MELTED SPACE
FROM THE PAST (Album)
2012, Season Of Mist / Totentanz Torment Records


DISC 1

1. Lost Village 04:27
2. When I Was God 03:19
3. Brother and Sister 03:48
4. Damned Lovers 05:06
5. A Favored Existence 03:27
6. The Gods Are Living 04:19
7. Spirit of Love 04:00
8. I'll Release the Dead 04:43
9. All Together 06:07
10. Listen to your King 05:35
11. We Are Gods of Ancient Times 04:09

DISC 2

1. Solar Eclipse 01:44
2. This Immortal Love 07:39
3. The Bringer of Light Act I : Misereatur 05:19
4. The Bringer of Light Act II : Now and Always 06:24
5. The Bringer of Light Act III : War for the World 04:49
6. The Bringer of Light Act IV : Sanctus 01:52
7. Dante's Memory 03:48

Total playing time 1:20:35


Matai : 15/20
Il faut croire que la tendance actuelle se dirige vers tout ce qui touche à l'opéra dans le metal. Depuis quelques années et surtout récemment, des formations apparaissent afin de mélanger le metal à la musique classique et aux caractéristiques de l’opéra comme Adrana (France), Mayan (Pays-Bas), Soulspell (Brésil) ou encore Melted Space, fondé en 2007 par le compositeur et claviériste Pierre LePape (Wormfood, Embryonic Cells). Influencé à la fois par le metal et les musiques de film, le sieur s'est lancé dans ce projet personnel très ambiancé portant ce nom si étrange de Melted Space, un endroit où, essentiellement, les créatures divines se côtoient.

Si le premier opus auto produit et instrumental « There's a Place » faisait la part belle à une certaine approche électronique et synthétique, le nouvel opus « From the Past » se veut être plus symphonique et plus metal, mélange même des influences de Pierre. Ce dernier a donc réussi à mettre ses idées en place, s'entourant d'une vingtaine de chanteurs, chanteuses et musiciens pour donner vie à cet opus mystique et très mythologique.

« From the Past », ce sont deux Cds découpés en trois livres ou trois actes, eux-mêmes séparés en chapitres ou scènes. Si l'un traite des dieux des temps anciens, c'est-à-dire les dieux de l'Olympe, l'autre raconte l'amour tragique de la Lune Séléné. Enfin le dernier relate la soif de vengeance de celui qui apporte la lumière, autrement dit, Lucifer. Ce n'est pas rien et le visuel de l'album met bien l'auditeur sur la voie, avec cette statue grecque en arrière plan et ce ciel ténébreux et agité, en totale opposition avec une terre plus sereine.

Car les humains ne savent pas du tout ce qui se passe dans le ciel. Les Dieux sont toujours pris entre pouvoir, passion, haine, amour, immortalité et bataille. Attaquons-nous donc au premier livre.

Tel un opéra, l'auditeur se retrouve face à différents personnages interprétés par différents chanteurs, intervenant chacun leur tour lors de différentes scènes. Les chants ne sont pas tous forcément lyriques, même si la puissance des vocaux est un facteur important. « When I Was a God », par exemple, rassemble Apolon (Manuel Munoz de The Old Dead Tree) et Artemis (Liesbeth Cordia de Eve's Fall) pour une ballade sensuelle et mélancolique, et « Brother and Sisters » nous offre des chanteuses pour un ensemble davantage metal symphonique, plus traditionnel.

Ce premier CD a le mérite de diversifier son propos, même si parfois des titres peinent à décoller. Mais tout se porte sur la variété des vocaux et des styles. Ainsi, si nous avons droit à des ballades et des titres symphoniques classiques, nous pouvons aussi nous retrouver avec du death symphonique voire du black symphonique. Il n'y a pas de restrictions ni de limites ici, chaque personnage a son ambiance, sa voix, sa thématique et cela se ressent bien évidemment sur le cours des chansons. « Damned Lovers » met en scène Aphrodite (Cristina Maez) et Arès (Guillaume Martinot, ex-Gorod) pour un ensemble plus extrême, pris entre le doux chant de la déesse et le growl sans pitié du dieu de la guerre. Ajoutez à cela la double pédale qu'il faut. La symphonie reste dans l'ensemble assez épique, bien que peu grandiloquente. Toutefois, elle reste omniprésente dans la majorité des morceaux, entraînée par des guitares énergiques. « The Gods Are Living » met bien en avant l'aspect symphonique et extrême à la fois, avec ces relents death dans les riffs et bien sûr les vocaux, en l'occurrence grâce à cet affrontement verbal entre Poséidon (Pierre Leone de The Oath) et Héphaïstos (Jesus « the Butcher » d'Offending). Sans oublier le « I'll Release the Dead » assez black symphonique grâce à l'apparition de Hadès, le dieu de l'enfer (Pierrick Valence, Phazm et ex-Scarve), de riffs tranchants et d'orgues démoniaques. L'entrée de Zeus est la bienvenue mais il est dommage que le dieu des dieux est une voix aussi angélique alors qu'il est censé être le dieu le plus puissant de l'Olympe. On croirait entendre Apollon.

