SIDILARSEN
CHATTERBOX (Album)
2014, Musicast / New Track Music


1. Comme On Vibre 02:58
2. Matière Première 03:50
3. Unanimes 03:10
4. Hermanos 04:51
5. Le Prix du Sang 04:33
6. Nos Anciens 03:42
7. On En Veut Encore 03:56
8. L'Ivresse des Maudits 04:18
9. Un Écho 03:02
10. Si Près de la Flamme 04:18
11. Des Milliards 18:23

Total playing time 57:01


Mr4444 : 15/20
La morosité devient ambiante. Relayant chaque jour dans leurs journaux des informations dont tout le monde se contrefout, la presse n’appuie pas suffisamment son doigt sur ce qui fait mal, sur ce qui mérite intérêt. Dans un climat tendu, basculant de plus en plus vers un individualisme exacerbé, nous ne pourrons bientôt plus que nous contenter de larmoyer sur une solitude que nous aurons engendrée par notre inaction totale. Et quand la haine et l’égoïsme prennent place, des prophètes du rassemblement se donnent à chaque instant l’objectif de réunir les foules dans une seule et même entité. À l’instar de ce que s’évertue à faire Mass Hysteria et ce que dénonce Lofofora, les Toulousains de Sidilarsen sont là pour réveiller la part d’humanité que nous perdons jour après jour.

La « Chatterbox », cinquième parpaing lancé contre les grandes puissances et la grisaille quotidienne, prend place. « Machine Rouge » avait frappé un très grand coup. Lançant bien plus loin ce concept de « Dance Metal » orchestré par « Biotop » il y a déjà onze ans, il avait permis aux Sidi de reprendre position et d’asseoir définitivement leur style, après l’avoir longuement développé durant trois albums, le tournant autour d’un Metal Industriel, d’un Rock Fusion et d’une Techno-Trance emballante. Et à aujourd’hui ? Beaucoup ont accusés les Sidilarsen de commencer à tourner en rond après « Machine Rouge » sans que forcément trop de gens n’aient de choses à redire.

Si nous pouvions considérer « Une Nuit pour Sept Jours » comme l’album de la maturité et « Machine Rouge » comme celui de la confirmation (bien que je déteste employer ces formules), « Chatterbox » se révèle donc être le disque d’un nouveau virage d’un groupe dorénavant pleinement ancré dans son style et le développant avec une conviction sans failles, poussant sur ce coup la puissance sonore bien au-delà de « Eau » et opérant un mélange absolu entre les quatre albums précédents pour en faire ressortir une essence toute particulière. De ce fait, nous retrouvons sur ce disque ce qui fait la force de Sidilarsen : ces chants en français, un son indus lourd, martial et puissant, des breaks électro/techno/trance, des refrains simples et catchy, des phrases parfois labyrinthiques dans leurs compréhensions, des thèmes purement revendicatifs. Mais au final, qu’est-ce qu’il faudra en retenir ?

Ainsi, « Comme On Vibre » n’est pas une intro surprenante. Cette résonance et redondance dans le riff lourd et étouffant, ces échanges vocaux organiques et synthétiques, ces breaks sourds de puissance et cette ambiance très remuante ne sont pas sans rappeler l’hymne « Back to Basics » du dernier disque. Ce parti pris de la reprise des recettes gagnantes de « Machine Rouge » ressortira un plus tard avec un « On en Veut Encore », rappelant à la fois le titre cité précédemment sur les chœurs mélodiques et aériens de Béra (Aeria Microcosme, Rufus Bellefleur, FaneL …) et le côté pop et rythmé d’ « Offensifs », sans les Zebda autour, gardant intact ce sens du refrain simple et entêtant et ramenant sur le devant le chant plus puissant de Didou. « Matière Première » est également dans cette mouvance directe, digne suite textuelle d’un « Elle Me Tend Toujours la Main » dans un registre quand même plus catchy que ne l’était ce titre plutôt Hardcore. C’est également l’instant pour écouter ces breaks électroniques dont les Toulousains ont le secret, apposant une coupure nette et propre et sachant se confondre de plus en plus dans le rythme.

Apposant des bases plus fraîches en réchauffant avec la manière ce qui a été fait par le passé, les Sidi tentent également de nouvelles expériences, comme cette introduction très bluesy et espagnole avec « Hermanos ». Malgré tout, le reste du titre se confondra dans une rythmique toujours très classieuse et industrielle, dominé par le chant toujours très grave et menaçant de Viber, gagnant une âme incantatoire pour le coup, dans le ton de ces refrains simples et fédérateurs, n’oubliant également pas d’entrecouper tout ceci d’une cassure plus dance, bien emmené par une basse génialissime dans sa rondeur. Et sans transition, embrayons sur l’épaisse basse d’ « Unanimes », Sidi pur jus dans ses suites de riffs ultra-lourd, de chant fort et sec et de refrains toujours simplifiés, avec des breaks nettement moins tranchants, par contre.

