TOUMAï
SAPIENS DEMENS (Album)
2013, Auto-Production


1. Little Psycho 06:00
2. Madness in Mind 06:22
3. Petit Punk en Ut#m 02:52
4. Anachron 04:58
5. Bankster 07:59
6. Wiki Puppies 06:03
7. Sapiens Demens (Pt. I) 01:51
8. Sapiens Demens (Pt. II) 04:50
9. Prey of Birds 06:44

Total playing time 47:39


Mr4444 : 17/20
À n'en point douter, les aventures du maître Mike Patton sur les terres de la musique avant-gardiste ont engendrés beaucoup de petit. Du plagiat simpliste et des ersatz mal bâti, à l’honneur maîtrisé et assumé, nous sommes passés par toutes sortes de découvertes, diverses et variés. C’est de cette inspiration que les Aixois de Toumaï puisent leurs influences.

Alliant la puissance du Metal à des influences partant du jazz au rock progressif, sans compter diverses incursions dans la musique funk, psychédélique, ou même hip-hop et ragga, piochant leurs idées dans des maîtres du Metal, tous genres confondus (Rage Against the Machine, Tool, Primus, mais bien évidemment Mr. Bungle ou Faith No More),Toumaï met en musique un art difficilement cernable, dans la plus pure tradition des styles avantgardiste ou fusion.

Faire swinguer un metalleux autant qu’ils sont capables de faire headbanguer un jazzeux, c’est dans cette optique que « Sapiens Demens » se place. Le premier véritable album de Toumaï, orné de peintures désenchantées, de dessin dérangé et dérangeant, dresse un triste constat de ce que l’humanité devient peu à peu. Une marche en avant synonyme de retour en arrière, à l’âge du sapien, une racine commune à tous les hommes. Profondément ancrée dans un second degré complexe, la verve textuelle de Toumaï frappe fort et juste, se déplaçant au gré de la folie vocale d’Antoine, faisant littéralement vivre la folie et la condition humaine au travers de son organe vocal torturé.

« Little Psycho ». So little, donc. Un début jazziste groovant, basse et piano, chant mélodique, mais très vite, la folie fait son apparition, sous la forme de cris suraigus, rappelant facilement le chant d’autruche de Julien Cassarino (Psykup, Manimal). Le groove imparable de cet échange de moment puissant et de groove jazz ne sera pas sans rappeler le titre « Love is Dead » des autruches Toulousaines. Petit aperçu de la technique des Provençaux, les rythmes varient aussi facilement que le chant d’Antoine, tantôt grave et groovant, parfois plus pop et souvent empreint d’une schizophrénie palpable (y compris dans ce petit passage pouvant faire penser à Serj Tankian). Le tout porté par des musiciens impressionnant dans les échanges stylistiques constants, guitares qui claquent de riffs surpuissants, une batterie qui oscille entre rythme et rapidité étouffante, une basse d’une oppression folle et un piano imparable dans sa rythmique entêtante et exceptionnellement varié.

Schizophrénique. Assurément, cet album l’est ! « Anachron » et son début exceptionnellement sombre, fait de voix off agité et d’un chant presque implorant dans sa folie ne laissait surement pas présager un enchainement de rythme quasiment pop et dansant (cette basse funky, miam). La montée en puissance des guitares contraste avec classe avec ce chœur catchy. D’un enchaînement vers une musique presque atmosphérique sur son duo d’orgues et de d’agression à la double pédale est exceptionnel, le tout avant de se finir comme du Toumaï. Et que dire de « Wiki Puppies » . Indescriptible. Tout y passe, une basse funky de génie, des riffs tout droits sorties des 80’s, un chant de folie, rappelant une fois encore celui de Julien Cassarino dans ses impressionnantes variations chant clair/hurlé. Encore une fois, le piano dicte le rythme des parties plus « calmes » (sans pour autant disparaître des passages plus agressifs), pendant que les guitares n’hésitent pas à partir en saturation agressives, bien aidé par un batteur très technique, véritable pieuvre vivante.

