Psygnosis

Depuis ses débuts, Psygnosis est amené à faire de grandes choses. Le groupe l’avait déjà démontré avec son premier album « Anti-Sublime » mais il va cette fois-ci encore plus loin avec un deuxième album extraordinaire, sobrement intitulé « Human Be[ing] ».
C’est Rémi, guitariste/compositeur et maitre des programmations, qui nous en dit plus sur la gestation de ce second opus longue durée et de l’histoire de ce nouveau line-up.
Sans langue de bois et honnête envers les nouvelles règles imposées par le marché du disque, il se confie sur sa vision de l’image d’un artiste.

[Par Eternalis]

interview Psygnosis1 – Peux-tu revenir sur Raphaël, le précédent chanteur. Que s’est-il passé avec lui ?
Ça a été compliqué en fait. Il ne voulait plus faire de concerts les soirs où il ne pouvait pas rentrer et on voulait aller de notre côté plus loin. Les nouvelles idées musicales que l’on avait ne lui plaisaient pas non plus donc ça ne s’est pas très bien fini entre nous.

Tout ça s’est passé juste après l’enregistrement donc on a tous décidé de se séparer, et Raphaël était d’accord. C’était logique qu’il s’en aille.



2 – Concernant Yohan, il y a l’ep « Sublimation » peu de temps après son intégration. Est-ce qu’il serait sorti s’il n’y avait pas eu de changement de chanteur ? J’ai l’impression que c’est avant tout une présentation finalement, une transition…
C’est exactement ça, on l’a sorti pour présenter Yohan. Quand il a auditionné, il nous a tous foutu sur le cul donc on s’est dit qu’avant même de travailler sur les nouvelles compos, on devait présenter les anciennes avec lui car il incarnait le visage que l’on voulait donner à Psygnosis.

Au début, il ne devait avoir que « Loozing Zeppelin » mais on ne trouvait pas très réglo de n’avoir que deux morceaux sur l’ep donc on a inclus « Judgement » qui finalement ne collerait pas au nouvel album. On avait trois morceaux, c’était encore juste et on a demandé à des potes de faire des remix pour compléter l’ensemble.



3 – Je dois t’avouer qu’au tout début, j’avais eu un peu peur que la personnalité de Yohan ne colle pas avec Psygnosis, que ce soit trop moderne. Pourtant, la claque avec « Human Be[ing] » est immense et il développe une incroyable personnalité. Est-ce qu’il ne s’est finalement pas bridé sur l’ep ?
Oui et non. Disons que à l’époque avec Anthony et Jérémy, nous étions à Macon et Yohan à Bordeaux donc il travaillait seul de son côté. Et il s’est logiquement inspiré des travaux de Raphaël, c’est inconscient donc ce n’était pas forcément ses idées.

C’était plus frais pour ce nouvel album et surtout, Yohan a quelque chose de très violent quand il chante. Il aime gueuler, simplement (rires). Il y a moins de parties claires, même si on insiste pour qu’il en mette car on adore son chant mais il se sent moins à l’aise. Il s’est vraiment investi dans l’interprétation en tout cas.



4 – Comment décrirais-tu « Human Be[ing] ? Déjà vis-à-vis de l’écriture avec les crochets et d’un point de vue musical ?
Alors pour moi c’est « Anti-Sublime » en mieux (rires). Les parties violentes le sont plus, les parties calmes sont plus travaillées, l’ensemble est plus technique et la production est de toute façon largement supérieure. Je ne vois pas autre chose (rires).

Pour le titre, c’est pour dire d’être un humain, un individu propre avec sa propre identité et ne pas faire partir d’un tout, d’un ensemble afin de ne pas prendre de décisions. Je résume un peu mais c’est surtout ça l’idée centrale.



5 – Je trouve l’album bien plus violent et surtout plus organique que les opus précédents, moins industriel au final. Est-ce que tu te retrouves là-dedans ?
Je suis d’accord sur le fait qu’il soit plus organique mais je pense que c’est plus du fait de la prod que de la composition. Ce n’était pas spécialement voulu à la base mais ça en ressort comme ça et tant mieux car on a jamais voulu faire de l’indus au final. C’est paradoxal car je trouve qu’on a mis bien plus d’électronique bizarre dedans. Je pense que la basse y est pour beaucoup dans ce ressenti, tout comme la programmation de la batterie qui est largement supérieure.

6 – Cela amène à la prochaine question. Vous n’avez toujours pas de batteur. Est-ce que c’est une volonté pour garder une plus grande liberté ou alors n’avez-vous pas trouvé la bonne personne ?
Non non nous ne voulons vraiment pas de batteur.

Déjà à la base, j’étais seul et Jérémy m’a rejoint. On ne devait être que deux. Puis on s’est dit que si on voulait faire du live, il fallait un deuxième guitariste. Puis j’ai compris que je ne pouvais pas assurer le chant sur scène et je ne le trouvais pas forcément terrible. Un chanteur est arrivé. Mais concernant la batterie, on n’en a jamais vu l’intérêt, ce que ça apporterait en plus vis-à-vis de notre situation actuelle.

