SEPTICFLESH
A FALLEN TEMPLE (Album)
1998, Holy Records




TasteofEternity : 16/20
Nos Grecs préférés sont de retour avec A Fallen Temple, leur quatrième "album" qui marie de manière fort inspirée l'ancien et le nouveau dans le sillon tracé par Ophidian Wheel. A Fallen Temple affine le style Septic Flesh en confirmant les bases d'un death metal atmosphérique, empreint de mystère et d'obscurité. Certes on est loin de Mystic Place of Dawn, la Source du son SF, alors que la recette semble reprendre les mêmes éléments, tout en y rajoutant une touche néo-classique qui parachève l'ensemble. Un album en forme d’entre-deux qui laisse présager le meilleur pour un groupe qui continue d’étoffer son style.

L’album se présente comme un patchwork, car il se compose de 10 morceaux, 6 nouveaux dont deux versions différentes d’un même titre The Eldest Cosmonaut (pour la version digipack de l’album qui bénéficie d’un titre bonus), et 4 anciens issus de leur premier maxi Temple of the Lost Race mais attention réenregistrés dans des versions réarrangées, plus brutales et surtout plus en phase avec ce que le groupe propose alors. A Fallen Temple apparaît d’ores et déjà comme un album spécial pour Septic Flesh, un sublime cadeau fait à ses fans les plus acharnés. Le parti pris de reprendre ces anciens titres provient du fait que le label grec Black Power Records, sur lequel était sorti en 1991 le maxi, avait fondu les plombs juste avant que le groupe ne se retrouve sur Holy Records. Le succès du groupe grandissant, la demande des fans se faisait chaque fois un peu plus pressante. C’est ainsi que le groupe prit la décision de retravailler ces titres en y ajoutant de nouveaux, afin d’offrir à ses fans la possibilité d’accéder à l’ensemble de leur catalogue, tout en permettant aux acquéreurs du premier maxi de continuer à posséder une pièce exceptionnelle.

Alors le résultat est bon voire très bon proposant à la fois un mélange brutal et mélodique avec une dimension théâtrale renforcée par les performances vocales de Nathalie Rassoulis, chanteuse lyrique au potentiel apparemment sans limite qui permet aux harmonies de prendre un relief insoupçonné nous transposant encore une fois dans un voyage spatial et onirique qui ravira n’importe quel fan de musique extrême et atmosphérique.

Le titre d’ouverture, Brotherhood of The Fallen Knights, s’annonce par des sons mystérieux avant que, quelques secondes plus tard, les guitares et le growl de Sotiris viennent faire éclater l’impression d’étrangeté qui était sur le point de se cristalliser, les riffs retentissent de manière puissante et mélodique prenant volontairement un tour gothique, qui ne serait pas sans rappeler des groupes comme Fields Of Nephilim ou Sisters Of Mercy (au niveau des ambiances). Les deux titres suivants sont dans la même veine, des morceaux puissants et atmosphériques, avec une omniprésence des guitares, puis survient l’apparition enchanteresse de la divine voix de Nathalie Rassoulis sur The Eldest Cosmonaut, un atout dont peuvent se féliciter nos Athéniens, et qui emporte tout sur son passage, renvoyant à leur cours de chant toutes les petites midinettes qui tentaient jusque là de pousser la chansonnette dans le milieu du metal. Ces deux morceaux révèlent toute la maîtrise technique et mélodique du combo grec.

Mais ce sont deux autres morceaux qui tranchent avec le reste de l’album qui ont tendance à attirer l’attention, Underworld : Act I & Act 2, qui à eux deux représentent plus de 15min de musique atmosphérique pure aux accents incontestablement néo-classiques, permettant aux chants clairs de se déployer avec majesté, en particulier celui de Nathalie, qui nous offre une performance de grande classe, et tout cela au service d’ambiances planantes, mystérieuses, et obscures nous projetant dans d’anciennes dimensions et émotions à la beauté aussi délicate qu’étrange. Il règne sur ces deux pistes une véritable théâtralité, animée par toute une galerie de personnages hors du commun. C’est clairement la phase la plus expérimentale de l’album, à tel point que ces morceaux à l’identité si prononcée, auront une suite mais qui se trouvera être le fondement du side-project de Spiros, Chaostar, auquel participera Nathalie, donnant dans une musique expérimentale néo-classique, certes extrême, mais bien loin du metal de Septic Flesh.

La brutalité est vraiment au rendez-vous des titres réarrangés repris du maxi Temple of the Lost Race (gros morceau de l’album), on passe sans transition de la poésie énigmatique d’Underworld : Act I à Temple of the Lost Race, où là, pour le coup, ça bourrine et growle à qui mieux-mieux ; et on reste surpris par la noirceur qui s’en dégage, les atmosphères sont soignées mais difficile de ne voir autre chose qu’un élan de sauvagerie à peine dissimulée. Lorsque c’est au tour de The Crypt, la basse résonne et c’est un titre technique très rapide qui essaie de nous écraser et de nous laminer sans la moindre retenue, un titre rouleau-compresseur pour un groupe comme Septic Flesh, même si les intermèdes rappellent l’évolution du groupe, on sent bien avoir basculé dans le côté le plus obscur du groupe. On se retrouve à mi-chemin entre la brutalité du death de leurs origines et la sophistication des mélodies de maintenant, mais l’ensemble demeure particulièrement réussi. On enchaîne avec Setting of The Two Suns, qui ramène un peu de lumière même si un growl de damné hante le morceau du début jusqu’à la fin… Les guitares se taillent la part du lion comme toujours. Erebus le dernier titre, finit de nous achever tout en brutalité et rapidité, pas de répit ici, ça va vite et ça cogne dur, seuls quelques passages mélodiques de guitares nous permettent de reprendre à peine notre souffle sur ces deux derniers titres. En définitive, seule l’alternance dans les parties de guitare permettent pendant quelques instants de sortir de cet épais manteau de noirceur qui entoure ces 4 titres, car n’attendez pas une once de chant clair ici, l’esprit originel demeure conservé. De plus le groupe a décidé de ne pas faire intervenir Nathalie sur ces titres réarrangés, ce qui a incontestablement l’effet de renforcer la débauche de violence qui y règne sans partage. Enfin en ce qui concerne l’ultime titre (titre bonus de la version digipack), la dark version de The Eldest Cosmonaut, sa présence ne semble pas vraiment indispensable par rapport à ce que révèle sa version normale, effectivement des effets ont été rajoutés sans pour autant transformer en profondeur le titre, de fait à mes yeux, ce titre n’a que pour lui de permettre à l’auditeur de finir d’atterrir en douceur du voyage qu’il vient de faire grâce à cet album.

En conclusion, cet album brille par son hétérogénéité, facteur de richesse, et d’expérimentation, mais souffre d'un manque de cohérence flagrant, entre l’efficacité des nouveaux titres du nouveau Septic Flesh, la brutalité des anciens titres réarrangés de Temple of the Lost Race, et les intermèdes néo-classiques Underworld. Si on reste soufflé par le potentiel et l’inspiration du groupe, on garde une impression de feu d’artifice désordonné. Cependant cet album scelle le destin d’un groupe définitivement hors normes, qui bouscule les petites habitudes et attentes de l’auditeur, et c’est très bien comme ça : pourquoi ce serait toujours les mêmes qui travailleraient ?


2012-10-25 19:52:28