l'enregistrement du nouvel ep, qui sera assez différent, bien moins déconstruit, beaucoup plus sombre tout en restant fortement onirique et psychédélique harmoniquement parlant. De plus, il y aura quelques guests si tout se passe bien, à la basse, aux vocaux, et même au violoncelle. Slo a aussi composé plusieurs nouveaux titres courant septembre, qui sortiront courant 2007, sûrement sous la forme de split-cd. Ce sont mes favoris, les plus complexes et aboutis qu'il ait composé jusqu'à présent - selon moi en tous cas. S: En effet cette prochaine sortie concept sur la nouvelle de Lovecraft sera plus mature, et développera une ambiance plus 'cosmique' : en illustrant cette nouvelle qui traite d'un duel entre deux astres, il fallait composer une musique spatiale, emphatique. Mais ne vous attendez à rien de futuriste ou proche du domaine de la science fiction. Les éléments électroniques sont très rares, mais les samples et les expérimentations sonores sont toujours bien présentes. Les morceaux sont aussi mieux construits, concept oblige. Celà m'a montré qu'avec peut-être moins de coupures et plus d'homogénéité, nos morceaux n'en devenaient que plus prenant. Je suis en tout cas très fier parce que ce mini-cd arrive à conserver notre style, mais est aussi dans un sens très différent de notre première démo. Il y'aura des passages très doom, d'autres assez post-rock...

>Parlez-nous de ce label God Is Myth. Pourquoi avoir accepté leur offre ?
S: Tout simplement parce que nous sommes en phase avec le style du label, et c'était le seul impératif que nous voulions respecter. On ne savait pas trop où aller, on a envoyé la démo à pratiquement aucun label, parce que notre style est loin des clichés black-metal, on ne savait pas trop à qui s'adresser… Puis Todd nous a contacté via notre site internet, on a découvert son travail et on a de suite été intéressés. God is Myth est vraiment le label parfait pour nos débuts ; Todd est quelqu'un de passionné, et j'aime beaucoup la plupart des groupes signés sur son label, comme Caina par exemple. Nos styles sont très différents, mais je pense que nous sommes de la même famille. Pour plus d'informations, voici leur site : www.god-is-myth.com

>Comme j’ai trouvé quelques vagues similitudes entre ce que vous faites et Blut Aus Nord, avez-vous écouté leur dernier album 'Mort' ? Qu’en pensez-vous ?
S: Oui bien sur, c'est un album très intéressant, pas facile d'accès mais qui possède une aura unique. Comme je disais quelque part à propos de ces titres, à chaque fois que je l'écoute, j'ai l'impression de me retrouver allongé au centre d' une grande pièce vide et noir, entouré de fantômes qui virevoltent et chantent leur triste complainte à demi-mots... Et je pense que c'est un privilège de pouvoir entendre le chant des morts. C: Personnellement, je n'ai pas réussi à rentrer dedans. J'ai toujours aimé BAN, toutes périodes ; 'Mort' est le premier à me décevoir, malgré quelques moments exceptionnels. Peut-être cela viendra-t'il... En tous cas, je suis plus que pressé d'écouter 'Odinist' !

>Je vous laisse le mot de la fin, merci pour les réponses.
C: Merci à In Extremis pour l'interview, bonne continuation à ton zine. S: Merci à toi, tu fais du bon boulot au niveau du style d'écriture avec In Extremis, et ça fait du bien de voir que les zines et les newsletters papier sont encore bien en vie. Un bonjour à Hellkev qui doit lire ces lignes. http://smohalla.fr.nf www.myspace.com/smohalla
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Interview done by DJ In Extremis

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