DUR DABLA
EñVOR AN AVEL (Album)
2016, Auto-Production


1. Pa oa Aet an Avel Kornog 02:31
2. Talu Medd 04:47
3. Ar Channerezed Noz 04:35
4. Beneath the Waves 05:30
5. After the Battle of Aughrim 02:47
6. Job and Laur 04:02
7. Bec'h De'i ! 04:19
8. The Seer's Words 06:27
9. Toul ar Chistr 02:39
10. Death Rather Than Stains 04:44
11. On the Wailing Sea 06:20
12. Eñvor an Avel 03:30

Total playing time 52:15


AlonewithL : 14/20
J'ai longtemps critiqué, pesté, souvent injustement contre les bretons. Oui, je le reconnais. Il y a comme une certaine rivalité des deux côtés de la Loire. Je vais donc contrarier mes habitudes et rendre hommage à ces gens et à leur terre trempée avec mille bisous. La Bretagne est une contrée rare, rare dans tout le pays et dans le continent. Un territoire de la mer livrée à la terre, qui peut se définir magique malgré un temps typiquement maussade et une population qui se montre parfois aussi revêche que l'océan. Une région à part me direz vous. Il faut néanmoins reconnaître qu'elle excelle en matière musicale, ayant tout d'abord participé brillamment à la grande vague de musique néo-traditionnelle des années 70 dans le sillage d'Alan Stivell, monument vivant de nos jours. Dans la fibre metal, on assiste aujourd'hui à l'explosion d'une scène locale, où on préfigure la venue de futurs grands représentants du metal français. Dans le circuit folk/pagan metal, l’incontournable breton s'appelle "Belenos". Mais "Belenos" est un géant de noirceur. "Dur Dabla", originaire de la ville de Brest fait petite figure à côté, bien plus guilleret cependant. Bien qu'il se soit montré discret après un premier EP en 2012, plutôt réussi malgré ses écarts de production, le groupe n'est pas indigne d'intérêt. De toute manière, son folk metal breton éminemment celtique ne laisse pas indifférent. Les amateurs du style et du groupe se sont montrés impatients à ce que ces jeunes gens passent à la vitesse supérieure et proposent un nouvel effort. C'est désormais chose faite en fin d'année 2016 avec "Eñvor an Avel", qui fait donc suite à l'EP "Spered ar Broioù Kozh". C'est un album qui nous parle d'un pays magique peuplé de gens peu ordinaires.

Comme toute production musicale, semble t-il, on nous gratifie d'une introduction. Celle-ci est constituée d'une narration en langue bretonne, des orages et de la pluie qui font le climat de ce pays si particulier, ainsi qu'une atmosphère musicale très conviviale et attachante emmenée par la flûte et l'accordéon diatonique. On prend un véritable plaisir à entendre ses airs champêtres, cette voix au parler traditionnel. L'auditeur découvre à travers un paysage, une côte maritime découpée de rochers, ligne de front entre la mer agitée et de vertes collines. Après "Pa oa aet an Avel Kornog", s'ensuit le véritable folk metal de "Dur Dabla" sur "Talu Medd". La basse est ici à la manœuvre. Mais hormis cet instrument se retient accordéon et flûte, aussi un heavy metal par à coups, quelque peu rugueux. La rugosité des riffs va de pair avec le chant semi-growlé. Cette tiédeur associée au metal celtique nous fait remonter aux premiers ouvrages de "Tuatha De Dannan". Ce lien avec les débuts de la formation brésilienne est très frappant sur "On the Wailing Sea". On en retient la même dominance heavy metal, les mêmes maladresses aussi, bien que l'accordéon diatonique confère à "Dur Dabla" un aspect plus maritime que son semblable d'outre Atlantique.

Cet accordéon semble avoir un rôle déterminant dans "Job and Laur", un titre intéressant pour ses nombreuses coupures rythmiques et ses phases nerveuses. En effet, celui-là révèle plusieurs facettes et adopte des postures différentes, tour à tour festif et agressif. Un certain contraste se révèle également à l'écoute de "The Seer's Words" entre la grâce délicate de l'entame produite par la flûte, un doux arpège de guitare, et la nervosité de la guitare électrique qui accélère le rythme. Cette dernière fait pourtant souvent preuve de retenue, à l'image d'"Ar Channerezed Noz", qui renvoie aussi à un parfait contraire entre aspect purement metal et part folklorique, mais semble beaucoup moins fluet, d'où un morceau peut-être un peu trop bourru, malgré l'entrain des instruments folkloriques présents. La rythmique est tout aussi concassante, l'entrain plus accentué à travers "Death Rather than Stains". Toutefois, ses à-coups persistants, nerveux, offrent une musique embarquée, presque folle, dénotant quelques influences de "Finntroll". Les bretons sont ainsi capables de muer sans pour autant complètement changer leurs méthodes. Dans ce cas, suffit juste de passer en mode accéléré pour quasiment changer de tout au tout.

Question mue, on remarque un "Dur Dabla" prenant une tonalité plus conquérante, faisant jouer de la pesanteur sur "Beneath the Waves". Cette tournure épique est ravissante et s'agrémente d'une partie narrative très prenante, malgré une batterie un peu plus confuse sur ce morceau. Un parallèle peut d'ailleurs être fait entre celui-là et la chevauchée guerrière de "Bec'h De'i". Là où le groupe excelle véritablement c'est lorsqu'il fait intégralement ressortir sa part d'héritage breton, notamment associée à la douceur de la harpe sur l'éponyme "Eñvor an Avel", conclusion enivrante au présent album. Encore plus traditionnel et propre à la péninsule armoricaine, on décèle le superbe instrumental "Toul ar Chistr", faisant intervenir cette fois la bombarde en plus de la guitare acoustique et de l'accordéon diatonique. Je ne vais pas dire que cela transmet un esprit de taverne où on se voit manger des crêpes et boire du cidre au coin d'un feu, mais c'est tout comme. Encore une nouvelle inclusion instrumentale traditionnelle avec l'intervention de la mandoline sur le ravissant "After the Battle of Aughrim", renvoyant cette fois davantage à une incursion forestière. ça permet ainsi de visiter nombreux lieux sans avoir à bouger de son fauteuil.

Si l'EP donnait sous grésillements dans le "Cruachan" du début des années 2000, l'album nous renvoie à une autre illustre figure du folk metal. De l'Ep au présent album, on traverse tout un océan pour passer de "Cruachan" à "Tuatha De Dannan" ou plutôt encore à l'aube de cette autre grande formation rendant hommage à la musique celtique. Je suppose que le lien est involontaire et que "Dur Dabla" est mieux à même de représenter son propre patrimoine que les brésiliens, qui pourtant excellent dans le genre, malgré quelques premières difficultés. Et, c'est à ces quelques difficultés que l'on fait référence pour ce "Eñvor an Avel". La part metal de "Dur Dabla" n'offre parfois pas la même limpidité que sa part folklorique qui est elle purement délectable. Nous en avons d'ailleurs un parfait exemple sur les morceaux instrumentaux où "Dur Dabla" délivre son meilleur, de la richesse et une grande sérénité. Néanmoins, même les titres les plus dispensables offrent un bon divertissement. "Dur Dabla" est à son premier grand exercice et montre des points communs avec des combos marquants du genre. Ce qui laisse à penser que les bretons ont moyen de prospérer à l'avenir et de voguer vers d'autres contrées, en espérant cependant qu'ils n'amèneront pas la pluie avec eux.

14/20

2017-05-28 16:09:56