Et puis ça nous amuse de faire chier le monde à ne pas avoir de batteur car cela forme aussi une différence. Cela devient une lutte au quotidien pour démontrer que ce n’est pas indispensable. Un jour peut-être y aura t-il un batteur je n’en sais rien mais pas pour le moment. Cela ajoute un truc bizarre sur scène et on a peur que notre cohésion à quatre soit brisée avec l’intervention d’un cinquième membre. Et on s’entend bien avec le batteur, on fait pause quand on veut, il ne fait pas de blagues à la
interview Psygnosiscon et il ne consomme pas de bières (rires). On se pose la question que quand on nous la pose finalement.



7 – Les citations sont toujours aussi importantes mais cette fois, je n’en ai pas reconnu de prime abord. Est-ce que ce sont des films plus indépendants ? De même, il y a des passages en anglais…est-ce que tu avais peur que le français puisse rendre hermétique les non-francophones ?
Déjà, des films moins connus pas forcément. Moins grand public je dirais. Il y a « Dédale » par exemple, « Seul Contre Tous » de Gaspar Noé ou « Le Dictateur » de Chaplin qui n’est plus vraiment grand public à l’heure actuelle. Ce sont des films qui ont marqués mais qui sont clairement moins lambda.

Il y a aussi « The Fountain » ou « Equilibrium » qui sont pourtant de gros films mais peut-être que les citations font moins « tilt ».

Pour les passages en anglais, c’est surtout qu’elle sonnait mieux en anglais. C’est vraiment juste une histoire de sonorité et de couleur. C’est uniquement pour le contexte du morceau et plus esthétique comme ça.



8 – Le titre « Ressurection » me fait penser à Gojira, dans le riff très tranché ou le tapping. Je sais que tu es fan de Gojira, est-ce que la comparaison te dérange ?
Je peux comprendre mais comme je te disais mais Gojira n’a pas inventé le « tapping » (rires). Après, c’est mon groupe préféré donc je ne peux pas mentir en disant que c’est une influence majeure.

On peut ressortir pas mal d’influences, comme Meshuggah ou Autechre pour l’electronique très étrange.

Je dirais que le groupe qui m’inspire le plus quand je compose est Hypno5e car il y a tout ; la dualité des parties, le calme et la violence, les samples…Quand Hypno5e a sorti son premier album, je me suis dit que c’est ça que je voulais faire. Je ne veux pas de toute façon les copier car ils sont géniaux et je ne pense pas pouvoir faire aussi bien qu’eux mais s’il y avait un nom à ressortir, ce serait clairement eux.



9 – Tu étais au début de Psygnosis seul maitre à bord puisque le groupe était un one man’s band. Est-ce que le fait d’incorporer des musiciens a modifié ta façon de faire ?
Je reste le seul à composer mais disons que l’avis de mes camarades est primordial, ils sont les premiers juges de la musique finalement. Ils disent les trucs qu’il faut changer si ça ne va pas même si c’est moi qui agence la musique et retravaille quand justement quelque chose cloche.

On est souvent ensemble et ils sont présents pendant le processus. Par exemple, au niveau de la basse, c’est Jérémy qui fait ses parties de basse ou Yohan qui place ses lignes de chant même si je le guide pas mal. Antony c’est un peu différent car je suis aussi guitariste même si à côté il travaille sur les solos car je ne suis pas un grand fan de l’exercice.



10 – Et vis-à-vis des films, est-ce que certaines compositions sont venues d’un film ou alors les places-tu uniquement une fois que tout est terminé ?
C’était le cas sur « Anti-Sublime » surtout mais pas du tout sur le dernier. Je dirais même que j’ai moins de samples dernièrement, il y en a moins qui me parle. Mais sur « Phrases 2.1 » par exemple, le sample de « Pulp Fiction » m’a donné l’idée du morceau, idem pour celui de « Identity » où je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose autour de ça.

Sur « Human Be[ing] », ça a été différent et j’ai d’ailleurs incorporé des éléments différents, des reportages, des interviews…ça se fait vraiment au feeling.



11 – Yohan a un côté plus moderne et djent dans sa voix claire par exemple. Je sais que tu aimes particulièrement cette nouvelle scène. Est-ce que tu y vois une porte de sortie pour l’avenir ?
Hum…l’avenir du metal pas du tout mais vraiment comme une nouvelle frange, comme le neo metal à un moment, le deathcore ou le metalcore. Je suis ultra sélectif dans ce genre parce qu’il y a quand même pas mal de tri à faire.

C’est vrai que Yohan a un côté bien plus moderne, surtout comparé à Raphaël qui était très old school, à fond dans Carcass ou Beherit alors que Yohan est fan de Whitechapel donc l’approche est clairement différente. C’est aujourd’hui clairement le visage que l’on veut donner à Psygnosis.



12 – Le visuel de Psygnosis est toujours très travaillé. Qu’est-ce que représente l’artwork et a t’il été créé spécialement pour l’album ?
Notre graphiste s’appelle Okiko et est vraiment timbré (rires). Il s’implique vraiment, c’est lui qui a fait toutes nos pochettes, les tee-shirts et c’est vraiment quelque chose qu’il créé à chaque fois spécialement pour nous.

