DARKTHRONE
TRANSILVANIAN HUNGER (Album)
1994, Peaceville Records




Fabien : 17/20
Alors que le blackmetal norvégien attire de nombreux regards extra-musicaux, faute à des prises de positions extrêmes désormais suivies de passages à l’acte par quelques membres de l’Inner Circle, pour citer l’incendie total de l’église de Fantoft en 1992 jusqu’au meurtre d’Oystein Aarseth (Euronymous) en août de l’année suivante, Darkthrone enregistre quant à lui son quatrième album entre novembre et décembre 1993, évoluant désormais sous forme de duo depuis le départ de Zephyrous.

Darkthrone change cette fois-ci de méthode durant les sessions d’enregistrement, Fenriz s’investissant plus particulièrement dans le processus, à l’image de sa présence en couverture de Transilvanian Hunger. Notre homme interprète ainsi toutes les parties de batterie, de basse et de guitares, son acolyte Nocturno Culto se chargeant uniquement du chant. La moitié des paroles est parallèlement confiée à la plume de Varg Vikernes (leader de Burzum), l’un des principaux incendiaires des stavkirke et le meurtrier avéré du leader de Mayhem. Bien que le concept de l'album n’aille certainement pas dans ce sens, la polémique surgit toutefois faute à l’inscription provocante et maladroite 'Norsk Arisk Black Metal' au dos du CD, que le label Peaceville autorise à son plus grand dam. Le tollé qui suit est immédiat, la presse accablant l’écurie anglaise, tandis que de nombreux distributeurs boycottent le disque, voire la discographie toute entière du groupe norvégien.

Musicalement, si Darkthrone clamait déjà haut et fort depuis ses deux précédents efforts combien le blackmetal doit rester sale et minimaliste pour la préservation de son essence, il pousse cette fois-ci le concept dans ses derniers retranchements, réduisant la musique et son enregistrement à un niveau quasiment atavique, à l’image de la pièce I En Hall Med Flesk Og Mjød où le riff principal se répète inlassablement, soutenu par une batterie foncièrement tapageuse et un chant si possédé. Pour souligner l’absence totale de concession et mettre naturellement en avant ses racines, le groupe opte parallèlement pour une expression majoritaire dans sa langue natale, à l'exception du morceau éponyme en ouverture et du tout aussi redoutable As Flittermice As Satans Spys.

Mais, si de nombreuses formations se seraient certainement cassé les dents devant un tel exercice, Darkthrone parvient quant à lui à créer une magie noire dès les premiers instants de Transilvanian Hunger. Il lui suffit ainsi que de quelques idées par morceau et d’une ligne directrice pour bâtir l’une des œuvres parmi les plus crues et prenantes du blackmetal scandinave, bénéficiant d’une capture tout aussi glaciale. Bien que le rythme des morceaux reste majoritairement effréné et leur riffing si primaire (mais tellement entêtant), notre duo trouve aussi les riffs qui percutent, et place idéalement refrains entraînants et breaks mémorables au bon moment. La force de cet album diabolique réside par ailleurs dans la nuance apportée par ses guitares pourtant si primaires, grâce à la superposition d’une rythmique répétitive, déchirante & obsédante, et d’une lead plus fine & si poignante, à l’image des pistes Graven Tåkeheimens Saler et En Ås I Dype Skogen, comptant à mon sens parmi les pièces les plus immersives de la carrière de Darkthrone, aptes comme peu de morceaux à me mettre sur les genoux à chaque écoute.

D’un minimalisme saisissant et présenté par ses auteurs comme le 'True Norvegian Black Metal', Transilvanian Hunger est considéré à juste titre comme une essence parfaite du genre, dans ce qu’il recèle de plus noir, de plus haineux et de plus pur, comptant indéniablement parmi les représentations majeures du black scandinave. Darkthrone parvient non seulement à rassembler tous les ingrédients pour façonner sans concession un condensé brut d’une froideur et d’une intensité sans limite, mais aussi à synthétiser définitivement une facette primordiale du blackmetal, ayant été si loin dans l’extrême en cette année 94 qu’il lui faudra désormais trouver d’autres ressorts pour franchir de nouvelles étapes. Le divorce est en tout cas consommé avec son label, le directeur Hammy, fervent défenseur de l’underground et des libertés, ayant été profondément affecté par les polémiques qu’il n’a pas su anticiper. Notre duo norvégien trouvera quant à lui les ressources nécessaires grâce à son rapprochement avec Satyr, leader de Satyricon et fondateur de l’écurie Moonfog, lui permettant de poursuivre une carrière ô combien fructueuse, sans toutefois retrouver pleinement cette rage incontrôlable et cette noirceur ayant marqué son passé d’une encre anthracite indélébile.

