ANVIL
JUGGERNAUT OF JUSTICE (Album)
2011, The End Records




AlonewithL : 15/20
De l’ombre, « Anvil » passe désormais à la lumière. Pas grâce à un album, mais par un documentaire, « Anvil! The Story of Anvil ». Un film retraçant justement les déboires de la formation pour retrouver à la fois leur public et la consécration de leurs jeunes années perdues, leurs problèmes financiers, ainsi que la préparation d’un treizième album (« This Is Thirteen ») dans la difficulté. Celui-là aura été leur porte-bonheur, car contre toute attente le film aura l’effet d’une bombe, encensé, voir adulé pas une critique pas forcément metalleuse dans l’esprit, classé même comme l’un des meilleurs documentaires jamais réalisés dans le genre musical sur de nombreux articles. Un second souffle pour la formation de l’enclume se produit alors. Le public se presse de nouveau pour aller les voir et assister à leurs concerts. C’est donc dans la quiétude que sort le quatorzième album d’« Anvil » sous le label SPV/Steamhammer, soit pratiquement 3 ans après la première diffusion de ce film. Suite à sa longue traversée du désert et le miracle produit, l’enclume portée en triomphe est prête à rejoindre sa terre promise.

Et c’est une force capable de se frayer une brèche à travers la mer, qui se déploiera au commencement de l’album. Effectivement, l’éponyme « Juggernaut of Justice » a de quoi soulever les passions et les passionnés. Intense, réagissant par de gros coups de boutoir. On remarque l’audace de Lips, autant dans son jeu de guitare, redoutable et bien construit, que par son chant imprégnant, toujours à la limite de basculer dans la démence. Dans la chair de cette première offrande, « This Ride » offre lui aussi un riffing musclé et constant. Une mécanique bien huilée inébranlable, qui adopterait une ambiance semi-épique sur le pré-refrain, servant ainsi de promontoire pour la suite. Un heavy metal, dont rien ne paraitrait dépasser, si on oublie bien sûr les quelques soli embarqués de Lips, mais aussi le ton parfois amusé que l’on retrouve sur certaines pistes comme sur le très entrainant « Not Afraid ». Une pointe d’insolence serait à déceler sur « Fuken Eh! ». Un titre plus proche du hard rock à la californienne où on retiendra ses riffs particulièrement tranchants et son soli de milieu de piste teinté de psychédélisme. Il ne va s’en dire que ce sera aussi une occasion pour notre intraitable chanteur/guitariste de pousser son instrument plus que de raison. Véritable outil communicant les mêmes excès jouissifs que pour le chant. Cela pourra aller jusqu’à atteindre une certaine cacophonie, si on prend le cas de « Turn It Up ». Le rythme cogneur, briseur, nous maintient en permanence en haleine. La batterie de Robb Reiner agit avec obstination sous les ordres répétés de Lips.

Une batterie à l’honneur sur l’instrumental « Swing Time », suivant un rythmique balancée, et emmenée par des airs de cuivres. Étourdissant et original. Vif et immédiat, comme le serait également « When Hell Breaks Loose ». Ce morceau, c’est tout bonnement un bâton de dynamite. Que ce soit les riffs ou la rythmique, tout nous rappellerait ici la force explosive. Il faut dire qu’« Anvil » ne fait pas dans la demi-mesure. Ça va souvent à 100 à l’heure, comme le prouverait notamment « On Fire » dans un esprit rock n’ roll aguicheur et agité. Cela bouge de manière ininterrompue, nous laissant aucun répit. On pourrait assimiler « Running » comme son frère jumeau. Ça part effectivement pareil, à toute allure, faisant voler les enjoliveurs sans boniment. La folie ne se dévoilerait pas seulement joyeuse et attrayante. Elle peut aussi se révéler confinée et répulsive. C’est un peu ce que tenterait de nous faire remarquer le groupe avec des morceaux à part, pris d’une lourdeur intimidante; à commencer par « New Orleans Voo Doo » prenant volontairement un ton grippé et une lenteur par à coups. De même pour « Conspiracy », qui aura droit à une superposition de différents riffs sur son dernier tiers, ajoutant à la confusion des lieux. Deux titres qui chercheraient à nous faire peur. Ils paraitront néanmoins trop répétitifs et redondants pour parvenir à leurs fins. Le subtil « Paranormal » dans une approche identique ne commettra pas cette erreur. Là, pour le coup, « Anvil » a pris le choix de jouer du « Candlemass », faisant tonner les grattes dans une marche au pas à pas. Du heavy doom de grande maîtrise comme l’enclume en a assez rarement produit.

Ces moments pesants de l’enclume ne sont pas représentatifs de celle-ci. « Anvil » c’est avant tout un authentique heavy metal à tendance speed pour petits et grands. L’album « Juggernaut of Justice » n’échappera pas à la règle, de toute façon. Voici là un petit veau d’or à placer dans sa discographie pour ses quelques titres assourdissants. Les morceaux bonus issus de l’édition limitée n’en feront malheureusement pas parti. « Tonight Is Coming » pêcherait trop de son côté poussif et répétitif, à la différence de « The Station », tonique, percutant, mais peu original. Rien qui puisse toutefois amener vers le bas, une ancienne formation en pleine ascension. Payez le prix de la traversée et prenez votre temps, le passage n’est désormais plus prêt de se refermer sur « Anvil ».

15/20

2012-02-24 14:47:46