>Salut, pourrais-tu présenter le groupe aux métalleux français qui, par le plus grand des mystères, ne vous connaîtraient pas encore ? Quand/où/pourquoi avoir créé Martyr ?
Nous sommes un groupe de la ville de Trois-Rivières de la province du Québec, au Canada. Nous avons commencé à jouer de la musique quelques années avant, mais Martyr a été officiellement lancé avec le démo 'Ostrogoth' en 1995. Nous voulions nous exprimer au travers de la musique, et aussi créer une musique satisfaisante tant émotivement qu'intellectuellement. Nous avons eu quelques changements au sein de la formation au cours des années pour en arriver à la sortie de 'Hopeless Hopes' en 1997 et 'Warp Zone' en 2000. Puis nous avons fait un cd live en 2001. Et enfin le dernier album 'Feeding the Abscess' en 2006 après quelques années d'attente.


>Pourquoi ce nom Martyr d’ailleurs, vous préfèreriez mourir que de baisser les armes ? Vu le passé musical de certains d’entre-vous, j’aimerais savoir avec quels groupes vous avez forgé votre culture métallique ? Voïvod j’imagine ? Perso quand j’écoute 'Feeding…', DBC me revient en mémoire, Annihilator un peu également et surtout le Death dernière époque 'The Sound Of Perseverance'.
Martyr, c'est l'idée de garder ses convictions tant qu'elles ont une signification pour soi. C'est de tenir à ces principes pour demeurer intègre à soi-même et face aux autres malgré leurs opinions divergentes. Je ne parle pas de fanatisme non plus. Il faut rester ouvert d'esprit et toujours être capable de remettre en question ses convictions. Il faut rester lucide dans nos prises de position. Voivod, Annihilator et DBC ont été en effet dans nos groupes de prédilection dans une époque ou une autre du cheminement de Dan (vocal et guitare) et moi. De plus, Dan a bien apprécié Death, Strapping Young Lad, et personnellement j'aime bien Slayer, Dimmu Borgir, les premiers albums de Meshuggah, et de Fear Factory. Patrice (batteur) a plutot écouté longtemps du Slayer et Pantera. Martin (guitare) est un fan de musique progressive. Il a écouté également Pantera et Megadeth.


>Abordonc stp 'Feeding The Abcess' plus précisément, votre excellent dernier album en date qui tourne en boucle chez moi depuis que je l’ai acheté. Où êtes vous allé l’enregistrer ce chef-d’œuvre ? Le son est d’une profonde limpidité, toujours satisfait du résultat après plusieurs mois de recul ?
Nous sommes allé enregistrer au Wild Studio de Pierre Rémillard. Son studio est situé dans un parc national ou un truc du genre. C'est dans la forêt, devant un lac. C'est un endroit incroyable pour faire un album car lorsque le stress était à son max, il suffisait de sortir, prendre un kayak et aller se relaxer sur le lac un petit 15-20 minutes. Le mixage a été long et ardu par moments car notre écriture est assez large. Nous voulions que tout soit bien audible tout en gardant l'ensemble efficace. Nous voulions un résultat satisfaisant pour tous et je crois qu'il y est arrivé avec succès.


>Par rapport à 'Warp Zone', la très grosse influence Voïvod qu’on pouvait ressentir dans vos riffs a l’époque semble aujourd’hui beaucoup plus diluée. C’est le changement de guitariste qui a rendu la chose possible ou l’énorme laps de temps entre ces 2 albums ?
C'est sûrement la maturation du groupe car l'ancien guitariste n'écoutait pas tellement de Voivod. Le temps passé entre les 2 albums a permis de se resituer aussi. Est-ce que l'on voulait continuer dans la même voie ? Prendre une nouvelle tangente ? Pousser la machine à fond ? Toutes ces questions sont restées sans réponses sauf une : nous voulions continuer tant qu'il y aura du plaisir à le faire.


