Lofofora

Lofofora compte 7 albums à son actif pour 23 ans d’existence. Ce groupe parisien fut l’un des pionniers de la fusion en France. Ils se veulent psychotropes et hallucinogènes comme la peyolt qui leur a inspiré leur nom [ndlr : Son nom scientifique est Lophophora williamsii, il s’agit d’un cactus dont la substance sert à des rites amérindien].
Leur 7ème album, « Monstre Ordinaire », est sorti en octobre 2011 avec un nouveau batteur, Vincent Hernault. C’est quelques temps après la sortie que Reuno Wangermez revient sur l’histoire de cet opus et du groupe pour Spirit of Metal.

[Questions par Julien, réalisé par Eternalis et retranscrit par GloryHoll]

interview Lofofora1 - Que s’est-il passé depuis la sortie du précédent album, « Mémoire de Singes », en 2007 ?
Reuno : Une tournée a suivi comme d’habitude, parce que c’est ce qu’on aime faire. Après, on s’est fait plaqué un peu brutalement par notre précédent batteur qui est parti pour jouer dans un groupe de pop. Donc, il a fallu rebondir vite parce qu’on avait des dates genre une semaine après. J’avais rencontré un jeune du côté de Dunkerque, Vincent. J’avais beaucoup aimé son jeu et il jouait avec un groupe de stoner/rock basé du côté de Lille, nommé Zoé. J’avais adoré sa frappe et son groove. Evidemment, j’ai pensé à lui et il a dit OK dans un premier temps pour remplacer notre batteur sur les dates. Puis, par la suite, il y eu une bonne entente humainement, donc naturellement c’est devenu notre nouveau batteur de Lofo. Après ça, Daniel est parti un an en Angleterre, c’était difficile de se voir souvent pour composer. Quand on s’est mis à composer, Vincent se sentait déjà bien à l’aise puisqu’il avait pu commencer par des dates dans le groupe. Il a pu s’exprimer. Du coup, il a beaucoup apporté sur la composition du dernier disque.

Question 2 : Justement, qu’est-ce que Vincent a apporté à ce nouvel album ?
Reuno : De par son côté humain, très à l’écoute et très observateur, il fonctionne comme ça au quotidien, il n’a pas cherché à faire des choses de son côté et à imposer aux autres de s’adapter. C’était un travail très collectif où chacun était attentif aux parties des autres. Il a beaucoup apporté de ce côté-là. Même si c’est un batteur purement technicien par rapport aux batteurs précédents, il a plus de feeling et de groove. Je ne sais pas si je suis super objectif mais c’est mon ressenti.

3 - Vous venez de sortir un coffret qui regroupe une bonne partie de votre disco pour un prix relativement réduit. Qui est à l’origine de ce projet ? Et, pourquoi avez-vous fait cette démarche ?
Reuno : Tout simplement parce que les disques de Lofo, les premiers ont été produits par Virgin, donc ils leur appartiennent et il n’y a qu’eux qui peuvent ressortir le premier. Par contre, tous les autres disques ont soit été produits par nous-même, soit par At(h)ome qui a produit « Les choses qui nous Dérangent ». On trouvait ça cool. Et comme on les avait produit sur notre label Sriracha qui n’existe plus, car on a mis la clé sous la porte avec notre structure, les disques n’étaient plus disponibles. Plutôt que de les vendre séparément 15€ pièce, on a préféré faire un coffret où tous les disques qui nous appartiennent, qu’on a le droit de ressortir, soient disponibles.

4 - La pochette de « Monstre Ordinaire » est plus réaliste que ce que vous avez pu faire auparavant. Pourquoi ce change au niveau du visuel ?
Reuno : Parce que rien n’est plus éternel que le changement (Rires). Non, parce qu’on s’est posé la question. Phil (Curtis, bassiste du groupe) avait dessiné la plus part des pochettes de Lofo, mise à part la précédente qu’on avait confié à Julien (Barthélémy) de Stupeflip. Pour cet album là, il y avait Eric Canto, un photographe que je connais depuis un moment, de la région de Montpellier où j’ai habité un moment. Je connaissais déjà son travail ; il avait fait des photos de presse pour mon autre groupe, Mudweiser [ndlr : Groupe Montpelliérain de stoner/rock fondé en 2005 que Reuno a rejoint en 2006]. Il m’avait dit « Je te préviens, si tu ne me demandes pas de faire le prochain Lofo, ça va mal se passer », donc j’ai cédé à la menace. Puis, on s’est surtout dit que ça pourrait être intéressant comme on ne l’avait jamais trop fait. Et, il y avait l’aspect plus narratif dans mon esprit cinématographique qui se prêté bien à une pochette à base de photos.