Fabien.

2012-05-15 13:23:37


dark_omens : 18/20
Si l'on excepte une première offrande qui, quant à elle, fut dévolue à un Death Metal alliant la brutalité inhérente à ce mouvement à des ambiances plus sombres (Soulside Journey (1991)), ce Transilvanian Hunger, sortant en cette année 1994, fut donc le troisième volet créatif des Norvégiens de Darkthrone dédié à la gloire du Black Metal.

Sans longues litanies inutiles disons que cet album nous offre l'expression la plus délicieusement crue et glaciale de cette trilogie superbe. Disons aussi que tous ceux qui auront accepté de se laisser saisir par la simplicité déchirante de ses riffs hypnotiques, de ses voix haineuses implacables, de ses ambiances prodigieuses, saisissant l'ampleur la plus divinement troublante transparaissant de cet écueil naturellement venimeux, ne pourront décemment pas en sortir indemne.

De plus au cœur de ses constructions répétitives où chaque changement parcimonieux vient délicieusement vous déchirer l'âme, la froideur est encore mise en exergue par cette production minimaliste. Bien évidemment, ce mixage abrupt, d'aspect rudimentaire diront même certains, ainsi que l'apparente simplicité de ces morceaux, pourrait laisser certains néophytes définitivement dubitatifs quant à la grandeur géniale de ce groupe, et de cette œuvre.

C'est ainsi, fort de tous les éléments décrits jusqu'alors, que Fenriz, le principal artisan de ce manifeste avec Nocturno Culto, aura toujours voulu son œuvre. Un son hideux pour une musique hideuse dans laquelle seule comptent les riffs de guitares soutenus par un rythme de batterie monolithique et secondaire, voilà exactement comment il pense son art.

Bercées par ces complaintes aux rythmes épileptiques, aux climats superbement austères et aux voix écorchées criardes, Darkthrone définis donc divinement le socle totalement méritoire d'une vénération dont il sera bientôt la divinité emblématique. Une dévotion dont l'entêtant, et éponyme, Transilvanian Hunger, l'excellent Skald Av Satans, mais aussi Graven Takeheimens Saler seront certaines des incantations les plus adulées. Mais tout comme d'autres d'ailleurs car en extraire une du cœur rongé par le ressentiment de cet album, s'avère une délicate entreprise tant l'uniformité superbement effroyable qui s'en dégage nous glace délicieusement l'esprit à chaque note, chaque hurlement, chaque mot, chaque lieu…

L'usage du nynorsk, dialecte natal de ces hommes du nord, exceptions faites du superbe morceau Transilvanian Hunger et d'As Flittermice a Satans Spys qui, quant à eux, seront dans la langue de la perfide Albion, ajoute même à ce manuscrit une sombre aura impénétrable tout à fait sublime. Notons d'ailleurs, puisque nous en sommes à évoquer les mots de ce plaidoyer, que quatre de ses textes sont l'œuvre du Count Grishnackh, qui n'est autre que Varg Vikernes (Burzum).

Parlons aussi de cette fameuse estampille tendancieuse et maladroite que le duo fit inscrire au dos de ce disque. Ce " Norsk Arisk Black Metal", que les détracteurs les plus farouches du genre traduisirent par "Norwegian Aryan Black Metal", devra cohabiter avec un "True Norwegian Black Metal", qui, selon les propres dires de Fenriz, traduira bien mieux le message qu'il avait voulu faire passer initialement. Finalement, plus tard, seul subsistera la version Anglaise de cette accroche, dissipant toute ambiguïté.

Deux premiers cantiques réussis dédiés à l'art noir. (A Blaze in the Northern Sky (1992) et Under a Funeral Moon (1993)) et ce remarquable Transilvanian Hunger, il n'en fallut pas davantage à Darkthrone, et à quelques autres, pour esquisser les prémices de certaines règles caractéristiques, références implicites indispensables. Et ainsi les sentiments les plus vils, les émois les plus avilissants, allèrent devenir, les territoires les plus fertiles d'une nouvelle ère à laquelle Fenriz, Nocturno Culto et quelques autres encore auront grandement contribué.

2013-09-25 15:04:17


blackpsychoz : 20/20
Chronique d'un "cult"
Transilvanian Hunger: un nom gravé dans la bible noire du black metal, au coté des De Mysteriis Dom Sathanas ou autre In The Nightside Eclipse, littéralement des Chefs d'œuvres de la musique extrême. Ces œuvres d'art aussi sombres que l'est la profondeur des ténèbres, reflétant des tableaux apocalyptiques peints de souffrance et de sang; léchés par la chaleur des flammes de l'enfer. Des œuvres aussi passionnantes qu'elles en sont malsaines.

