VIRGIN STEELE
THE MARRIAGE OF HEAVEN AND HELL - PART ONE (Album)
1994, T+T Records




AlonewithL : 16/20
Après que l’hoplite ait fuit le champ de bataille pour conter fleurette à la belle bergère sur le très glamour « Life Among the Ruins », il fallait s’attendre à un beau mariage avec faste, cotillon et belle-maman en pleurs. Le maître des menus plaisirs David DeFeis a vu les choses en grand. Ce sera magnifique. Le plus beau des mariages. Il y aura des fleurs et des petits fours. « The Marriage of Heaven and Hell Part I » ouvre un cycle olympien pour Virgin Steele, se résumant en trois albums (« The Mariage of Heaven and Hell Part I », « … Part II » et « Invictus »). Ces premières festivités seront entièrement préparées par Davis DeFeis, parfois aidé à la composition par son fidèle acolyte Edward Pursino, qui, suite au départ du bassiste Rob DeMartino, devra aussi tenir la basse lors des enregistrements aux studios Media Recording de Long Island. L’œuvre de 1994, première d’une trilogie, marque un retour au heavy metal et aux valeurs sûres qu’ont été « Noble Savage » et « Age of Consent ». Néanmoins, quelque chose se trame. Une évolution se préfigure. De l’aveu du leader de la formation les chansons réalisées à la suite de « Life Among the Ruins » sonneraient « modernes ». Elles contiendraient des « harmonies et des mélodies plus proches que ce que l’on pourrait trouver dans la musique classique de la période romantique du 19ème siécle ». La rose avait fait disparaitre le glaive, désormais ils se rencontrent et s’unissent. Vive les mariés !

Ce sixième album de « Virgin Steele » met l’homme en proie à la fatalité et à ses passions. Il invoque une force indicible en chacun de nous capable de tout surmonter, y compris le divin. Que ce soit à travers la couverture expressive de Darren Boerckel, nous renvoyant à un épisode très bien connu de la Genèse, ou à travers les différents titres de l’album, les relations parfois tumultueuses entre le sacré et l’humain sont à l’honneur. Il est toujours question de sacrifice quand on fait couler le sang. Cela peut être pour des considérations personnelles, illusoires, rarement altruistes. La vengeance fait jeu à part. Elle pare le sacrifice d’un manteau de noblesse. Un titre comme « I Will Come for You » est imprégné de l’idée de vengeance. Ses riffs salvés heavy metal font indocilement monter la pression. Le chant plein de rage embraille le pas, pour créer ensemble un morceau à la fois dynamique et épique, faisant ressusciter une force ancestrale à l’aura fascinante. Son break en milieu de piste va pourtant jouer l’apaisement, la douceur. Le guerrier a beau jurer son animalité, il n’en reste pas moins un humain au fond de lui.

Autre titre assassin, mais plus ambivalent cette fois, « Weeping of the Spirits » va s’amuser avec nos émotions. Usant de la carte de la tendresse et de la sensibilité en entame, pour ensuite nous bousculer avec un rythme électrique et vitaminé. Nous ne sommes pas loin ici de songer à des titres figurant sur le bijou « Age of Consent ». Le heavy metal étriqué et encaissé de « The Raven Song » nous ramène également à l’idée d’un petit retour en arrière. La guitare monte ici en permanence à la charge. David propose un chant plus aéré et mis en écho, en relation aux quelques airs arabisants décelables. On remarquera sur « The Raven Song », comme sur la plupart des autres titres, un solo d’Edward Pursino assez impressionnant. Le plus démonstratif étant celui sur « Blood & Gasoline ». Il n’est pas étonnant si on se fie au nom, d’y retrouver une rythmique un brin motorisée, hard rock dirons-nous, bien que la mélodie soit très présente et brouille quelque peu cet aspect. L’édition 2008 de l’album offrira une version bonus du morceau avec « Crystal Viper », celle initialement présente sur la compilation « The Last Axeman » des polonais, mais remixée et remasterisée par David. Ce dernier avait été mis au courant de cette reprise par le manager de « Crystal Viper » et mari de Marta Gabriel. Il était alors uniquement question que David DeFeis prête sa voix dessus. L’américain s’est alors proposé de concourir en supplément aux claviers et que le duo Edward Pursino/Joshuo Block se charge des guitares. Ce qui en résulte est une reprise assez exceptionnelle de « Blood & Gasoline ». De plus Marta et David se complètent parfaitement au chant.