5 - La pochette fait penser à l’affiche du film « La colline à des yeux 2 ».
Reuno : C’est marrant, tu es la troisième personne qui me parle de « La colline à des yeux ». Il faut que je vois ça. Il y a un mec avec une pelle comme ça ?! [ndlr : Il n’y a pas de pelle, il traine un cadavre mais les couleurs et l’ambiance sont très semblables]. Moi, je n’avais pas pensé à ça personnellement. La pelle me faisait pensé à Bernie Noël [ndrl : personnage joué par Albert Dupontel] et à Joe Pesci [ndlr : Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris], deux idoles. Sinon, le côté visuel m’a plus fait penser à des films comme « No Country for Old Men » ou des séries comme « Breaking Bad » que j’ai beaucoup aimé.

Eric Canto était dans la confidence très tôt. On lui a fourni les maquettes des morceaux, je lui ai envoyé mes textes. On se faisait des échanges de références cinématographiques, de photographes, d’images qui nous plaisaient. On a beaucoup échangé. C’est évidemment son travail mais on était quand même en contact. Depuis un moment, il était déjà imprégné de l’univers de l’album. Et quand on a vu le résultat final, on ne s’attendait pas du tout à ça et on a été vraiment enchanté.

Toutes les photos du livret sont extraites de la même séance photos. J’avais envie qu’on ait l’impression que l’image était extraite d’un film.



interview Lofoforaont size="3" color="#CCCCCC">6 - Comment s’est passé l’enregistrement de l’album ?
Reuno : En fait, quand on a vu que les compositions avaient un aspect assez dark et rentre dedans, et en même temps avec plus d’harmonie que jamais, il nous est revenu le nom de Serge Morattel, un monsieur qui a notamment fait un album de Houston Swing Engine [ndlr : groupe suisse de stoner], « The Tiger Flamboyant », que j’avais adoré. C’est aussi le mec qui a fait tous les albums de Knut, mise à part le premier. Il a aussi fait des albums pour des groupes du sud de la France que je connais bien, comme Tantrum et Spinning Heads. Il leur a fait des albums très bourrins et très rentre dedans mais en même temps avec un spectre sonore assez large, pas quelque chose de trop compressé. Donc, vu l’aspect des compositions et la tournure que prenait l’album, on s’est dit qu’il serait bien de lui confier l’animal et de nous se plonger plus dans cet univers. Quand on l’a appelé, il est très vite venu nous voir au local. Tout de suite, c’est devenu un pote. On s’est régalé avec lui. On a passé 15 jours … pourtant l’album rigole pas du tout, mais Serge est adorable. On a bien rigolé pendant deux semaines chez lui. C’est quelqu’un qui sait t’amener à sortir ce que tu as de mieux.





7 - Que signifie le titre de l’album « Monstre Ordinaire » ? Comment un monstre peut-il être ordinaire selon toi ?
Reuno : Quand la monstruosité est accepté comme un truc naturel. On vit dans un système actuellement … où il y a des enfants qui se suicident quand même, où tu as des gens qui se suicident à leur travail … Et puis, en fait, ça fait juste 10 secondes au JT, 30 secondes dans ta tête et après tu passes à autre chose, parce que tout est fait pour que tu passes à autre chose, que tu penses à ton petit nombril, savoir comment tu vas avoir le Iphone 5 avant tout le monde … c’est ça la monstruosité ordinaire. Je cite que ces exemples là mais c’est l’habitude de ce système qui nous écrase, nous sidère, nous humilie à longueur de temps, et qu’on fini par trouver normal. Je trouve ça vraiment dégueulasse et monstrueux. En fait, les gens ne se masquent plus pour marcher sur la gueule des autres. C’est comme si c’était devenu une façon de faire tolérable. Moi, je ne le tolère toujours pas.

8 - Est-ce que tous les titres sont autours de cette thématique ou est-ce que tu abordes aussi d’autres sujets ?
Reuno : Le titre est venu en premier et m’a donné l’idée pour les textes. La plupart tournent autour de ce titre. Je me suis pas mal renseigné sur la question de la monstruosité, dans la différence, par les actes, dans la mythologie, dans l’imaginaire de chacun. C’est quelque chose qui m’a beaucoup inspiré.





