PIAREVARACIEN
TRIUNITY (Split)
2012, Casus Belli Musica


OPRICH

1. Up the Rivers of the North
2. The Volga
3. North the Boundless

PIAREVARACIEN

4. My Autumn
5. Morning
6. Ashes

CHUR

7. O There on the Mountain
8. Over the River, Through the Woods (A Swallow Flew)
9. O the Spring Is in a Field


AlonewithL : 13/20
Le vieux rêve de réunion des pays de tradition slave a refait son apparition avec l’éclatement de l’Union Soviétique. Des antagonismes vivaces entre différents peuples partageant pourtant une même culture, ont contribué à la formation d’une multitude de nouveaux Etats au tout début des années 90. Cette consécration de l’Etat-nation au dépend d’un regroupement cosmopolite de républiques plus ou moins fictives a créé des murs, des postes frontières là où antérieurement il n’y en avait point. Une aberration en chasserait une autre, et des populations héritent des découpages fantaisistes tracés au bout d’un crayon en bois par d’anciens dictateurs communistes. Des branchages seraient privés de leurs racines et les racines se verraient privées de leurs branches. On pourrait établir une même communauté en joignant la Russie, la Biélorussie et la partie sud-orientale de l’Ukraine à majorité russophone. C’est ce que semble nous indiquer les formations « Oprich », « Piarevaracien » et « Chur » représentant chacun un de ces pays. Ils se réunissent aujourd’hui autour d’un split et d’un concept paraissant chez le label russe Casus Belli Musica, déjà promoteur de l’album « Sever Vol’nyj » d’« Oprich ». Cette collaboration a pour nom « Triunity »; l’unité de trois nations autour d’un même héritage, patrimonial, culturel, parfois historique. Le concept en question s’attache à ce lien, à cette solidarité allant au-delà des frontières dessinées par les bureaucrates. Seule la musique de trois formations a le pouvoir de gommer des lignes sur les cartes, d’idéaliser ainsi le rêve panslave.

« Oprich » et « Chur » avaient déjà participé à un split ensemble en 2008. La petite nouveauté réside dans la venue de « Piarevaracien », encore inconnu malgré quelques pièces à son actif. Ce groupe biélorusse avait proposé un black folklorique plutôt sérieux et agréable. Sur ce présent opus, celui-ci se réserve à un folk metal plus contenu, à la hauteur des deux autres participants. Qui dit collaboration ne veut pas dire fusion. Chacun, en effet se réserve sa partie sans empiéter sur les terrains de l’autre. Ce sont les russes d’ « Oprich » qui débutent la cérémonie, développant un folk metal qui leur est habituel. On retrouve encore chez eux ce brin de maladresse et ce manque de persuasion dans le riffing de guitare. Un bien trop sec et linéaire « North the Boundless » tend à nous rappeler les faiblesses qui ont quelque peu plombé leur album de 2010. La flute, absente sur ce titre au bénéfice de la cornemuse, conférerait une âme à la musique d’« Oprich ». Elle se montre en tout cas déterminante sur « The Volga », un titre coloré et bien élancé qui conforterait les espoirs que l’on peut se faire encore du groupe. Cet instrument paraitrait faillir par timidité ou par perte de conviction sur « Up the Rivers of the North ». Il s’agit pourtant là de la vitrine d’« Oprich ». Le morceau n’hésite pas à manier la puissance et la rapidité des guitares. Le chant de Pan suit parfaitement le mouvement. Lui qui avait connu des difficultés pour s’imposer sur l’œuvre précédente aurait gagné en confiance et en maîtrise.

« Piarevaracien » qui succède à « Oprich » ne chercherait pas lui à se prouver, mais plutôt à se dévoiler sans ambition sur un registre pleinement acoustique. On retient dans ses trois titres une mélancolie quasi uniforme, une cadence lente qui ne se lie pourtant pas d’amitié à l’ennui. « Morning » se détacherait un peu du lot, par les quelques airs plus guillerets décelables joués par la flute. Cette légère démarcation se procède aussi par l’intervention brève de la guitare électrique peu avant la fin du morceau, amenant un certain sursaut au moment où on sentait peser l’apathie. Une apathie ambiante d’ailleurs bien présente sur « My Autumn » et « Ashes », au point que l’on pourrait les considérer comme des ballades de metal gothique, s’il n’y avait toutefois pas eu la présence de la flute. Pas de réelle démonstration donc de la part de « Piarevaracien », alors que ce split était l’occasion pour ce projet méconnu de se révéler à un public plus élargi. Tout le contraire de « Chur » en somme. N’ayant lui aucune volonté de se dévoyer, bien au contraire.

Ce qui est certainement la plus connue des trois formations folk du disque étale ostensiblement sa richesse musicale. Elle le fait avec beaucoup d’assurance et d’entrain sur « O There on the Mountain », que l’on jugera malheureusement trop court, et sur « Over the River, Through the Woods ». Une assurance qui ne parvient cependant pas à camoufler les petits défauts communs au groupe. On pense notamment au décalage sonore entre le grésillement produit par la guitare et le son propre, lissé, des autres instruments. Ce serait même inconfortable pour le fort et dynamique « Over the River, Through the Woods », qui s’allie à des airs épiques de claviers. La dimension traditionnelle l’emporte plus qu’ailleurs sur l’étrange, mais néanmoins emballant, « O the Spring Is in a Field ». À entendre le chant tribal de Chur sur ce titre, on croirait être invité à une initiation shamanique. De plus la rythmique saccadée et haletante renforce l’aspect primaire dégagé. Le groupe « Chur » est sans doute celui qui se sera montré le plus convaincant. Du moins c’est surtout celui qui a dévoilé pleinement et entièrement toute sa personnalité.

Trois groupes pour une unité, mais pas forcément une unité de grands talents. En vérité chacun à ses défauts et ses qualités. Même si « Chur » monte en haut du tableau, on pourra considérer les progrès d’« Oprich » depuis l’album assez transparent, on doit le dire, qu’il avait sorti en 2010. Il serait également injuste de cataloguer « Piarevaracien » en maillon faible, tellement il a su soigner sa prestation sur un plan purement technique du moins. Toutes sont de modestes formations en quête de reconnaissance. Pour s‘illustrer, il leur faut encore peaufiner leur formule. Les optimistes diront que « Triunity » leur aura servi d’expérience. Une expérience plus enrichissante que la fracture de ces vieux peuples en 1991.

13/20

2012-07-10 01:41:15