>A propos du changement de guitariste justement, Pier-Luc Lampron est venu faire une apparition en guest sur un des titres de 'Feeding…'. Pourquoi a t’il quitté Martyr en 2001 ?
Justement je l'ai vu hier au party annuel du groupe (blé d'inde, hot dog et bière, miam!) et nous avons parlé de cette époque. Il était en pleine rédaction de son mémoire de maîtrise en philosophie, et que de partir plusieurs jours ou semaines pour

faire des concerts ce n'était pas pour lui. Nous sommes toujours resté en bons termes.


>J’aimerais savoir comment vous procédez pour composer ? Combien d’heures de répétitions hebdomadaires tous ensemble ? Beaucoup de modifications pour arriver à une version définitive ? Qui amène généralement les bases d’une nouvelle chanson ?
Nous avons toujours composé disons 90% du temps chacun de notre côté. Mais nous voulons essayer différentes méthodes pour les prochaines compositions. Il y a 5-6 ans, nous pratiquions 3-4 fois par semaine mais maintenant c'est une fois par semaine ou aux deux semaines étant donné la distance et nos occupations personnelles. Mais nous arrivons quand même à nous en sortir. Une nouvelle pièce passe au travers d'une multitude de modifications avant d'en arriver à sa version finale. 'Perpetual Healing', 'Lost in Sanity', la première partie de 'Dead Horizon', 'Silent Science' ont pris des mois et des mois de modifications. Nous tentons maintenant d'alléger notre méthode ! Dan est le compositeur le plus prolifique. J'apporte de plus en plus de composition, et Martin a composé quelques parties de pièces sur le dernier album.


>Votre métal est très complexe mais garde toujours une étonnante fluidité, et un gros feeling. On est très loin d’un truc hermétique réservé aux seuls musiciens initiés. C’est important pour vous de proposer ce coté accessible ?
Ce n'est pas tant pour l'accessibilité mais pour faire des chansons écoutables. S'il n'y a pas de fluidité, ce ne sera pas intéressant pour nous-même à l'écoute et pour l'interprétation. C'est je crois tout un défi de rendre fluide un contenu complexe. Si une partie d'une pièce semble problématique, nous tenterons de la corriger coûte que coûte, et si rien ne fonctionne, nous préférons plutôt rejeter cette partie que de la garder.


>Traditionnellement, le Québec a toujours vu grandir des groupes métal ultra techniques. Ça vient de quoi d’après vous ? Un secret dans la bière ou dans la viande de caribou qui, ingurgitée à haute dose, bouleverse les neurones des musiciens chevelus ?
La bière ? Peut être ! Nos bières sont très variées et intéressantes. Le caribou??? Haha, je crois avoir goûté ça une seule fois ! C'est peut-être la poutne alors (frites, fromage en grains et sauce brune) un festin de gras saturés ! Non, je ne sais pas... le Québec a souvent été décrit comme un mélange des USA et de l'Europe dans le métal... Je ne pourrais pas vraiment répondre précisément à cette question. Peut-être que le Québec se voit comme une société distincte (avec la volonté de séparation) jusque dans le métal ?


>Vous avez fait appel à un violoniste sur 'Feeding…', mais cet instrument n’est pas du tout employé de façon traditionnelle pour le métal (les sonorités larmoyantes du doom). Ça n’a pas du être simple pour incorporer ces plans au sein de vos compos ?
Etonnamment, ça a été très simple. Martin a amené l'idée du violon. Je n'étais pas chaud à l'idée au départ car je n'aime pas vraiment ce qui se fait avec les violons dans le métal. Lorsque j'ai assisté à l'enregistrement, j'ai vu le violoniste se déchaîner sur son instrument et j'ai dès lors été vendu à l'idée. L'incorporation du violon par la suite a été sans problème.


>Quels thèmes abordez-vous dans les paroles ? Est-ce aussi torturé que musicalement ? Qui les écrits ? C’est l’actualité qui vous inspire, vos lectures, des réflexions ?
Les thèmes abordés sont souvent suite à des événements qui nous dépassent, soit suite à des réflexions sur les problèmes que l'on peut rencontrer. Pour le dernier album, nous avions des sujets et des paroles en français et nous avons fait appel à l'un de nos amis qui est bilingue et qui est amateur de littérature anglaise. Il a adapté nos textes et idées pour en faire un rendu crédible et sans faille. Nos anciens albums avaient comme défaut de ne pas offrir un a