9-: Vous avez déjà beaucoup de dates de prévu pour l’année qui arrive. Comment appréhendes-tu la future tournée ?
Reuno : J’attends ça avec impatience. On sait qu’on a fait un album où les titres sont plus physiques que jamais à jouer. Donc, on va se refaire une petite santé avant de repartir en tournée. On a hâte de partager ces morceaux du dernier album où des passages vont nous procurer des bons moments de folies en live. On est pressé de voir ça.

10 - La musique et les textes du groupe sont souvent viscéraux et viennent des tripes. Est-ce qu’il y a des reproches ou des compliments qui t’ont vraiment touché depuis que le groupe existe ?


Reuno : Au tout début de Lofo, quand on a sorti notre premier album, on a eu à faire à des gens donneurs de leçon. Ça m’a étonné parce que moi je ne donne de leçon à personne. Il y a même des textes, je les écrits pour me botter le cul à moi-même, avant tout. Et puis, qui je suis pour donner des leçons à qui que ca soit ?!

J’ai juste envie d’amener les gens à se poser des questions. Je suis plus un empêcheur de tourner en rond qu’un donneur de leçon. Sinon, si la musique n’était pas devenue mon métier par accident, je ferais toujours de la musique et j’écrirais toujours avec la même passion et la même envie. Après, si on avait écouté toutes les critiques au début de Lofo, on se serait mis à faire du Fonky Family et on aurait bien l’air couillons aujourd’hui.



11 - Est-ce que tu aurais une anecdote à nous raconter à propos de la composition de l’album ou de l’enregistrement qui t’a marqué.
Reuno : Oui !! Oui !! En fait, le dernier morceau qu’on a composé, qui clôture l’album … J’arrive en répète, en retard. Les copains étaient en train de s’installer. Daniel était branché, il jouait un riff de tueur qui lui a été inspiré d’un morceau qu’il écoutait sur son Ipod[ndlr : On n’expliquera pas les détails légèrement scatophiles de l’anecdote]. Une idée lui est venue, on a composé le morceau dans l’après-midi. J’ai écrit les paroles sur le tas. C’était l’avant dernière journée de répète avant le studio. On était tous les quatre dans une euphorie créatrice, tous sur la même longueur d’onde. C’était génial. A un moment, on a eu une montée d’adrénaline, c’était incroyable. Ça nous a mis vraiment en confiance ; ça nous a montré qu�
interview Lofofora��on était soudé et prêts à enfoncer le clou pour un nouvel album.

12 - Tu m’as parlé de Mudweiser, ton autre groupe où tu chantes en anglais. Qu’est ce que t’apporte musicalement ce projet ? Et comment tu vis de chanter et de composer autrement ?
Reuno : En effet, c’est complètement différent. Je serais incapable d’enchaîner les deux concerts. Pas pour une question d’énergie et de patate mais parce que je ne suis pas du tout dans le même état d’esprit. Mudweiser, je me sens plus dans la musique, ma voix est plus un instrument de musique. Je me sens moins raconteur d’histoire, même si j’en raconte quand même. Je me sens plus dans un rôle de chanteur. Dans Lofo, je me sens plus dans un rôle d’interprète de mes propres textes. Puis, comme je suis un grand amoureux de soul, de musique black, de rytm and blues … Et, dans les premiers groupes de hard rock, ce sont ces influences là qui sont venues en premières … Comme on était dans un esprit de hard rock et seventies, je trouve ça cool de pouvoir exprimer mon côté un peu black et blues dans cette musique là. J’ai pas le courage d’aller m’inscrire dans des clubs gospels, je ne me trouve pas assez bon.

13 - Comment vois-tu l’avenir de Lofofora dans quelques années ?
Reuno : On ne mettra plus de shorts parce qu’on aura des varices, pour le respect de notre public. Après, je ne sais pas … On prendra peut-être des hormones de croissance pour rester en forme. Je déconne … Mais, je ne sais vraiment pas. Tant qu’on aura l’énergie, on ira aux charbons. On fera peut-être de la musique moins énervé dans 10 ans. Ça sera peut-être un peu plus du blues. On a encore envie de continuer. On a dû mal à se projeter dans l’avenir. J’ai dû mal à voir 6 mois en avance, alors imaginer 10 ans, c’est encore plus difficile pour moi.