Si l'ensemble se veut mélancolique, ou alors, rageur, c'est essentiellement dû au concept : ici les dieux n'ont plus aucune influence, plus aucun pouvoir. Certains le vivent très bien, d'autres regrettent ces temps de règne. C'est pourquoi les déesses tendent à résonner certains dieux bien guerriers, comme Hadès ou Arès. Les autres aimeraient transmettre leur histoire et racontent donc leur péripéties. Dommage cependant que les chansons soient remplies de répétition, car bien que cela tourne autour d'un concept bien précis, on retrouve dans presque chacun des chapitres cette phrase « We are gods of the ancient times ». Ce que, je pense, nous avons compris...

Finalement, ce livre se veut être bipolaire, c'est-à-dire qu'il regroupe quasiment autant de morceaux doux que de morceaux brutes de décoffrage, ce qui est parfait pour attirer, à la fois, les fans de metal extrême et les fans de metal plus soft. Il y a un équilibre presque parfait quasiment perturbant car on passe du romantique (Zeus, Apollon, les déesses) à du guerrier (Hadès, Arès, Poséidon) et ce grâce aux belles compositions et aux habiles coups de gratte de Adrien Grousset (Hacride). Sans oublier la batterie tantôt lancinante, tantôt furieuse de Gael Barthelemy (Balrog, Svart Crown...), quoiqu'un peu sous-mixée. Cette alternance de parties rappellera sans aucun doute des formations connues telles que Sirenia ou Epica, pour ne citer qu'elles, même si on regrettera qu'il n'y ait pas plus de parties dynamiques et de voix féminines différentes pour ce qui est du timbre.

Passons donc maintenant aux deux livres suivants. Le deuxième CD commence par une instrumentale très antique, voire même orientale sur la fin avec ses violons et sa cithare. Un certain côté onirique réside sur cette courte introduction, rappelant parfois l’œuvre de Dany Elfman. « This Immortal Love », consacré à la lune Séléné, met le paquet en ce qui concerne les orchestrations travaillées et les chœurs pendant plus de sept minutes, avant de laisser place à l'histoire vengeresse de Lucifer.

Celle-ci se découpe en actes, allant jusqu'à quatre. Les ambiances restent variées bien que parfois ça ne soit pas le côté metal qui ressorte le plus. « Misereature » joue sur les claviers, les percussions, les effets anciens voire ethniques, et les vocaux. Sur ce fort côté mythologique voire sacré, on retrouve la voix rageuse de Lucifer (Michael Rignanese de Destinity), la voix cristalline de Michael (Lucie Baltrier de A Quiet Day for Mellow Dreams) et la puissante voix de Gabriel (Anaé d'Adrana). A contrario, « War for the World » est plus agressif et extrême, toujours tiraillé entre le romantisme et les guerres. Enfin, « Dante's Memory » est comme un épilogue, un générique de fin, avec sa musique mignonne et une voix résumant tout ce qui s'est passé : les dieux sont maintenant oubliés et se retrouvent dans le Melted Space, l'endroit regroupant toutes les âmes perdues.

Ce « From the Past » de Melted Space est donc un album très ambitieux, mettant à découvert les influences de Pierre LePape et proposant toute une palette d'éléments permettant à chaque chanteur de laisser libre cours à son imagination. On remarquera donc de prime abord la bipolarité de l'opus, entre douceur et agressivité, mais aussi le package très chargé. Dommage toutefois que des fautes d'impressions viennent s'y glisser, rendant la lecture pas forcément évidente. Cela n'empêche pas à ce « From the Past » d'offrir à l'auditeur amateur de metal symphonique trois livres historiques – quasi romancés – et très travaillés, malgré quelques linéarités, quelques manques de puissance et de moments forts, et des touches empruntés chez les gros groupes de symphonique.

2012-04-02 21:03:43