nglais disons, impeccable haha ! Les paroles sont assez torturées, les images sont souvent assez crues mais toujours pour faire passer une idée. Par exemple, dans 'Feast of Vermin', on nous invite à un festin où l'on nous assois pour écouter les autres parler, et on nous offre du rat. Et on nous convainc que c'est de la fine cuisine. On nous dit être important pour eux, et on nous félicite d'apprécier leur bonne compagnie. Mais il faut faire bien attention pour rester assis et surtout ne pas dire un mot. Nous ne sommes que leurs supporters. Cette chanson peut être vue comme une caricature des intentions des politiciens mais peut tout aussi faire référence aux médias majeurs, aux entreprises, aux écoles...


>La pochette de 'Feeding…' est superbe elle aussi, qui l’a dessinée ? Quelle est l’idée que vous vouliez mettre en avant à travers ce visuel ?
Les images de la pochette ont été conçues par Richard Marchand, un artiste de Vancouver. (Malgré son nom, c'est un anglophone qui ne parle pas un traître mot français!). Je cherchais des images sur le web et je suis tombé sur ses oeuvres. J'en ai sélectionné plusieurs et en groupe nous nous sommes arrêté sur celles de l'album. Ensuite, notre infographiste Martin Laliberté (il avait conçu la totalité de la pochette 'Warp Zone'), a modifié les couleurs et quelques éléments des images pour en arriver au résultat final. L'idée derrière le visuel est de montrer trois strates d'une société. Ceux qui contrôlent les gens par le brainwashing, la désinformation, la bullshit... Ceux qui la gobent et qui font donc partie du système : qui marchent donc en aveugles. Et finalement ceux qui refusent de fermer les yeux, mais qui croupissent parce que délaissées à eux-mêmes, rejetés par cette société. Il faut savoir dans quelle strate on veut se situer... maintenir nos principes ou être bien portants et sans libre pensée, ou encore se retrouver en haut et tout faire pour le pouvoir.


>A la fin de 'Feeding…', il y a cette fameuse reprise du 'Brain Scan' de Voïvod avec en guest justement Blacky, leur mythique bassiste avant son remplacement par Jason Newsted. Ça devait être émouvant de bosser sur cette reprise, avec Piggy encore dans les mémoires ? Perso en l’écoutant, je peux t’assurer que les frissons sont au rendez-vous. Comment s’est passé cette collaboration avec Blacky ?
C'était génial ça ! Et on voit Blacky régulièrement car il agit en tant que soundman dans nos concerts ! Il est vraiment freak ! C'est un punk, un kid dans la quarantaine. Il nous fait bien rire. Blacky a tout de suite accepté de se lancer dans le projet de l'enregistrement. Il a bien apprécié je crois. Et nous aussi ! Blacky a toujours eu le don de trouver les notes et la rythmique à la basse pour faire changer tout le contexte d'une pièce. J'ai toujours admiré son jeu et son écriture. L'idée derrière cette reprise était de rendre un hommage au guitariste Piggy, qui a tellement innové dans le métal. C'est une inspiration pour nous.


>Vous donnez pas mal de concerts au Canada, mais à ma connaissance vous n’êtes jamais venu en Europe. Comment s’est passée cette tournée en mai avec Neuraxis d’ailleurs ? Sinon vous pensez venir jouer en Europe prochainement ?
Neuraxis sont des personnes très sympathiques. Nous avons bien déliré durant le voyage. Nous espérons un jour pouvoir jouer en Europe... C'est une question de timing, de budget, de trouver la bonne opportunité. Ce serait vraiment super !


>Bossez-vous déjà sur le prochain album ? Des choses à nous dire niveau projets immédiats ? Je te laisse finir, merci pour le temps passé à répondre.
Nous en avons parlé mais rien n'est vraiment commencé. Nous avons quelques projets dont un dvd live qui sortira cet automne. À ne pas manquer ! Pour ce qui est d'un nouvel album, nous espérons que ça n'attende pas plus de 3 ans cette fois-ci ! Merci beaucoup pour l'entrevue et continuez à supporter la scène métal ! Visitez notre site pour les dernières nouvelles.




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