14 - Les textes de l’album nous montre bien ta révolte contre la société actuelle. Est-ce que tu penses qu’il y a eu une évolution dans la société depuis 20 ans ? Et, si oui, dans quel sens ?
Reuno : Oui, dans les deux sens. Il y a plus de pire et plus de bien. Plus que jamais, on est tous capable du meilleur et responsable du pire, comme je le dis dans un de mes textes. On est rempli d’espoir quand on voit des peuples se soulever et réussir à renverser un tyran … Sauf que quand on voit la première mesure qu’on prend en Lybie s’est de rétablir la polygamie et d’interdire le divorce, on se pose des questions. Après, il y a le phénomène de toutes ces nouvelles technologies où les informations circulent à la vitesse de la lumière …

Contrairement à Jacques Séguela, je trouve que c’est plutôt un bien. Je suis pour que toutes vérités soient bonnes à dire. Je suis pour que les gens soient conscients du monde dans lequel ils vivent. Aujourd’hui, ils ont tous les outils pour le faire, seulement ils les utilisent pour faire valoir encore une fois. Tout va très vite, dans le pire comme dans le meilleur. A chacun de faire la part des choses. Tout est fait pour nous déresponsabilisé, donc c’est facile de faire comme si on n’était pas au courant ou autre … Que les gens se regarde en face.



15 - Que représente l’esprit du metal pour toi ?
Reuno : Rien du tout ! (Rires) Je n’ai pas dû tout une culture de metaleux même si on me dit chanteur de metal. Je crois que Vincent et Daniel écoutent du metal, un peu Phil peut-être, moi pas du tout. Ça reste aussi une forme de rock’n’roll, juste pour faire cette musique libre. Le rock s’est une musique qui a été faite à la base pour bousculer les consciences et remettre les choses en question. Les gens qui deviennent spécialiste ou gardien d’une chapelle, ils me font penser aux fans de Johnny, où il n’y a que Johnny et le reste c’est de la merde. Je trouve que beaucoup de fans de metal sont un peu comme ça. Je pense qu’il faut bien veiller à ne pas s’enfermer dans des carcans. Il n’y a rien de sacré dans la musique. Tout est fait pour être bouleversé, revisité, réinterprété … La musique, il faut que ça reste quelque chose d’ouvert et de libre. S’il faut répondre à des codes pour être respecter, ça devient complètement absurde. Malheureusement, il me semble que c’est souvent comme ça dans le milieu metal.

16 - Je le laisse les derniers mots pour Spirit of Metal, pour les fans français … Si tu veux ajouter quelque chose.
Reuno : Alors … J’encourage tout le monde à arrêter de payer des places à 60€ pour aller voir des supers productions dans les arénas qui vont être construite dans les prochaines années. Il faut aller voir où ça se passe vraiment, dans les salles où les places sont pas chères. Tu vois des gens qui ont vraiment quelque chose à te donner, à partager. Tu en as vraiment pour ton argent, plus que lorsque tu vas voir une super production en dolby surround. Bientôt, tu iras voir les concerts avec des lunettes 3D … Faut arrêter le massacre et se rappeler ce qu’est le rock : c’est 4 mecs en tongs avec des amplis et une poignée d’autre avec une nana qui s’éclate devant. Faut relativiser tout ça et écouter la parole de Saint Rémi de temps en temps (Rires). Rien n’est sacré à part Rémi (Rires).





interview réalisée par Eternalis / GloryHoll

3 Commentaires

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krakoukass56 - 19 Juillet 2012: Pas faux le dernier paragraphe... on a bien ressuscité Tupac avec un hologramme, c'est que le début.

En revanche le coup du gardien de chapelle, pas trop d'accord avec lui. Le Metal est tellement bigarré, y'en a pour tous les goûts (surtout que le gazier m'avait déjà confié être fan de Fishbone, donc bon y'a Metal et Metal...).

Merci pour cette bonne itw.
rambo53 - 19 Juillet 2012: Merci pour l'interview, je ne suis pas leur plus grand fan mais j'apprécie leur positions et leur franc parlé dans leur textes ça change, et en concert ils déchirent et Reuno est très proche de son public, il se mèle à lui, plainsante avec lui, et cela même sans jouer juste comme ça lors des première parties.
Ca fait du bien de voir des artistes qui savent que sans leur public ils ne seraient rien et les remercie.
Mr4444 - 18 Août 2012: Pour avoir vu Lofo plusieurs fois en live, je trouve cette interview très rafraîchissante. C'est plus sa réponse à la question sept qui m'a botté. Un grand merci pour cette interview d'un artiste dont beaucoup devrait s'inspirer, ne serait-ce que pour apprendre davantage d'humilité.
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