Cette version déchainée ferait quelque peu ombrage aux morceaux originaux du volume, si on fait toutefois exception à la puissance et à la maîtrise de « Blood of the Saints ». Il impose par son sens aigüe de la répartie et sa nervosité. Plus direct, plus classique, dirait-on. Une fois encore le solo magistral d’Edward portera le coup fatal. On est à ce moment un peu éloigné de la vision romantique souhaitée par son créateur, même si on dénote un peu de piano pour alléger la piste. Elle sera pourtant omniprésente sur une bonne partie de l’opus. Prenez par exemple la ballade timorée « Self Crucifixion ». La chanson est toute en candeur, en finesse, envoutante. Le retranchement de la guitare ne fait qu’accentuer la fraîcheur palpable. Nous atteindrons des cimes immaculés de blancheur sur l’instrumental « Warrior’s Lament », entièrement joué par sieur DeFeis. Les synthés font preuve de vertu et de mélodie pour notre grande satisfaction. Il y aurait aussi quelque chose de spirituel, de céleste dans « Trail of Tears » qui fait directement suite à « Warrior‘s Lament ». Le titre s’illustre par de faibles palpitations aguicheuses, où la voix se montre particulièrement suave. Cependant, ce n’est pas toujours épris et ému. Le rythme parfois s’emballe, poussé par la batterie et la guitare en pleine révolte. L’harmonie s’allie à une force implacable pour transcender l’auditeur.

Même décrié, l’album précédent aurait, semble-t-il, marqué de sa patte le style de « Virgin Steele », en ce milieu des années 90. De nombreux titres seraient axés sur la mélodie. Il devient assez difficile de dégager du heavy metal pur et dur de ce « The Marriage of Heaven and Hell Part I ». La contrepartie de cela ce sont des compositions assez mielleuses comme la langoureuse et tendre ballade « House of Dust », mais également le larmoyant et délicat instrumental éponyme (« The Marriage of Heaven and Hell ») venant officiellement clôturer le disque et reprenant les airs doucereux du break de « I Will Come for You ». Quoique convenu au premier abord la ballade « Forever I Will Roam » finira par nous enchanter. Le raffinement et la volupté sont alors à leur comble. Il est à retenir la souplesse du piano, de la guitare, mais aussi de la voix si affective du chanteur. Nous pourrons même voir un clin d’œil et un rapport plus proche au cinquième album avec le morceau hard rock « Life Among the Ruins ». Celui-là n’avait pas été composé pour l’album du même nom. Il lui est postérieur. Le charme opère quasi immédiatement grâce à son rythme soutenu et à son break contemplatif, mystique, entretenant quelques airs cuivrés en fond sonore.

Point de sollicitude cette fois avec « I Wake Up Screaming ». Le hard rock étasunien, bien rodé, fait son entrée dès l’entame. Les riffs donnent l’impression de tourner sur eux-mêmes et s’obstinent, produisant ainsi un roulement très mécanique. La structure est simple, mais ajoutée à un David débordant de vitalité, elle se démontre efficace. Elle ne reprend en aucune façon l’ambiguïté et la cruauté de « Last Supper ». Morceau complexe qui commence par les mots qu’avait prononcé Jésus sur la Croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » On y sent à travers sa musique, la souffrance, une lente agonie, un événement grave et funeste comme on ne croise nulle part ailleurs sur l’album. Le milieu de piste nous révèle un espoir, des mélodies exprimant la complaisance.

Les beaux mariages, appropriés ou paradoxaux, sont ceux conclus par les sentiments. L’affection que l’on a pour un être peut vous mener soit en enfer soit au paradis. Tout dépendra ici de l’endroit où vous souhaitez aller. David DeFeis signe, par cet album, le début d’une incroyable et prometteuse trilogie. L’effort antérieur a beaucoup déconcerté les fans. Cette première partie de « The Marriage … » renoue avec leur musique illustre sans pour autant faire un pied de nez à « Life Among the Ruins ». En effet, « Virgin Steele » accentue considérablement l’apport mélodique fourni par les claviers. Le groupe est alors en pleine mutation. Celle-ci sera concrétisée dans la seconde partie à venir. Nous pouvons alors voir les prémices d’une future œuvre épique sans pareille, qui mènera « Virgin Steele » au firmament de la gloire. Le sang des dieux n’a pas fini de couler. Qui pourra freiner la quête de ce héros ?

