DRAWERS
DRAWERS (Album)
2014, Kaotoxin Records


1. Once and for All 03:59
2. Mourning 03:54
3. It's All About Love 03:17
4. Bleak 04:17
5. Take Stock 02:28
6. Shadow Dancers 04:14
7. Words 04:36
8. Détour 03:46

Total playing time 30:31


Mr4444 : 13/20
Troisième changement de label en trois disques pour le quintette Toulousain Drawers. Aujourd’hui, c’est à Kaotoxin de faire perdurer ce petit espoir du Sludge Français. Drawers a déjà abattu ses cartes lors des sorties de « This Is Oil » et « All Is One », chacun apposant un talent certain et une bonne mise en abyme des principales caractéristiques d’un genre aussi compliqué que le Sludge. Souvent mis en avant par une propension dramatique et haineuse, il y a fort à parier que le revirement de style de nos Toulousains ne saura que vous faire tiquer.

Pour ainsi dire, Drawers suit une volonté de changement, comme un enfant qui mûrit avec les années. Ainsi, le changement le plus évident de ce disque se trouvera au niveau des ambiances. Il y a toujours crasse et noirceur au programme, mais pas seulement. Broyer du noir est épuisant à longueur de journée, est-ce la raison pour laquelle ce « Drawers » se voit agrémenté d’une dimension Heavy/Stoner plus prononcé ? De fins rayons de soleil semblent ainsi traverser la déprime ambiante afin de la rendre, pourquoi pas, plus supportable.

N’attendez-pas non plus des petits oursons, juste un Sludge plus gris que noir. Ainsi, « Once and for All » impose une première patte dans ce qui sera le cœur musical de ce disque. Sur une première moitié, les riffs seront gras, puissant, répétitifs, entêtant… La voix de Nicolas sera toujours grave, vociférant avec une efficacité plaisante toute l’étendue de son talent. Mais bientôt, la musique se calme, la basse prend les devants et le chant devient plus clair avant finalement de repartir. Des grosses saturations à des blasts assourdissants, puis à transiter vers une atmosphère rock’n’roll grasse et mélodique (osons le terme), il y a de quoi tenter des combinaisons risquées et efficaces.

Mais autant le dire tout de suite, dans les faits, ce n’est pas aussi simple. La maîtrise technique penche clairement du côté des musiciens, parfaitement dans le ton. Mais au niveau de la construction de l’album, ça coince. Déjà, le disque dure bien moins longtemps que le premier (une demi-heure ici contre près d'une heure pour le précédent) et au vu du contenu, je ne vois pas comment il aurait pu durer plus longtemps. Si des bribes changent, le déroulement des morceaux est globalement toujours le même, si bien que l’on comprend vite ce qui ne va pas (et l’inverse aussi, évidemment) dès la première moitié de l’album.

« Mourning » est la démonstration type de la chanson parfaite de l’album. Des blasts sauvages en introduction, un ensemble d’hurlements atmosphériques et de riffs catchy et mélodiques en première intention (malgré une voix nettement moins brutale) suivit par la suite d’un break encore plus mélodique et une voix dans un registre plus émotionnel et calme. Nous pouvons également noter le talent du chanteur dans la modulation de sa voix et ce sur tout l’album, passant très facilement d’une voix rocailleuse à des hurlements crispants, des growls très féroces ou un chant clair plus groovant, parmi d’autres.

Mais « Mourning », c’est un peu le même déroulement que « One and for All ». Ou bien encore « It’s All About Love » (qui pour le coup a tendance à trop transiter), « Bleak » (à la voix plus grungy, si on peut dire ça comme ça) ou encore la finale « Détour » et « Shadow Dancers » (malgré la prodigieuse explosion de noirceur dans la conclusion combinée à une atmosphère rock assez intéressante)… Une bonne partie de l’album passe ainsi trop lentement, la redondance rythmique ayant raison de notre concentration.

Par la suite, on navigue toujours entre des marais plus consistants et une eau claire trop reposante. On pourra ainsi relever la courte « Take Stock » opérant une montée vocale très intéressante, du plus clair à quelque chose de profondément viscéral. « Words » revient à un ensemble de code Sludge bienvenu, privilégiant ici un certain malaise, tout en incorporant ici ou là des touches mélodiques plutôt bien ficelées à l’ensemble.

Drawers change clairement son fusil d’épaule, au point que ça en devient compliqué à juger. La tentative est louable et intéressante, évidemment. Moins de brutalité, moins de noirceur, plus de mélodie, plus de lumière, plus de groove et cela se ressent dès la pochette, plus proche du style d’un groupe de Pop que de Sludge. Toujours un style maîtrisé de bout en bout par des musiciens appliqués et un chanteur parfaitement ancré dans le ton global du disque. Mais avec tout ça, pas mal de défauts ressortent de l’ensemble, l’homogénéité du tout pourra en déstabiliser plus d’un, le fait que les ambiances aient ainsi tendances à toutes se ressembler bloquent de ce fait les envies du groupe de nous proposer encore du neuf, nous interrogeant ainsi de nouveau sur la teneur de la prochaine offrande. A moins qu’après des premiers disques plutôt réussis, l’attente n’en soit, au final, trop forte par rapport à ce petit encas…

2014-02-18 20:52:45