KILL THE THRILL
TELLURIQUE (Album)
2005, Season Of Mist / Atypeek Music


1. A Little Salt for a Better Feeling
2. Permanent Imbalance
3. An Indefinite Direction
4. Non Existence
5. Soave
6. Like Cement
7. Diaphragme
8. Head
9. Body
10. Mistaken Solutions
11. Us and Them
12. The Finish


Eternalis : 19/20
Quand la nostalgie devient la rage de sentiments enfouis ne demandant plus qu’à exploser à la face du monde…
Le passé est une douleur ressurgissant constamment dans un présent bafoué par les souvenirs. Le présent est l’infinie douleur d’un passé enchanteur que l’on voudrait actuel, tandis que l’avenir n’est qu’une sombre utopie de ce qui était positif hier…tout ceci formant la sainte trinité temporelle, pleine de désespoir, d’échecs et de mélancolie.

Cette oppression de la vie, cette pesanteur naturelle, ce sentiment de se faire rattraper et broyer par les évènements…l’essence même de la musique de Kill The Thrill. Hybride involontaire entre rock, métal, machinerie industriel, martialité mécanique, musique atmosphérique et pop dépressive, Kill The Thrill est la fusion naturelle de trois âmes solitaires, artistiques et indépendantes livrant leur vision d’une vie non pas morte mais emplie de douleurs internes.
Marseillais d’origine, le talent d’écriture de Nicolas Dick dépasse simplement les frontières imposées par l’homme pour se positionner en électron libre dans un monde musical en constant changement et en véritable défection.

Venant peut-être du fait que les membres revendiquent eux-mêmes ne pas appartenir à la stricte sphère métal, la musique de ce "Tellurique" est un voyage dont on se remet difficilement, appuyé par les vocaux oppressants, puissants et viscéraux de Nicolas mais pourtant ni hurlés ni réellement lyriques. Son chant est autre chose, une entité différente, presque comme un instrument à part entière, étonnamment grave et profond, se rapprochant parfois d’une narration très sombre.
Utilisant énormément de samples, de machines et une boite à rythmes glaciale, la musique de Kill The Thrill est aussi planante et atmosphérique que pesante et accablante pour nos épaules et surtout pour un moral déjà brisé.
"A Little Salt for a Better Feeling" ouvre le disque dans une magie évoquant parfois le génie d’un certain Devin Townsend. Entre des arpèges acoustiques proprement magnifiques, le chant si humain de Nicolas, les riffs épais et nostalgiques de Nicolas et Fred, la basse si épaisse de Marylin Tognolli (très mise en valeur au mixage) et surtout les samples très variés, notamment les arrangements presque spatiaux à la fin du morceau.

Une dimension progressive émane de "Tellurique" par un aspect complètement déstructuré. Néanmoins dans une profonde cohérence, les morceaux s’enchainent sans jamais naitre et grandir de structure particulière, se nourrissant de l’inspiration du moment, de la vie et suivant leur court naturellement, sans jamais réellement disposer de passages répétitifs (peu, voir pas, de refrains…) mais plutôt d’une constante évolution.
"Permanent Imbalance" continu de nous enfoncer dans un profond désespoir, une ambiance latente, comme si le temps se stoppait pour immobiliser l’ensemble du malheur existant. Les vocaux se veulent comme désemparés, arrachés à Nicolas, la musique est lourde, pleine de souffrance, la basse est telle un métronome, précise et l’instar d’un pendule, nous rappelle la futilité du temps.

Kill The Thrill dévoile presque musicalement le concept de la fuite du temps, tant son propos semble immortel. Chronologiquement, "Non Existence" est un voyage s’ouvrant dans une voie plus pop avant de se faire littéralement martiale, imPitoyable, répétitive et aliénante, offrant l’impression incroyablement dérangeante de sombrer indéfiniment, de plonger dans le vide complet d’un immense trou noir, symbolisé par ses samples asservissants, comme des signaux subliminaux.
Asservissant. La narration déchirante, souffrante, fendant les tripes de Marylin sur "Soave", posée sur une longue et lente montée en puissance, est l’un des moments les plus intenses de l’album, l’un de ceux qui emplissent l’esprit de souffrance, emplissant l’air de pression…avant de se terminer dans un dernier souffle expiatoire, là où l’intensité côtoie le génie et la sensibilité musicale pure, où la musique n’est plus qu’émotion et sentiment, n’est plus qu’un ressenti, les notes disparaissant derrière les images.

Kill The Thrill se joue des clivages pour créer avec "Tellurique" une œuvre unique et personnelle, loin de tout et finalement si proche de nous.
A l’écoute d’un chef d’œuvre comme "Diaphragme", on peut légitimement se demander comment un morceau aussi fort, au chant proprement possédé de Fred, dévoilant des trésors d’intensité et de tourment à travers ses vocaux graves et hurlés, posés sur un saxophone schizophrénique et symbolique d’une santé mentale visiblement sur le déclin, d’une âme définitivement en perdition, d’une souffrance si intense que même son écoute en devient éprouvante.
Les nappes atmosphériques du sublime "Body" finiront de nous accompagner doucement, lentement mais non sans peurs, vers l’inéluctable fin. Une fin s’incarnant par sa propre appellation ("The Finish"), dans une atmosphère aussi onirique que chaotique, aux multiples nappes et atmosphères, parfois ambiantes ou bien plus hostiles, dans un entrelacement de sonorités magnifiques.

The Finish…la fin d’une œuvre…oui une œuvre, on peut difficilement trouver un autre terme pour ce monument musical, humain et artistique. Kill The Thrill signe avec "Tellurique" une création hors-normes et complètement hors du temps, des modes et de ses alentours. "Tellurique" est unique et inviolable, il détient quelques unes des clés de la création, il détient quelques unes des solutions à la morosité artistiques actuelles et surtout, "Tellurique" est la preuve que tout n’a pas encore été dit dans la musique. Ainsi, à l’égal de certains grands maitres de la musique contemporaines, le groupe de Nicolas Dick peut oser prétendre avoir donné naissance à un colosse…reste maintenant à le dompter, pour le présenter à la foule. Probablement est-ce en cela, que réside une utopie…

2010-04-11 00:00:00