16/20

2013-06-14 21:50:46


dark_omens : 16/20
N’en déplaisent à certains négationnistes culturels, si Rhapsody et quelques autres auront magnifiquement transcendé une musicalité symphonico-mélodique, ils ne sont assurément pas les parents de cette mouvance. La démarche de ce mélange orchestrale au Hard Rock/Metal, quelque peu fondatrice aussi de ce renouveau du Heavy/Power de l’entame des années 90, fut un dessein dont certains prémices furent perceptibles par l’intermédiaire de quelques œuvres fondatrices autrefois influentes aujourd’hui oubliées. Ces premiers manifestes à la gloire d’une certaine ‘‘emphase’’ demeurent le résultat des travaux de certains visionnaires trop méconnus. Ainsi si on ne peut pas réellement parler, au sens pris aujourd’hui par ce terme, de musique symphonique concernant l’expression artistique des américains de Virgin Steele, nul ne peut nier que dans cette vision hardie, dans cette élaboration sophistiquée, dans cette musicalité, dans ce dessein de composition et dans ces aspirations mélodiques, il ya les premières lueurs diaphane de cette notion dites symphonique.

En véritables précurseurs, à l’aube de cette année 94, David DeFeis sort donc le premier volet d’une saga ambitieuse baptisé The Marriage of Heaven and Hell. Evoquer l’artiste plutôt que le groupe n’est pas anodin tant l’homme est le véritable artisan de ce concept nouveau. Autrefois enfermé dans les murs étroits d’un Heavy/Hard Rock, certes, intéressant, mais pas nécessairement captivant, il va véritablement donner corps à ses désirs les plus majestueux en composant désormais une musique bien plus audacieuse. Si le résultat, avec le recul, demeure imparfait il dénote, déjà, du talent créatif immense du compositeur.

Concernant ces petits maux, difficile de taire, en effet, cette production inhabituelle, offrant, là où désormais on le préfère clair et précis, un son bien trop étouffé, où la voix de David DeFeis se perd dans une légère réverbération et où les diverses orchestrations sont bien trop en retrait dépossédant ces titres d’un certain relief, et, de fait, d’un certain impact. De ce traitement sonore désuet, mais pas obligatoirement handicapant pour ceux qui resteront ouverts, naît pourtant un ensemble beau et captivant.

Ainsi dès les premières notes d’un excellent I Will Come for You au riff nerveux, à l’air entêtant, dans lequel David DeFeis donne de la voix de ces rugissements si distincts, le plaisir est là. Souvent comparé, de par certains de ces aspects, et à juste titre, à Manowar ; la musique de Virgin Steele est pourtant, à l’époque, plus mélodique, plus sophistiqué, plus riche et développe un univers nettement moins connoté que celui des comparses de Joey DeMaio.

Si la grandiloquence orchestrale classique apparaît parfois davantage comme suggérée, laissant place à l’efficacité du Heavy, elle demeure toutefois indéniable tels que, par exemple, sur les deux superbes instrumentaux (Warrior’s Lament, The Marriage of Heaven and Hell).

Au-delà de ces aspects musicaux, harmonieux et âpre à la fois, qu’il unis avec discernement, Virgin Steele s’applique aussi à développer certaines atmosphères plus posées (Self Crucifixion, House Of Dust, ou encore, par exemple, la ballade Forever Will I Roam).

Le premier chapitre de cette tragédie en trois actes, dont le thème évoque le soulèvement de l'humanité contre une horde de dieux maléfiques, marque donc l’avènement d’un groupe exceptionnel. A la fois mélodique et symphonique, âpre et incisif mais aussi riche et subtile, cette œuvre, The Mariage of Heaven and Hell : part I, est tout bonnement indispensable.


2014-04-18 17:37:23