On ne saurait donc qui nommer pour s'assoir sur le trône noir de l'empire black metal. Mais une chose est sûre, avec Transilvanian Hunger, Darkthrone aurait pu en être l'empereur.
Mais d'après les critiques que j'ai pu lire concernant leur dernier album The Cult Is Alive, apparemment Darkthrone ne serait plus vraiment aussi culte.

Le groupe devrait cependant rester une légende car avec un album comme Transilvanian Hunger, nos mémoires ne peuvent pas oublier le son macabre qu'on perçu nos oreilles et cet artwork qui a apeuré nos yeux. Illustré d'une jaquette sobre et simpliste en noir et blanc, qui malgré cela reste un des artwork les plus flippants jamais réalisés. Il reflète exactement l'ambiance que dégage la musique de Darkthrone dans cet album: une ambiance oppressante, horrible et flippante à souhait. Elle me fait un peu penser à celle du Live in Liepzig de Mayhem avec Dead qui tient un chandelier dans une profonde obscurité.
Transilvanian Hunger crache un venin de son "true" purement primitif et direct avec ses riffs entêtants froids teintés d'un noir aveuglant, sa batterie au blast incessant, et sa voix enrayée et criarde résonnante.

A noté que c'est Vikernes qui a écrit la majorité des lyrics de l'album. Certes à part le premier titre, tous les textes sont en norvégien, mais quand on sait cela ça rajoute un petit plus sur le fond. En tout cas moi je met une mention spéciale au morceau qui est le titre de l'album ainsi qu'à Skald Av Satans Sol.
1994 année culte ?! Sans nul doute oui, car c'est l'année de sortie de trois chefs d'œuvres de la musique extrême : De Mysteriis Dom Sathanas, In The Nightside Eclipse et donc Transilvanian Hunger

Note : */*/*/*/*/* (20/20)

Extrait de mon skyblog death-and-black.skyblog.com

Blackpsychoz

2007-04-04 00:00:00


Dromen
Pour chroniquer ce très bon disque du groupe culte Darkthrone, je commencerai tout d'abord par souligner le commentaire de son leader à la sortie de celui-ci, que tout le monde connait, disant que tous ceux qui oseront mal le chroniquer seront considérés comme juifs. Fenriz a fait preuve de beaucoup d'audace, non pas par la nature des propos (car toute opinion a le droit d'être exprimée selon moi) mais par les circonstances de la sortie de l'album, qui se révèle malgré tout avant-gardiste, et la réaction adoptée dans ces cas-là est souvent la crainte et la modestie, ce que Fenriz n'a pas fait, mais il n'a pas été à la hauteur de ses propos car il s'est dégonflé devant la colère de la plèbe qui a réussie à lui arracher des excuses publiques. Cette œuvre n'est pas aisée à chroniquer, les avis divergent, mais l'on se doit d'être objectif avant tout et j'en jugerai uniquement par le contenu de l’œuvre, et croyez-moi cela vaut le coup.

Fondez-vous dans un brouillard d'automne et plongez dans ces riffs froids et malsains. La première fois que vous entendrez "Transilvanian Hunger", ne soyez pas étonnés si vous sentez en vous comme un esprit qui vous dévore le coeur, ce morceau est un alliage de tristesse, de peur et de noirceur. Les titres suivants, comme "Skald av satans sol", "Slottet I det fjerne", "As flittermice as satans spys" ou "En As I dype skogen" sont fidèles à cette idée et vous entrainent dans une spirale obscure et envahissent votre âme d'une onde noire. Ces riffs sont incroyablement froids et sont d'un grand plaisir à savourer. A noter un passage très intéressant sur "As flittermice as satans spys", les dernières secondes exactement, on entend un message prononcé en sens inverse sûrement exécuté grâce au mixage, celui-ci appelle apparemment à l'incendie des églises, soulignant l'implication du Svarte circle.
Le son minimaliste en a dérouté plus d'un, mais celui-ci n'est pas au point d'être crade et donne même du charme à cet album, qui devient ainsi un pilier de l'underground sans hypocrisie commerciale et d'une sincérité exemplaire, ce qui manque aujourd'hui à l'univers musical et qui commence malheureusement à toucher le metal.

"Transilvanian Hunger", un album que tout fan de black se doit de posséder et que je recommande, au moins que l'on jette une oreille dessus si l'on est pas trop impliqué dans le black, car il en vaut le détour.

Dromen

2008-10-29 00:00:00