Quitte à faire le parallèle Toumaï-Psykup, que dire de « Sapiens Demens (Part I) », dont le rythme de guitare d’introduction ressemble quelque peu à celui de « To Be(Tray)… » des Toulousains. La suite de la piste, petit interlude de « douceur » dans cet album de fou, sera constituée de piano et de trompette faussement mélodique, mais magnifiquement composé par Célia et véritable bonne mise en bouche de la surpuissance des riffs introducteurs de « Sapiens Demens (Part II) » et de l’impressionnante voix d’Antoine. Rarement ces hurlements atteindront une telle perfection avant d’entamer un chant ragga d’une précision exceptionnelle. D’une fin chaotiquement délicieuse à des enchaînements musicaux misant sur une brutalité davantage présente, Toumaï vise juste.

Petit clin d’œil télévisuel, « Madness in Mind » démarre sur le rythme de voix désagréable qui débute la niaise émission people 50 Minutes Inside (TF1). Partant sur une base extrêmement Fonk, la première partie du titre met en dualité des couplets groovant basse-chants ragga et des refrains agressifs entre saturation et hurlement. S’enfonçant dans une schizophrénie improbable, le break piano-basse s’habille du plus beau chant clair dont Antoine est capable. Une douceur incroyable contrastant avec le rythme rapide et furieux de « Sapiens Demens » (l’album). Mais au-delà de cette douceur, le déroulement de ce long break, ou les notes s’accélèrent, où la batterie gagne en intensité, ou le chant se fait de plus en plus oppressant ne peut pas cacher éternellement la folie grandissante qui inonde de plus en plus le vocaliste, dont le chant se fera de plus en plus agité, jusqu’à lâcher des borborygmes inaudibles et à entendre la musique devenir de plus en plus rapide et brutal. Nature humaine, la cible de Toumaï, ce qu’on ressent tous le long de cet album.

Partons sur la dualité présente entre « Petit Punk en Ut #m », plus court titre de l’album, et « Bankster », le plus long. Le premier est un condensé de brutalité, de chant transpirant la folie, qu’il soit clair ou hurlé (et même un très court passage growlé). Titre extrêmement direct, agissant comme une mandale dans la gueule de cette musique radiophonique et insupportable. « Bankster » met davantage d’ambiance sur le devant de la scène. Un duo chœur-basse très intéressant, un autre guitare funky-chant popisant et des coupures balançant des saturations tout en réserve. Clairement différent des autres titres de l’album, « Bankster » met peu à peu en place une sorte de « Fusion Progressive ». Un peu sur la base de « Madness in Mind », le titre progresse en enfonçant l’auditeur dans un monde remplie de folie, de plus en plus brutale (des growls toujours très efficaces) et étrangement coupé par un chant extrêmement aigu et aérien, sortis d’on ne sait trop où… et on sombre à nouveau dans une improbable folie au rythme d’un piano décérébré, d'une guitare désaccordée (l’image, hein) et d’un chant désaxé.

Toumaï conclut son voyage schizophrénique avec un titre différent de l’ensemble. « Prey of Birds », les riffs saturent, agresse l’auditeur, l’étouffe. La batterie témoigne d’un enchaînement de frappes proprement assommantes de puissance. Le chant d’Antoine apparaît de plus en plus fou, encore plus dérangé et violent, les aiguës oscillent entre des voix presque enfantines et des hurlements stridents. Le titre le moins « fou » de « Sapiens Demens » n’en est pas moins le plus cohérent. Que ça soit les sonorités d’orgues ou bien les ensembles de guitares/basses autant saturées l’une que l’autre ou bien la batterie dans ses agressions constantes. Mais peu à peu, la musique s’arrête, ne laissant que des chœurs planants et étranges, sur un univers presque mystique …

Le meilleur de la folie pour un digne petit enfant de Mike Patton pour la maîtrise du style et de Psykup pour cette french-touch irrésistible, grand bien en a fait à Toumaï d’avoir attendu plusieurs années pour faire paraître ce premier opus. Si le style est, comme toujours, difficile à cerner et que la première écoute pourra presque repousser devant cet impressionnant étalage de styles et d’influences, une fois les éléments en place, Toumaï apparaîtra sans nul doute comme un espoir à suivre sur la scène avantgardiste française.

2013-05-15 11:01:42