C’est en cela que cet album se révèle finalement assez affolant parfois, nous permettant toujours une confrontation plus ou moins directe avec un ancien titre de la discographie du groupe. Loin de moi l’envie de dire que Sidilarsen commence à se manger la queue, mais la question pourrait légitimement se poser. Pour poursuivre, quand il faut imposer l’écrasement par la puissance, le groupe propulse « Le Prix du Sang », grosse basse sur les couplets, chants toujours sombres et tortueux avant de laisser place à un refrain des plus sublimes, Sam se targuant même d’oser de court passage de double. L’ambiance se fait mélodique comme rarement, ce qui me permet de parler de la particulière « L’Ivresse des Maudits », opposant de brèves coupures mastocs et assourdissantes sur des passages presque a capela de Didou. Mais la plus grande beauté viendra de ses riffs célestes, proche d’une dimension post-atmosphérique des refrains, accompagné d’un duo de voix puissante et émotionnelle. On en pardonnerait complètement les errements kitchounet des brefs samples techno.

Si les deux albums précédents avaient pu mettre en avant la jolie capacité du groupe de créer des ballades, il est malheureux de noter que cet album en est dépourvu. Certes « Nos Anciens » est clairement dans un tempo apaisé, un peu cold-wave, parfois ressemblant au « Prochain Eté » d’ « Une Nuit pour Sept Jours », mais l’ensemble plus lourd et donnant dans une rythmique Hip/Trip-Hop le différenciera sans aucun doute de celui-ci, donnant une dimension nouvelle et qui trouvera surement une nouvelle mesure en live. Clairement dans un autre registre, « Un Echo » m’a nettement fait penser à une rythmique rock comme avait pu le faire Noir Désir par le passé. Le chant « clair » de Viber est toujours autant génial, de même que ces hurlements dans le final, au moins autant que ce break électro engageant. La vie et l'intimité du groupe est une nouvelle fois racontée au travers de la puissante et saccadée « Si Près de la Flamme ». Les amateurs de tournures parfois complexes des refrains du groupe seront sans doute surpris par autant de facilité dans les rimes utilisées. Un sample d’orage nous emmène à ce que vous attendiez surement tous.

Si « Des Milliards » est crédité d’une durée de 18 minutes, il n’en sera finalement rien, le titre durant autour d’un classique 4-5 minutes. L’un des plus beaux titres des Sidilarsen depuis « La Morale de la Fable » se trouve ici, les voix sont comme toujours complémentaires dans leurs hargnes, dans leurs forces, la musique se gérera de la plus belle des manières, des couplet très électroniques, d’un refrain profondément écrasant, d’une cohérence toute trouvée, de breaks magnifiés par des chœurs surpuissants. Juste beau. Un exemple même d’un titre qui retournera les salles comme avaient pu le faire « Retourner la France », digne conclusion, laissant par la suite presque un quart d’heure de musique ambiante sur laquelle se portera un nombre extrêmement important de voix répétant la même phrase : « Nous sommes des milliards contre une élite ». Des gens, des êtres humains, de tout horizon, de toutes cultures, de tout pays, de tout âge, homme et femme réunis dans une unité qui manque cruellement au monde.

« Chatterbox » semble s’inscrire dans la veine de « Machine Rouge », troquant une originalité sonore contre un poing dans la gueule à la souffrance du monde. Car si, musicalement, Sidilarsen est loin des ambitions et des multiples influences que le groupe a su faire ressortir d’un album très diversifié comme l’était surtout « Une Nuit pour Sept Jours » et le reste de leurs discographies, il n’en ressort au final qu’une cohérence bienvenue, une fluidité peut-être plus facilement compréhensible pour certain. Sidilarsen, comme la plupart des groupes de Fusion, reste un groupe destiné à éveiller les consciences, à pousser à l’ouverture d’esprit, à l’amour de l’autre et non à la haine. Et qu’importe, à aujourd’hui, ça fait du bien, et c’est ce qui compte.

« Tant que l’humain s’adresse à l’Homme, nous sommes des milliards contre une élite, impossible qu’ils nous évitent »

2014-01-26 10:05:25