Il est complètement ravagé dans sa tête et on adore ce qu’il fait, il y a énormément de détails. Celle de « Human Be[ing] » fait référence au mythe d’Isis et je la trou
interview Psygnosisve vraiment extraordinaire.



13 – Les groupes français se plaignent souvent du manque de soutien du public, des infrastructures pas au niveau…qu’en penses-tu ?
Je pense que le problème vient plus du public que des infrastructures. Le public est constamment sollicité, il y a des infos partout et il ne sait finalement plus où donner de la tête, ce qui fait que quand il voit une affiche de concert où qu’il se passe un truc le soir, il se dit simplement que c’est le cinquième concert du mois.

C’est complètement humain et je généralise comme un con parce que certains coins ne voient rien de l’année (rires). Mais dans les grandes villes, il y a tout le temps quelque chose et les gens ne sont plus forcément motivés pour sortir partout et ce n’est pas forcément le moment où on a le plus d’argent pour sortir de chez soi.

Concernant les infrastructures, c’est surtout qu’il faut se bouger car rien ne se fait tout seul. On se décourage pour peu de choses et rien ne tombe directement dans le bec.



Je pense finalement que le téléchargement est très complémentaire à ce phénomène car le live se vit et les albums ne sont qu’un levier pour se déplacer. Si un jour on ne met plus nos disques en téléchargement gratuit, je pense qu’on sera vendu (rires). C’est compliqué parce que c’est difficile aujourd’hui de se sortir de la masse sans passer par la diffusion de sa musique. Je le vois avec des amis qui font de la musique très bien mais qui sont bridés par leur label qui ne se bouge pas assez. Il y a 15/20 ans, on pouvait acheter un cd parce que la pochette était jolie mais c’est plus le cas aujourd’hui, il faut donner l’opportunité de découvrir ta musique pour avoir l’espoir qu’un type l’achète.

Même le streaming je trouve ça limité. Clairement, je télécharge aussi comme un fou et j’achète après ce premier tri parce que c’est nécessaire. Il y a trop de groupes aujourd’hui. Il ne faut pas être égoïste et tout vouloir de suite, savoir partager avant de voir les choses bouger devant. Il faut voir la poussière et se faire cracher dessus avant de se relever. On a de la chance car on ne s’est pas trop fait cracher dessus donc tant mieux pour nous (rires). Mais j’en connais beaucoup qui ont d’excellents albums mais qui rament plus que nous.



14 – Le label t’emprisonne donc à ton sens ?
A l’heure actuelle carrément. Le label est ton patron. Il faut faire ceci et cela, il ne faut pas mettre d’albums en téléchargement car il n’y aura pas de sous, il faudra retravailler la pochette ou le packaging car il y a un risque de censure…je comprends c’est leur business mais je ne supporterais pas d’avoir quelqu’un au-dessus de ma tête constamment.

On est indépendant mais on a Dooweet qui fait un super travail de promotion. Les deux seuls avantages d’ailleurs d’un label aujourd’hui, ce sont la distribution et la promotion qui va avec quand le label est assez gros, car certains ne font rien. Mais de notre côté, Dooweet travaille très bien et fait un max de pub. Concernant la distribution, la plupart des gens achètent sur internet aujourd’hui donc il faut se poser la question de l’intérêt de dépenser de l’argent pour ça. « Anti-Sublime » et maintenant « Human Be[ing] » n’ont pas eu de distribution, c’est uniquement sur internet et pendant les concerts et c’est aussi pour ça que l’on met les albums en téléchargement, pour qu’ils puissent les découvrir avant de nous voir.



15 – Surtout que ce n’est pas Psygnosis qui va passer en prix vert comme les albums de Nuclear Blast ou Century Media après six mois…
Ouais et le but de la musique, c’est surtout de partager ce que tu fais. J’essaie modestement d’être un artiste à défaut d’être un commerçant. Je pense qu’on peut résumer ma pensée de cette manière-là.

16 – Si le packaging est à la hauteur, ça aide en plus à inciter les fans à dépenser un peu !
Complètement et c’est pour ça qu’on travaille en ce sens. Quand j’achète un album, j’essaie toujours de voir s’il y a un digipack sinon ça me fait un peu chier. Mais il faut avouer que ça coute cher, que ce soit presser les cds, s’occuper du design et de la comm, ce n’est pas quelque chose d’évident quand on est indépendant et ça demande des sacrifices.

17 – Je crois qu’on a fait le tour. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?


Je ne sais pas trop quoi ajouter, je pense qu’on a dit beaucoup de choses. Je te remercie déjà car tu suis Psygnosis depuis le tout début, même quand j’étais seul donc c’est vraiment cool de voir ça.

Et comme l’interview va être lue, je vais les remercier d’être arrivé jusque-là (rires). N’hésitez pas à télécharger nos albums, c’est légal et c’est nous qui vous le demandons pour nous découvrir et venir nous voir après quand on passe près de chez vous. A bientôt j’espère !


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interview réalisée par Eternalis

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